Ces dissidents qui mènent la bataille des législatives

Comme les candidats investis par les partis, les dissidents doivent se faire connaître sur le terrain. AFP
Comme les candidats investis par les partis, les dissidents doivent se faire connaître sur le terrain.
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Thibaud Le Meneec
Privés d’investiture officielle, ils misent sur la carte locale pour devancer les candidats soutenus par les partis.

Comment faire campagne quand votre parti a décidé de ne pas vous autoriser à porter ses couleurs ? Confrontés à cette question, les candidats réfugiés derrière l’étiquette "divers droite" ou "divers gauche" aux législatives ont malgré tout pour ambition de battre leurs adversaires officiellement investis, pour entrer à l’Assemblée nationale le 18 juin prochain. Conseil délivré par Thierry Solère, dissident UMP à Boulogne-Billancourt en 2012 et vainqueur serré d’une triangulaire face à son camp : "Ce sont surtout les parachutages qui favorisent les dissidences qui marchent." Dont acte : les dissidents de 2017 jouent la "carte locale" face à des "apparatchiks" incapables selon eux de porter les enjeux de leur territoire au palais Bourbon. Ce qui va souvent de pair avec des guerres larvées entre personnalités, qui éclatent le temps d’une campagne.

Prenez la 2ème circonscription de Paris, avec ses 24 candidats dont pas moins de six "divers droite" et une seule officiellement investie par Les Républicains, Nathalie Kosciusko-Morizet. Entre l’ancienne ministre et ses concurrents du même camp, les coups fusent depuis plusieurs semaines. "NKM est une enfant gâtée de la politique, elle pratique le tourisme électoral" assène Jean-Pierre Lecoq, dissident LR et maire du 6ème arrondissement. Attaque rejetée par la députée sortante de l’Essonne, qui fustige "la vieille droite qui aime à rester enfermée à Paris dans ses territoires protégées. Ça fait des années qu'ils veulent accrocher mon scalp à leur tableau de chasse." Dans son viseur : Rachida Dati, sa meilleure ennemie de la droite parisienne.

Règlements de comptes politiques. À gauche, l’exemple de la 1ère circonscription de Charente-Maritime, en 2012, est resté dans les mémoires. Candidat socialiste à La Rochelle, Olivier Falorni bascule dans la dissidence quand la présidente de la région Poitou-Charentes, Ségolène Royal, obtient l’investiture officielle du PS. Mais Valérie Trierweiler, alors compagne de François Hollande; décide de s’en mêler en tweetant son soutien à Olivier Falorni à quelques jours du second tour. Ou quand la vengeance personnelle envenime un règlement de comptes politique, finalement gagné par le dissident.

Olivier Falorni a ensuite été exclu du PS à l’Assemblée. Mais quand ils sont élus, les dissidents réintègrent bien souvent le giron de leur parti d’origine. "Vous êtes appelés par le parti le soir-même de votre victoire et on vous dit 'bravo, t’as gagné, maintenant tu viens au groupe UMP, hein ?'", rembobine Thierry Solère à propos de 2012. Lui est aujourd’hui officiellement investi par LR et, ironie du sort, affronte une dissidente, Marie-Laure Godin, adjointe au maire de Boulogne-Billancourt et rival local du député, Pierre-Christophe Baguet.

Le camp de Macron aussi touché. Si Les Républicains et le Parti socialiste ont une certaine habitude de la dissidence, aucun parti n’est épargné par ce phénomène. Même la République en Marche!, mouvement fondé par Emmanuel Macron qui a pour objectif revendiqué d’atteindre la majorité absolue au palais Bourbon pour ses premières législatives. Pierre Laporte est de ces "marcheurs" déterminés à ne pas se conformer à la discipline du parti, qui n’a pas investi de candidats face à des personnalités proches de la majorité présidentielle en construction. Loin d’avoir tout misé sur l’investiture En Marche!, l’homme refuse pourtant qu’on le qualifie de dissident, fier de mentionner en gros "Majorité présidentielle" sur son affiche de campagne : "J’avais de toute façon l’intention de me présenter. Et depuis janvier, j’avais un deuxième fer au feu, à savoir me rattacher au mouvement des 577, qui est très proche de ce que prône Macron." 

Armelle Malvoisin, elle, a décidé de ne pas choisir une autre étiquette : elle sera la dissidente En Marche! de la 11ème circonscription de Paris, face à Marielle de Sarnez, numéro 2 d’un MoDem allié électoral du parti d’Emmanuel Macron. "Beaucoup de gens ont écrit à En Marche! pour dire qu'ils n'étaient pas contents, que ça n'était pas ce qu'ils attendaient. Mais qu'est-ce que l'on fait ? On se résigne ? On baisse les bras ? J'ai décidé d'y aller !", explique-t-elle.

"Je ne passe pas mon temps sur les plateaux". Parfois, les logiques d’appareils bousculent le jeu politique local. Il en est ainsi de la 6ème circonscription de Paris, où Nawel Oumer a mal vécu l’accord entre Benoît Hamon et Yannick Jadot lors de l’élection présidentielle : en échange du retrait du candidat EELV de la course à l’Elysée, le parti écologiste a obtenu de Solferino que les socialistes leur laissent 42 circonscriptions. Dont la sienne, à cheval sur les 11ème et 20ème arrondissements. Cette socialiste se plaît à rappeler qu’il s’agit "la meilleure circonscription de France" pour la gauche. "J’ai échangé avec les militants, des personnes qui n’étaient pas forcément au Parti socialiste et qui m’ont encouragé à poursuivre ma campagne. Ma candidature est une dissidence d’étiquette, pas de ligne politique. Il fallait présenter une alternative aux électeurs entre Emmanuel Macron et la France insoumise", précise-t-elle en revendiquant d’être dans l’exécutif parisien depuis 2014 aux côtés d’Anne Hidalgo.

Mais face à Nawel Oumer se dresse Cécile Duflot, ancienne ministre et députée sortante, qui bénéficie entre autres du soutien de Benoît Hamon. "Moi, je ne débarque pas dans ma circonscription, ça fait 40 ans que j’habite dans l’Est parisien", adresse-t-elle à sa rivale de gauche. Comme d’autres dissidents, elle doit faire sans le soutien logistique du parti. Et assume de mener une "campagne assez classique" avec les passages obligés d’une campagne électorale que sont le tractage, le porte-à-porte ou les marchés. "J’ai toujours considéré que l’élection se jouerait sur le terrain. Donc je ne passe pas mon temps sur les plateaux", tacle-t-elle encore. Tout juste l’avocate concède-t-elle que si elle n’avait pas été élue municipale, les choses auraient été bien plus compliquées en tant que dissidente.