Comprendre l’affaire des assistants parlementaires du Front national au Parlement européen en 5 points

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Marine Le Pen a refusé à ce jour de répondre à la justice française, couverte par son immunité d'eurodéputée. © FREDERICK FLORIN / AFP
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M.Be avec AFP
Le Parlement européen a estimé jeudi à 5 millions d’euros le préjudice subi dans l’affaire des emplois fictifs présumés des assistants d’eurodéputés frontistes.

Le dommage financier est finalement revu à la hausse. Dans l'affaire des assistants d'eurodéputés FN soupçonnés d'emplois fictifs, le Parlement européen estime désormais son préjudice à cinq millions d'euros. Le Front national est suspecté d’avoir organisé un vaste système pour rémunérer ses cadres et employés avec des fonds publics de l’Union européenne, via des contrats d’assistants au Parlement européen. Retour sur cette affaire qui continue de secouer le FN en pleine présidentielle.

  • Que reproche-t-on au Front national ?

L’Office européen de la lutte anti-fraude (Olaf) et le parquet de Paris ont été saisis en mars 2015 par le président socialiste du Parlement européen, Martin Schulz. Ce dernier avait alors signalé que 20 assistants parlementaires du FN occupaient également des postes à responsabilité au sein du parti dans l’Hexagone, faisant douter de la réalité de leur travail à Strasbourg. "On ne peut pas être payé par le Parlement européen et travailler pour un parti", résumait alors Martin Schulz. Depuis, la liste des assistants soupçonnés d’emplois fictifs s’est allongée. Le gendarme antifraude de l’UE a interrogé les attachés concernés par cette fraude supposée, relevant de nombreuses irrégularités.

  • Qui est visé dans cette affaire ?

Une quarantaine d’assistants d’eurodéputés frontistes sont aujourd'hui visés dans cette affaire, ainsi que 17 cadres du parti, dont Marine Le Pen, Jean-Marie Le Pen, Louis Aliot et Florian Philippot. Les instances dirigeantes du Parlement européen soupçonnent les assistants d’avoir été employés à l’assemblée uniquement pour en percevoir les indemnités, et les dirigeants du FN d’avoir pensé et organisé cette fraude. À ce jour, deux assistants ont été mis en examen.

Catherine Griset, cheffe de cabinet de Marine Le Pen au FN et "assistante accréditée" au Parlement européen, badgeait presque quotidiennement au siège du parti à Nanterre en 2015, d’après les enquêtes de la justice française et de l’Olaf. Or, en tant qu’assistante accréditée, Catherine Griset était tenue d’avoir une "présence permanente" à Strasbourg ou à Bruxelles. Le Parlement européen a lancé une procédure pour recouvrer près de 300.000 euros de salaires indûment versés entre 2010 et 2016. Elle a été mise en examen en février pour recel d'abus de confiance par la justice française.

Charles Hourcade, employé comme graphiste au FN et assistant parlementaire de l’eurodéputée frontiste Marie-Christine Boutonnet, a également été mis en examen en France pour recel d’abus de confiance en mars. Une expertise de son matériel informatique a montré que l’attaché n’avait échangé qu’un seul courriel avec son eurodéputée entre août 2014 et mars 2015, durée de son contrat d’assistant parlementaire. Il est suspecté d'avoir indûment perçu à ce titre environ 37.000 euros entre septembre 2014 et février 2015.

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  • Quel montant est en jeu ?

L’Olaf a demandé, depuis juin 2016, à six eurodéputés FN de rembourser les salaires de leurs assistants qu’il estime indûment perçus, à savoir Marine Le Pen, Jean-Marie Le Pen, Bruno Gollnisch, Mylène Troszczynski, Sophie Montel et Dominique Bilde. Les procédures de recouvrement s’élèvent à un total de 1,1 million d’euros, dont 340.000 euros pour Marine Le Pen et 320.000 pour son père. Les élus FN ont contesté en justice ces procédures.

Cette semaine, le Parlement européen a transmis aux juges financiers de Paris une réévaluation du préjudice potentiel de ces salaires frauduleusement versés aux assistants d’eurodéputés FN, l’estimant à quelque 5 millions d’euros, sur la période allant du 1er avril 2012 au 1er avril 2017. Une première évaluation, faite en 2015, s’élevait à 1,9 million d’euros.

  • Où en est l’enquête ?

Saisi en mars 2015 en même temps que l’Olaf, le parquet de Paris a confié l’enquête en décembre dernier à des juges d’instruction du pôle financier. Les juges cherchent à déterminer si le FN a mis en place un système pour rémunérer ses permanents ou des cadres avec des fonds publics européens, en les faisant salarier comme assistants de ses eurodéputés, ce qui pourrait s’assimiler à du financement illégal de parti politique.

Une perquisition menée en février au siège du parti a permis la saisie d’un document laissant penser que le système "frauduleux" a été pensé en haut lieu depuis 2012, et été bien connu de sa présidente. Les juges d’instruction ont demandé mi-avril au Parlement européen de lever l’immunité de Marine Le Pen afin de la traduire en justice, mais cette procédure pourrait prendre du temps.

  • Que répond le FN ?

Marine Le Pen a contre-attaqué en déposant plainte pour "faux intellectuel" en janvier dernier, dénonçant une supposée collusion entre l’Olaf et le secrétaire général du Parlement européen. Depuis, le FN a choisi la stratégie du silence face à la justice : Marine Le Pen a refusé de se rendre à sa convocation devant les juges parisiens en vue d’une possible mise en examen pour "abus de confiance", en février et mars 2017, couverte par son immunité parlementaire d’eurodéputée.

Marine Le Pen avait fait savoir qu’elle ne répondrait pas à une convocation pendant la campagne présidentielle, laissant ainsi supposer qu’elle honorerait ces rendez-vous judiciaires une fois l’élection terminée. À condition toutefois qu'elle ne remporte pas la course à l’Élysée, puisque si elle est élue présidente de la République, Marine Le Pen bénéficiera d’une immunité totale et ne pourra plus être entendue ou poursuivie jusqu'à la fin de son mandat.