Le pari du centre de François Bayrou

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Administrator User , modifié à
Avec la création du "Parti démocrate", François Bayrou tente au centre un pari risqué dans un système politique qui tend à la bipolarisation, dont le succès pourrait se jouer sur l'avenir du Parti socialiste, estiment des analystes. François Bayrou a annoncé mercredi qu'il ne donnait pas de consignes de vote à ses électeurs avant le second tour de l'élection présidentielle.

François Bayrou, en fondant le parti démocrate, veut créer un vrai parti du centre, puissant et indépendant. "Il y a sans doute un espace entre la droite de Nicolas Sarkozy, beaucoup plus dure que la droite chiraquienne et qui peut déplaire à des électeurs de droite modérés, et l'interrogation sur l'avenir du Parti socialiste à qui les électeurs du premier tour de la présidentielle ont demandé d'aller au centre", explique Dominique Reynié, politologue et professeur à Sciences Po. "Soit le PS réussit à aller au centre et à être un parti de centre-gauche et alors il n'y a pas de place pour François Bayrou, ou bien ça ne marche pas et François Bayrou a un espace", sans doute en prévision de 2012, ajoute-t-il. Dominique Reynié souligne toutefois, avec d'autres politologues, que le principal obstacle auquel est confronté François Bayrou est le scrutin majoritaire qui prévaut en France pour les élections législatives. Ce système, et les regroupements de forces auquel il oblige, favorise une bipolarisation de la vie politique entre droite et gauche. "Tout le système institutionnel français est un système qui coince les tentatives de centrisme autonome", juge Jean-Luc Parodi, directeur de recherche à Sciences Po. "L'idée de pouvoir créer un parti du centre, fort, sans alliance au départ et qui ne ferait des alliances qu'une fois arrivé au Parlement, tantôt avec la gauche, tantôt avec la droite, est une idée illusoire", estime-t-il. "Ça rend les choses très difficiles, confirme Dominique Reynié. Il (François Bayrou) peut avoir un groupuscule comme il a déjà avec l'UDF, mais il ne pèsera sur rien. Dans le système actuel, pour qu'il puisse peser vraiment, il faut que l'un des partis, l'UMP, ou l'autre, le PS, tombe." De fait, l'aventure au centre tentée par Jean Lecanuet à la fin des années 60 et au début des années 70 n'a pas fonctionné longtemps. Jean Lecanuet a fini par se rallier à la candidature de Valéry Giscard d'Estaing en 1974. Pour Jean-Luc Parodi, seule l'introduction d'une bonne dose de proportionnelle aux législatives changerait la donne et pourrait permettre à un centre d'émerger. Olivier Duhamel, professeur à Sciences Po, relativise la difficulté. Le scrutin majoritaire mène à la bipolarisation, reconnaît-il, mais non au bipartisme à l'américaine et à l'anglaise, du fait de l'existence de deux tours de scrutin, à la différence de ce qui se passe dans ces pays anglo-saxons. En outre, explique-t-il, il existe d'autres scrutins en France, élections municipales, régionales et européennes, qui comprennent un peu de proportionnelle. "Quand vous êtes extrêmement déterminé et que vous créez une force politique que vous voulez faire exister de façon autonome, rien ne vous empêche de profiter des scrutins municipaux, régionaux, européens d'une part et d'exister systématiquement dans les premiers tours d'autre part. C'est ce que va faire Bayrou avec les législatives", dit-il.