2017 : ils promettent de redonner la parole au peuple

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Le référendum d'initative populaire, s'il est adopté, pourrait amener à la multiplication de consultation populaire en France. © FREDERICK FLORIN / AFP
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Plusieurs candidats proposent, s’ils sont élus, des dispositifs pour donner aux citoyens l’initiative de référendums. Un serpent de mer dans la politique française. 

C’est une tradition républicaine en France : lors de chaque élection présidentielle, le citoyen est choyé, et on lui promet bien souvent que, dans le quinquennat à venir, il aura voix au chapitre. 2017 n’échappe pas à la règle. De nombreux candidats, à l'image de Benoît Hamon lundi matin sur Europe 1, proposent en effet de donner au peuple l’initiative de référendums. Même si la forme diffère, l’idée est la même : répondre à une aspiration déjà ancienne des électeurs français de pouvoir être à l’origine de certaines lois. En 2011, selon un sondage Ifop, 72% des personnes interrogées se déclaraient favorables à un référendum d’initiative populaire.

  • Actuellement, un référendum d’initiative partagée inapplicable

Dès 2007, les deux finalistes de la présidentielle, Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy, l’avaient proposé. Une fois élu, le candidat de l’UMP a bel et bien fait adopter un dispositif, mais loin de ce qui se pratique en Suisse par exemple, où 100.000 signatures suffisent à déclencher un référendum. Dans l’Hexagone, il s’agit en fait d’un référendum d’initiative partagée. Mais les contraintes sont telles que depuis son entrée en vigueur, aucun n’a vu le jour. Et ce ne sera probablement jamais le cas. Les obstacles sont trop nombreux.

D’abord, l’initiative est réservée à un cinquième des parlementaires. Ensuite, 10 % du corps électoral doit la soutenir - soit 4,6 millions de personnes, tout de même – au cours d’une campagne uniquement financée par des partis ou groupements politiques. Si c’est le cas, et après approbation du Conseil constitutionnel, il faut qu’aucune des deux chambres n’examine la proposition de loi dans un délai de six mois pour que le président de la République la soumette au référendum. Bref, tout a été fait pour rendre impossible une telle issue. Autant dire qu’en France, un référendum à l’initiative du peuple n’existe tout simplement pas.

  • Référendum d’initiative populaire ou 49.3 citoyen : les propositions

Chez les candidats à la primaire PS. Tout reste à faire en la matière donc. Et certains candidats ont compris que l’aspiration n’avait pas quitté l’opinion publique. C’est le cas de Benoît Hamon. Si le candidat à la primaire du PS ne propose pas une initiative citoyenne à proprement dite, il veut offrir au peuple la possibilité de réclamer et d’obtenir d’être consulté, sous la forme d’un "49.3 citoyen". "Je souhaite que les citoyens aient la possibilité, quand ils composent 1% du corps électoral (soit environ 460.000 signatures, ndlr) sous la forme d'une pétition, d'obliger le Parlement quand il vote une loi à ce qu'elle soit soumise à un référendum", a-t-il expliqué sur Europe 1 lundi matin. Toute référence à une loi Travail, adoptée via un 49.3 et qui a réuni plus  d’1,3 million de signatures sur une pétition, n’est évidemment pas fortuite.

Ses rivaux de la primaire de la Belle Alliance populaire ne sont pas en reste. Sans développer plus avant les modalités, Arnaud Montebourg a ainsi évoqué lors d’un discours le 5 novembre dernier un "référendum d’initiative populaire (…) pour faire avancer la démocratie, éviter la conflictualité inutile dans notre pays et faire en sorte que des citoyens rappellent parfois à l’ordre le système politique lorsqu’il perd la tête".

De son côté, Manuel Valls n’a pas encore dévoilé son programme, mais sur la question de l’avenir des institutions, il a affirmé vouloir s’appuyer sur le rapport Bartolone-Winock. Rapport qui préconise "un véritable référendum d’initiative populaire, notamment en abaissant le nombre de signatures requis pour la mise en oeuvre de la procédure (actuellement fixé à 10% des inscrits)". Il ne serait donc pas étonnant de voir le Premier ministre faire une promesse électorale dans ce sens.

Fillon fait l’impasse. Chez François Fillon en revanche, pas de mention d’une telle initiative dans son projet en ligne. Mais le candidat de la droite l’assure : "ce sont les Français eux-mêmes, ce qu’on appelle la société civile, qui ont été les premiers à m’aider pour concevoir mon projet". Et le vainqueur de la primaire de la droite promet de recourir aux référendums s’il est élu. En la matière, c’est un peu léger. "Le projet présidentiel est en cours", répond-on dans le camp du candidat. Peut-être devra-t-il se positionner sur la question pendant la campagne.

"C’est ça, la vraie démocratie", selon le FN. D’autant que le Front national, fidèle à sa ligne populiste, devrait être lui très clair sur ce sujet, à en croire Florian Philippot, son numéro 2. "On donnera la possibilité aux Français eux-mêmes de déclencher des référendums. On inscrira dans la Constitution française le fameux référendum d’initiative populaire qui existe en Italie ou en Suisse, qui permet aux citoyens français, par signatures -500.000 au niveau national ce qui est raisonnable - de déclencher eux-mêmes un référendum sur le sujet de leur choix", a affirmé le vice-président du FN dimanche sur Europe 1. "C’est ça, la vraie démocratie. Et ceux qui aujourd’hui fustigent les référendums, en réalité ils fustigent le peuple. Ils ont peur du peuple", a-t-il conclu. L’angle d’attaque est tout trouvé.  

 

C’est incontestablement en Suisse que le référendum d’initiative populaire est le plus utilisé. Dans la confédération, la signature de 100.000 électeurs potentiels (sur près de 5 millions) suffit à déclencher une votation citoyenne. Même si la plupart des propositions sont rejetées (90% depuis 1848), il arrive que le oui l’emporte. Y compris sur certaines questions très polémiques, comme celle interdisant "la construction de minaret" ou celle rejetant "l’immigration de masse".

En Italie, citée en exemple par Florian Philippot, le peuple ne peut pas proposer des lois, mais il peut en abroger. A partir de 500.000 signatures, les citoyens sont consultés pour décider de l’abrogation, totale ou partielle, d’un texte législatif.

Enfin aux Etats-Unis, seuls quelques Etats autorisent l’initiative populaire, sans que le référendum soit toutefois automatique. Notons tout de même que Barack Obama a mis en place en 2011 "We the people", un site de la Maison-Blanche qui permet aux Américains d’interpeller directement le président. Si une question dépasse les 100.000 signatures, l’administration est tenue d’y répondre. Ce qui entraîne quelques abus, puisqu’en 2014, la présidence américaine a été obligée de répondre à une pétition réclamant… l’expulsion de Justin Bieber du sol des Etats-Unis vers son Canada natal.