Déchéance de nationalité : le débat s'envenime à gauche

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Margaux Baralon avec Aurélie Herbemont , modifié à
IMPLOSION - La sortie de Manuel Valls, qui a accusé dimanche une partie de la gauche de "s'égarer au nom des grandes valeurs", a jeté de l'huile sur le feu d'un débat déjà très animé.

Il n'en fallait pas tant pour entretenir la polémique. En reprochant, dans Le Journal du Dimanche, à la gauche hostile au projet d'extension de déchéance de nationalité de "s'égarer au nom des grandes valeurs", Manuel Valls a déclenché un (nouveau) tollé au sein de sa propre majorité.

Ayrault et Aubry montent au créneau. Le chef du gouvernement a ainsi été interpellé directement par son prédécesseur à Matignon, Jean-Marc Ayrault : "si la France est en 'péril de paix', alors ne la divisons pas d'avantage !" a écrit l'ancien Premier ministre sur Twitter, dimanche soir. 

C'est également sur ce réseau social que Martine Aubry, la maire PS de Lille, a choisi de s'exprimer. "Je défends des valeurs républicaines et de gauche : c'est le propre de la politique et j'en suis fière !"

Valls habitué des rapports de force. Ce n'est pas la première fois que Manuel Valls fait face à des résistances de sa majorité. Le Premier ministre est même un habitué des rapports de force, lui qui a dû maintes fois composer avec les frondeurs socialistes pour faire passer ses réformes économiques, du pacte de responsabilité aux différents projets de loi de finances. Avec, à chaque fois, la même stratégie : tenir bon, en appeler à la responsabilité de chacun et aviver les tensions pour faire plier les récalcitrants.

Stratégie gagnante jusqu'à la loi Macron. Cette méthode s'était révélée payante jusqu'à la loi Macron, en janvier 2015. Pour ce texte, très contesté à gauche, l'exécutif avait finalement court-circuité le Parlement en dégainant l'article 49-3 de la Constitution, qui permet d'adopter une loi sans vote. De peur de ne pas réussir à réunir une majorité suffisante.

Droit dans ses bottes. Avec l'extension de la déchéance de nationalité, Manuel Valls ne change pas de stratégie. Le soir-même de l'annonce de son maintien, le Premier ministre est apparu droit dans ses bottes sur le plateau de TF1, "convaincu" qu'il obtiendrait une "large majorité pour réformer la Constitution". En déclarant au JDD qu'une partie de la gauche "oubliait le contexte, notre état de guerre", le chef du gouvernement a joué sur le registre de la responsabilité. Le groupe socialiste à l'Assemblée nationale a d'ailleurs envoyé à ses députés un argumentaire pour "resituer le contexte et la portée" de la déchéance de nationalité.

"Provocateur et inutilement blessant". Un exercice de pédagogie qui risque, cette fois-ci, de ne pas suffire. "C'est la goutte d'eau. Cet homme n'a pas de principe", lâche un socialiste frondeur. Un autre député hostile à la déchéance de nationalité dénonce un "Premier ministre provocateur et inutilement blessant". Et le député socialiste Christian Paul d'enfoncer le clou sur Europe 1, lundi : "Ceux qui défendent cette mesure perdront leur honneur."

"Il va falloir convaincre". Dans ce contexte, les retrouvailles du groupe PS avec Manuel Valls, le 12 janvier, promettent d'être animées. "Il va falloir convaincre" admet un pilier du groupe. Cela sera d'autant plus nécessaire que François Hollande exclut de contourner le Parlement avec un référendum pour faire adopter sa réforme. Il lui faut donc impérativement obtenir le soutien des 3/5e de l'Assemblée nationale et du Sénat. Mais, comme Manuel Valls, il est persuadé d'y parvenir.

François Hollande monte au front. Pour cela, le chef de l'Etat compte sur des voix de la droite et du centre. Et espère que les élus socialistes seront sensibles aux enquêtes d'opinion, qui soulignent que 94 % des Français sont favorables à la déchéance de nationalité des terroristes binationaux. Très discret avant la présentation du texte en Conseil des ministres, le président est décidé à faire lui-même la promotion de son projet de loi. Il compte ainsi le défendre dans la dizaine de cérémonies de vœux qu'il fera au cours du mois de janvier.