Comment Marine Le Pen va-t-elle préparer 2017 ?

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Margaux Baralon , modifié à
PRÉSIDENTIELLE - Si elle veut espérer conquérir l’Elysée dans moins de deux ans, la présidente du Front national doit élaborer une stratégie pour passer l’obstacle du second tour.

Élections après élections, le Front national s’y casse les dents. Arrivé largement en tête au premier tour, il échoue au second malgré une progression du nombre de voix. Ainsi des régionales, où le parti de Marine Le Pen est reparti bredouille le soir du dimanche 13 décembre, alors qu’entre deux et cinq régions lui semblaient gagnables une semaine auparavant.

"Plafond de verre électoral". Le dernier sondage publié à l’issue des régionales promet le même sort à Marine Le Pen pour la présidentielle 2017. Selon Harris Interactive, elle se qualifierait au premier tour mais échouerait ensuite aux portes de l'Élysée, que son adversaire soit François Hollande, Nicolas Sarkozy ou Alain Juppé. Tout l’enjeu désormais, pour le Front national, est donc d’élaborer une stratégie pour surmonter ce "plafond de verre" électoral qui, jusqu’ici, l’empêche de transformer l’essai.

Dédiabolisation et victimisation. Emmené par Marine Le Pen, le parti a pour l’instant joué sur deux tableaux. D’un côté, la dédiabolisation, marquée par l’éviction des candidats aux propos les plus polémiques, notamment racistes et antisémites, afin de faire du Front national un parti "fréquentable". De l’autre, la victimisation d’une formation politique "anti-système", qui se battrait seule contre tous. Une position parfaitement incarnée par Steeve Briois, maire frontiste d’Hénin-Beaumont, qui a déclaré au soir du second tour : "Nous avons tout le système médiatique, les grands de ce monde, les bien-pensants contre nous."

"Le système résiste bien". Ces deux lignes de conduite ont, l’une et l’autre, montré leur limite. Pour Jean-Yves Camus, politologue spécialiste de l’extrême-droite, la défaite du Front national au deuxième tour des régionales prouve que, face à ce parti auto-revendiqué anti-système, "le système résiste, et il résiste bien". Les électeurs ont joué le jeu du front républicain, "un véritable barrage s’est mis en place au second tour", explique Jean-Yves Camus. "L’ampleur de la victoire de Christian Estrosi et Xavier Bertrand est même surprenante". L’augmentation de la participation en faveur de la gauche et de la droite traditionnelle montre que "la dédiabolisation n’a pas suffi", souligne le politologue.

Une marge de manœuvre étroite. La marge de manœuvre de Marine Le Pen est étroite. Si elle pousse encore la dédiabolisation pour aller chercher des voix ailleurs qu’à l’extrême-droite, son parti risque de perdre ce statut prétendument "anti-système". Or, s’il y a bien un avantage à avoir perdu les régionales, c’est que cela permet au Front national "de se poser en victime, au temps où toute victimisation renforce", rappelle le politologue Olivier Duhamel au micro d’Europe 1. Mais sans élargir sa base électorale, Le Front national n’a que peu de réserves de voix au second tour et réduit ses chances d’accéder au pouvoir.

Une alliance avec Dupont-Aignan ? Entre les deux, Marine Le Pen peut opter pour des alliances, avec des possibilités très limitées. Lundi, Florian Philippot, candidat frontiste déchu en Alsace-Champagne-Ardennes-Lorraine, s’est dit favorable à un rapprochement avec Debout la France, le parti souverainiste de Nicolas Dupont-Aignan. "Il y a des patriotes en dehors du Front national", a-t-il déclaré. "Pourquoi ne pas travailler avec le mouvement de Monsieur Dupont-Aignan ? Qu’est-ce qui nous différencie ? Rien ou presque rien."

Mondialistes vs. patriotes. Cette main tendue, quand bien même elle serait accueillie favorablement par Dupont-Aignan, ne donnerait pas au Front national une réserve de voix suffisante pour espérer arriver au pouvoir. Mais elle traduit le début d’une stratégie en vue de l’élection présidentielle : faire bouger le clivage traditionnel entre la droite et la gauche, en faveur d’une opposition "entre mondialistes et patriotes", pour reprendre les mots de Marine Le Pen. "Cette distinction sera le grand enjeu, le grand choix politique des présidentielles", avait martelé la présidente du Front national au soir du second tour des régionales.

Attendre la recomposition de la droite. Pour Jean-Yves Camus, la victoire du Front national est conditionnée à une "réelle recomposition de la droite", qui ne peut advenir sans que cette dernière soit "durablement discréditée". Peu probable d’ici à 2017, alors que c’est la gauche au pouvoir qui prend le plus de coups. "2017 n’est donc probablement pas la bonne échéance, pointe le politologue. En réalité, le Front national ferait mieux de miser sur un nouveau quinquennat de Nicolas Sarkozy, en espérant que cela provoquera une nouvelle désaffection des électeurs de droite."

Vers un "travail introspectif". Reste à savoir si, au-delà des stratégies d’alliances, le parti peut se passer de débats de fond, à l’image de ce que Nicolas Sarkozy souhaite faire à droite au lendemain des régionales. Bruno Gollnisch, que Marine Le Pen avait battu pour prendre la tête du FN en 2011, ne le pense pas. Il a appelé sur son blog à faire un "travail introspectif". Celui-ci pourrait notamment tourner autour de la question de la sortie de l’euro, que le Front national appelle de ses vœux mais qui ne séduit pas à droite. "Beaucoup de tabous, l’immigration, la sécurité, l’islam… sont tombés. Mais le Saint-Euro, ça effraie beaucoup les électeurs", estimait il y a deux mois le sénateur frontiste Stéphane Ravier, qui anticipait : "Au lendemain des régionales se posera sans doute ce sujet crucial pour 2017."