Après l'épisode Whirlpool, Macron cogne contre Le Pen en meeting

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, envoyée spéciale à Arras , modifié à
En meeting à Arras mercredi soir, Emmanuel Macron a pilonné son adversaire, reprenant des couleurs après un début de campagne d'entre-deux tours poussif.
REPORTAGE

Emmanuel Macron peut dire merci à Marine Le Pen. Si le candidat arrivé en tête du premier tour de la présidentielle avait pu paraître trop sûr de lui dimanche, la campagne offensive de son adversaire l'a poussé, mercredi soir, à répondre coup pour coup. En meeting à Arras après une journée de déplacements plus que houleuse, le leader d'En Marche! a repris la main, dénonçant avec force la "démagogie" de la candidate frontiste.

Une visite à Amiens perturbée. Pourtant, la journée avait mal commencé pour Emmanuel Macron. Son déplacement à l'usine Whirlpool d'Amiens, à une soixantaine de kilomètres d'Arras, menacée de fermeture après une décision de délocalisation, a été soudainement perturbé par l'irruption de Marine Le Pen sur les lieux. Alors que lui-même était à la Chambre de commerce et d'Industrie avec des représentants syndicaux, la candidate frontiste s'est fait un plaisir de déambuler parmi les salariés, leur serrant la main, prenant des photos avec eux, et égratignant le "mépris" d'un adversaire qui, selon elle, n'osait pas en faire de même.

Beaucoup de selfies et aucune réponse. Emmanuel Macron avait relevé le gant dans l'après-midi en acceptant, lui aussi, de rencontrer les salariés. Sous les huées et les invectives, le candidat d'En Marche! avait tenu bon, parvenant au bout d'une heure et demi à, si ce n'est convaincre, du moins instaurer un dialogue. Et de cet épisode qui aurait pu lui porter préjudice, il a décidé de faire une force. "Madame Le Pen est venu faire quoi [devant Whirlpool] ? Passer un quart d'heure sur un parking à faire des selfies", s'est-il indigné pendant son meeting à Arras. "Elle veut faire vivre une fracture politique en attisant les haines, en mentant, en parlant aux peurs mais en n'apportant aucune réponse, rien."

"Je ne laisserai pas une once de territoire à Le Pen". Dans un discours plus concis que d'ordinaire, retravaillé pour s'adapter aux événements, Emmanuel Macron s'est attaqué à toutes les "fractures" et méthodiquement démonté les arguments frontistes. Fractures politiques, mais aussi territoriales, qui touchent "les banlieues, la ruralité, les quartiers et les territoires qui se sont désindustrialisés". "Chacun des territoires de la République est dans la République, je n'en sais pas de perdus", a-t-il martelé, promettant de ne "pas laisser une once du territoire à Madame Le Pen". Le leader d'En Marche! n'a pas non plus voulu lui laisser le monopole du peuple, appelant la candidate frontiste "l'héritière".

"Le FN se nourrit de la fracture démocratique". Des accents chiraquiens dans la voix, Emmanuel Macron a parlé de "réduire la fracture sociale". "C'est aussi l'école, c'est former. Et cela, le FN n'en dit jamais un mot. Rien." Le candidat d'En Marche! a également pointé un "FN qui se nourrit de la fracture démocratique" en ayant parallèlement "les pires pratiques de l'ancien régime". "Madame Le Pen refuse de se présenter devant les juges", a-t-il rappelé devant un public conquis au moment où, ironie des emplois du temps, le Parlement européen lançait une procédure pour lever l'immunité parlementaire de la présidente en congé du Front national.

" Le FN n'est pas le parti des patriotes, c'est le parti des nationalistes "

Avancer projet contre projet. Enfin, Emmanuel Macron a consciencieusement pilonné le programme de Marine Le Pen sur l'Union européenne. "Ça veut dire que votre épargne, demain, perdra au moins 30% de ce qu'elle vaut. Vos salaires diminueront", a-t-il lancé. "Nous nous appauvrirons." Avant de fustiger le protectionnisme économique du Front national. "Sur le plan politique, c'est le nationalisme. Le FN n'est pas le parti des patriotes, c'est le parti des nationalistes. Et le nationalisme, c'est la guerre."

Celui qui a toujours défendu de faire campagne en avançant "projet contre projet" a, une nouvelle fois, encouragé ses sympathisants à poursuivre dans cette voie. "Opposons notre envie, le discours de l'intelligence contre la démagogie", a-t-il asséné. "Entendez la colère, respectez les divisions. Mais partout, allez convaincre."

"Ne donnez pas au FN vos espoirs, il les trahira". C'est aussi aux indécis qu'Emmanuel Macron a tenté de parler mercredi soir. Celui qui veut "être un président qui protège, qui assure la dignité, construit, transforme", a encouragé ceux qui n'ont pas voté pour lui au premier tour à faire un choix. "Ne donnez pas au Front national votre colère, il ne la mérite pas. Ne donnez pas au FN vos espoirs, il les trahira. Ne donnez pas vos indignations, il s'en nourrit sans y répondre."

Gravité et détermination. A ceux qui le soupçonnaient de croire la victoire acquise et de ne pas prendre suffisamment sérieusement la menace de son adversaire, Emmanuel Macron, originaire d'Amiens, a répondu qu'il avait "mal dans [sa] chair et dans [ses] racines de voir les chiffres du FN dans les Hauts-de-France". "Oublier l'espace d'un instant la force du FN, c'est ne pas pouvoir gouverner ensuite", a-t-il averti, multipliant les efforts - un peu tardifs - pour montrer qu'il ne sous-estimait pas Marine Le Pen. "Nous avons été joyeux, mais portons tout cela avec gravité, avec détermination."

Détermination que cet habitué des envolées pas toujours très maîtrisées en fin de meeting a incarnée quelques minutes avant de conclure. "Ils ne passeront pas", s'est-il écrié. "Moi, je n'en veux pas. Pas ça ! Pas ça !" Celui qui, lors des débats, n'avait jamais été aussi efficace que lorsqu'il s'était opposé à Marine Le Pen, a prouvé une nouvelle fois que la candidate frontiste était son adversaire préférée.