Emmanuel Macron au Salon de l'agriculture : "j'ai cassé les parcours et les codes"

MACRON AGRICULTURE 1280 LUDOVIC MARIN / POOL / AFP
Le président de la République a été applaudi à son arrivée dans le hall 1, avant d'être interpellé par des syndicalistes. © AFP
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William Galibert et Romain David avec AFP , modifié à
Emmanuel Macron effectue samedi sa visite marathon au Salon de l'agriculture, qui oscille entre applaudissements et sifflets.

Il a passé plus de 12h30 avec les agriculteurs. Emmanuel Macron a établi un nouveau record, samedi, battant celui de son prédécesseur François Hollande, qui était resté 10 heures au Salon de l'agriculture. Porte de Versailles, la visite du président de la République a pris des allures de marathon. "Je sais toutes les attentes, parfois les angoisses, et la souffrance qu’il y a sur le terrain", a-t-il déclaré aux représentants d'un monde agricole en crise perpétuelle. 

Un petit-déjeuner syndical 

7h45 : une rencontre à huis-clos. Le président de la République, arrivé avant l'ouverture au public, a débuté sa visite par une rencontre à huis-clos avec les principaux acteurs institutionnels de l'agriculture française dont Stéphane Travert, le ministre de l'Agriculture. Pour cette réunion en forme de petit-déjeuner, proposée par l'Elysée, les dirigeants des cinq syndicats représentatifs du secteur étaient présents (FNSEA, Jeunes agriculteurs, Confédération paysanne, Coordination rurale, Modef), ainsi que ceux de la Mutualité sociale agricole (MSA, la sécurité sociale du monde agricole), de l'organisme de recherche INRA, de Coop de France et d'autres organismes institutionnels du secteur.

"Je suis convaincu qu’il y a un avenir certain, un avenir à inventer ensemble", leur a assuré le chef de l'Etat en préambule de cette rencontre. "Il y a des décisions difficiles à prendre pour certains secteurs, je sais qu’il y en a qui doutent mais je suis convaincu d’une chose, l’agriculture française est une terre de conquête. On a beaucoup de choses à faire".

Le président applaudi... puis sifflé

9h20 : l'interpellation des syndicalistes. La traditionnelle balade entre les étables et les stands a débuté par une série de photographies et de dédicaces. Apres avoir franchi les portes du hall 1, le chef de l’Etat a même été brièvement applaudi par l’assistance. Dans la foulée, Emmanuel Macron a été interpellé par les mascottes du syndicat FNSEA Jeunes Agriculteurs sur la question sensible des accords de libre-échange prévus avec le Mercosur, et qui pourraient permettre l’importation annuelle, en Europe, de plusieurs dizaines de milliers de tonnes de viandes sud-américaines à bas prix.

"Je vous demande des efforts, je vous demande de transformer le modèle. Je sais ce que vous avez pris dans les dents ces dernières années, mais jamais je ne vous demanderai des efforts en en laissant d’autres, qui sont soumis à d’autres règles, rentrer sur le marché", a-t-il voulu rassurer. "Je ne sais pas si cet accord sera conclu, je vous le dis franchement, parce qu’il y a beaucoup de problèmes de leur côté", a-t-il encore soufflé. Emmanuel Macron a ensuite posé au côté de Haute, la vache égérie de ce 55ème Salon de l'agriculture.

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10h20 : les sifflets d'éleveurs. Après une première heure sous les meilleurs augures, le président de la République été sifflé pendant une dizaine de minutes à l’approche du stand d’Interbev, l'association nationale Interprofessionnelle du Bétail et des Viandes. Certains manifestants portaient des t-shirts où l’on pouvait lire, en lettres rouges, l’inscription : "Attention, paysans en colère". Le signe d’une vive défiance de la profession à l'égard du chef de l'Etat.

11h15 : une manifestation contre l'exploitation animale. Après s’être longuement entretenu avec Dominique Langlois, le président d’Interbev, Emmanuel Macron a repris sa déambulation en direction du stand Inaporc, l’interprofession nationale porcine. Dans le même temps, une cinquantaine de militants de l’association 269 Life pour la défense des droits des animaux ont fait leur apparition au milieu du Salon, affiches à la main, avant d’être violemment délogés par le service d’ordre.

11h30 : un échange houleux sur le glyphosate. Le président a été interpellé par deux céréaliers sur la question du glyphosate, cet herbicide controversé que le gouvernement s’est engagé à bannir du territoire en trois ans. "Les yeux dans les yeux : vous êtes là où vous êtes, et je suis là où je suis. Le glyphosate, aucun rapport ne dit que c’est innocent […] moi, j’aurai à répondre de ce que je fais", leur a vivement répondu Emmanuel Macron, faisant ainsi valoir sa responsabilité vis-à-vis de la santé publique.

À son interlocuteur, qui lui demandait de se calmer - "on est chez nous ici, monsieur" -, le chef de l’Etat a rétorqué, avec fermeté : "Vous m’avez sifflé dans le dos. Le calme, ça n’est pas à vous de le donner. Vous me donnez des leçons mais on est tous chez nous. Ça s’appelle la France, et c’est une république". L’échange s’est ensuite poursuivi sur un ton plus apaisé. "Je sais que c’est votre vie. Je vous engueule parce que vous me sifflez... mais après on s’explique", a déclaré Emmanuel Macron. "Sur le sujet du glyphosate, il est très clair qu’il y a 10 à 20% [d’agriculteurs, ndlr] qui n’ont pas de solution, ceux-là on ne leur demandera pas d’en terminer en trois ans", a-t-il assuré. En milieu de journée, l'intégralité de la séquence a été postée sur le compte Youtube du président de la République.

13h50 : Emmanuel Macron adopte une poule. "Vous la voulez pour l’Elysée ?" Alors qu’il discutait avec Emmanuel Macron dans les allées du Salon de l’agriculture, Yves de la Fouchardière, le directeur général des Fermiers de Loué, a offert au président de la République la poule qu’il tenait dans les bras. "Allez, je l’adopte. Hop ! On l’emmène", a répondu le chef de l’Etat, empoignant le gallinacé pour le plus grand plaisir des photographes.

"Ça vous fera votre œuf du matin", a plaisanté l’éleveur. "Aujourd’hui, c’est le ministère de l’Intérieur qui me les fournit, ils ont des poules", a précisé le président de la République. "Il faudra qu'on trouve un système pour la protéger du chien", a-t-il encore ajouté. Le couple présidentiel a en effet adopté le 27 août Nemo, un labrador noir croisé griffon, et qui s’est illustré en urinant devant les caméras contre l’une des cheminées de l’Elysée, pendant une réunion de travail de son maître. Baptisé Agathe, le volatile sera, pour son bien-être, rejoint par une seconde poule, a précisé un peu plus tard auprès de BFMTV Yves de la Fouchardière.

15h10 : des "sanctions" contre les responsables du lait contaminé. Interpellé par l’association des familles victimes du lait contaminé aux salmonelles, le chef de l’Etat a promis des "sanctions financières". Selon Franceinfo, les représentants de l'association ont interpellé le président pendant "plusieurs minutes". 

17h33 : Un cheminot s'invite dans le débat. Emmanuel Macron a comparé les retraites des agriculteurs à celles des... cheminots. Interpellé par un salarié de la SNCF, inquiet de la réforme annoncée de son statut, le président de la République a argué :  "Je ne peux pas avoir d'un côté des agriculteurs qui n'ont pas de retraite, et de l'autre avoir un statut cheminot et ne pas le changer". Et d'ajouter : "Je suis petit-fils de cheminot. Allez voir les agriculteurs, ils n'ont pas de statut... faut pas raconter des craques aux gens."

19h00 : "Je ne crains pas dix zigues qui sifflent dans un coin". Le président de la République vient de quitter le stand des fruits et légumes, après un passage par celui des vins, où l'on a découvert qu'il avait un faible pour le Bordelais. Dans une ambiance bon enfant, Emmanuel Macron est revenu sur les sifflets du matin : "Je ne crains pas dix zigues qui sifflent dans un coin. Moi je vais toujours expliquer la politique que je mène. J'ai vu des gens qui se cachaient à 500 mètres pour siffler, ils étaient très minoritaires. J'ai cassé les parcours et les codes pour aller au devant d'eux, ils se sont arrêtés, on s'est expliqué et je crois qu'ils ont compris." 

20h40 : Une visite record. Emmanuel Macron quitte son premier Salon de l'agriculture en tant que chef d'État après une visite de plus de 12h30 !