Les touches numérotées pourraient disparaître à terme des télécommandes. 7:19
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Antoine Terrel
De plus en plus de télécommandes de télévisions nouvelle génération se passent des traditionnels boutons numérotés renvoyant vers les chaînes. Alors que ces dernières s'inquiètent de cette nouvelle donne, Olivier Kouvarakis, le directeur marketing de l'application Molotov, estime que l'accès aux chaînes essentielles, lui, "ne va pas disparaître". 
DÉCRYPTAGE

Le titre traduit l'inquiétude du secteur. Dans un article publié début septembre, le journal Le Figaro se penche sur "comment les chaînes françaises perdent la bataille de la télécommande". Car de plus en plus, les grandes plateformes nouent des accords avec les fabriquant de téléviseurs pour avoir un bouton consacré directement sur la télécommande. Une évolution qui inquiète les chaines de télévision, encore souvent dépendantes des touches numérotées. Mais cette inquiétude doit être relativisée, nuance dans Culture Médias Olivier Kouvarakis, le directeur marketing de l'application Molotov, la première plateforme française de streaming.

Pourquoi les chaînes s'inquiètent-elles ? 

Si tous les Français ne possèdent pas encore une télévision connectée, ces modèles sont en pleine expansion. Ainsi, l'usage des Smart TV "se généralise rapidement", indique Le Figaro, qui précise qu'elles représentent désormais "80% des 4,5 millions de télés vendues chaque année en France". Or, les télécommandes de ces télévisions nouvelles génération intègrent de plus en plus des touches renvoyant vers les grosses plateforme de streaming comme Netflix ou Amazon, mais pas toujours un clavier de numérotation. "Chez Samsung (...) le traditionnel clavier de numérotation a disparu", déplore dans le quotidien un membre d'une grande chaîne de télé française. 

Pour la patronne de France Télévisions Delphine Ernotte, interrogée dans Le Figaro, cette nouvelle donne menace directement les chaînes tricolores. "Demain, le grand danger qui menace les chaines de télé est de se retrouver totalement désintermédiées par les téléviseurs connectés, qui offrent un accès direct aux plateformes", regrette-elle. Et d'alerter : "A terme, c'est l'existence même des médias locaux qui est en jeu." 

Les boutons des chaînes vont-ils vraiment disparaître ? 

Pour Olivier Kouvarakis, il est "fort probable" que ces boutons disparaissent des télécommandes à terme. Mais, interroge-t-il, "la question, c'est est-ce que c'est grave?" Il y a à peu près quinze ans, rappelle-t-il, "tous les téléphones ont perdu leurs boutons au profit de pavés tactiles. Est ce que vous téléphonez moins? Est ce que vous envoyez moins de SMS ? En fait, c'est l'interface qui a changé. Ce n'est pas l'absence ou la présence de boutons qui changent l'usage, c'est le changement d'interface."

"Les boutons vont disparaître, mais l'accès aux chaînes essentielles, lui, ne va pas disparaître", estime ce spécialiste. "Par contre, il va se faire à travers différentes interfaces." "Le bouton qui amenait vers une chaîne linéaire n'était plus adapté à un service qui n'est plus que linéaire", développe l'invité d'Europe 1. "Aujourd'hui, derrière un seul bouton, on essaie de mettre du live, du replay, de l'enregistrement. Ça ne rentre pas. Donc, pour faire ça, il faut repenser l'interface. C'est ce qu'on a fait chez Molotov et à partir de là, on n'a plus besoin des touches. On a besoin de naviguer et donc on a besoin d'un pavé tactile."

Selon Olivier Kouvarakis, l'avenir est plutôt pour les touches " de raccourcis", qui renvoient vers un service, une application. "La question, c'est de savoir si ces touches resteront, et vont être aussi mises à disposition des chaînes essentielles", ajoute-t-il. 

Les groupes français peuvent-ils rivaliser avec les géants du secteur ? 

Face à ces évolutions, les acteurs français du secteur tentent de s'adapter. Ainsi, France Télévisions essaye depuis 2020 de proposer des alternatives avec notamment une application qui a été déployée sur les Smart TV Samsung et LG. Mais les choses ne sont pas si simples, fait remarquer Encarna Marquez, la directrice du numérique de France Télévision. "La mise en avant des différentes applications, que ce soit chez Samsung ou chez LG, est soumise à des accords de distribution et de marketing. Et bien évidemment, France Télévisions n'a pas les moyens marketing pour rémunérer Samsung ou LG à la même hauteur qu'un géant comme Netflix", indique-t-elle à Europe 1. 

Dans Le Figaro, un actionnaire de Salto, un service de vidéo crée par TF1, M6 et France Télévisions, abonde : "Dans un marché de la distribution audiovisuelle en voie de globalisation, la bataille qui consiste à payer le plus cher pour être le mieux exposé est perdue d'avance. Une plateforme comme Salto, par exemple, n'aura jamais assez d'argent pour  avoir sa place sur la télécommande ou s'afficher en pole position des écrans de télé."

S'il confirme l'existence de "deals mondiaux pour les grands groupes comme Netflix et Disney+", Olivier Kouvarakis note toutefois qu'"il y a maintenant sur les télécommandes, les télés, une part de visibilité dédiées au local", avec des fabriquant qui s'entendent par exemple avec Molotov. Sur la question des coûts, il avance que "cela coûte des sommes qui sont totalement raisonnables", tandis que "pour certains constructeurs, ça ne coûte rien, car c'est un service qu'on leur rend".