C’est quoi, au fait, une "dynamique" ?

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Fabienne Cosnay , modifié à
Politiques, sondeurs et journalistes emploient ce mot depuis le début de la campagne. A tort ?

S'il y avait un mot à retenir dans cette campagne, ce serait peut-être celui-là. DYNAMIQUE. Avant le premier tour, on a souvent entendu l'expression "la dynamique Bayrou" (au tout début de la campagne, du moins…) puis "la dynamique Mélenchon". Nicolas Sarkozy voulait arriver en tête, le 22 avril, pour "créer une dynamique". 

Dans 66 dépêches, dimanche soir

Au soir du premier tour, politiques, journalistes et sondeurs ont aussi "rabâché" ce terme. On le trouve dans pas moins de 66 dépêches, dimanche soir. Exemples à l'appui. Au traditionnel jeu de la "dynamique d'entre deux-tours", le député de Corrèze a assuré dans sa première déclaration être "le mieux placé" pour succéder à Nicolas Sarkozy, peut-on lire dans une dépêche Reuters.

"Avec ce niveau, il ne fait aucun doute que Marine Le Pen devrait disposer d'une bonne dynamique aux législatives de juin", décrypte un journaliste de l'AFP. "Les électeurs du FN ont déjoué tous les pronostics des sondeurs, qui avaient dit que la dynamique était à gauche", a estimé l'ancienne Garde des Sceaux, Rachida Dati, dimanche soir.

Même  chez les militants, le mot est devenu "tendance". "La campagne du MoDem avait bien démarré. Mais ensuite, il n'y a pas eu une dynamique suffisante", confiait à l'AFP une sympathisante, dimanche soir. "Cela nous donne une dynamique formidable pour le deuxième tour", se réjouissait au contraire une militante socialiste.

Un mot à la mode

"Dynamique" ? "C'est un mot à la mode comme "le troisième homme", concède Frédéric Dabi, directeur adjoint de l'Ifop. Un mot qui a principalement deux sens, rappelle Marie Treps, linguiste et sémiologue*. Prenons la première définition donnée par le Larousse. "Relatif à la force, au mouvement". "Ici, on a affaire à un terme de physique", souligne la linguiste. "Dans la campagne, on a bien des forces, des partis et des électeurs qui produisent le mouvement", avance Marie Treps.

Certes mais encore ? "Dynamique" renvoie aussi à l'idée de progression, répond t-on du côté des sondeurs. "Plutôt que de parler de tel ou tel candidat qui progresse, on évoque sa dynamique", complète Frédéric Dabi. "Dans un sondage, c'est une progression dans le temps assez forte et relativement brutale", ajoute le directeur adjoint de l'Ifop. Pour Stéphane Rozès, fondateur de l'agence CAP, le terme ne devrait pas être employé à tort et à travers. "Après le premier tour, on peut vraiment parler de dynamique chez François Hollande et Marine Le Pen", estime le politologue.

"Tout le monde peut s'approprier ce mot"

Le mot renvoie aussi à une personne, "qui manifeste de l'énergie et de l'efficacité". "Au sujet de François Hollande, par exemple, on peut lire dans Libération : 'La dynamique de son image n'est pas au rendez-vous", souligne Marie Treps. Alors, le mot "dynamique" est-il trop utilisé, surinterprété par ceux qui l'emploient ? Non, estime la linguiste. "Cela peut concerner une personne, un parti, une foule, etc. La combinaison de ces deux sens fait que tout le monde peut s'approprier ce mot", estime la sémiologue. "C'est pour ça qu'on le voit partout", conclut-elle.

 *La rançon de la gloire, les surnoms de nos politiques, Editions du Seuil.