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Europe 1 et l'ensemble des radios privées dénoncent la remise en cause des équilibres du marché publicitaire radiophonique avec le déplafonnement des recettes publicitaires en discussion pour Radio France. Constance Benqué, présidente de Lagardère News, et Alain Liberty, président du Sirti, syndicat des radios indépendantes, pointent dans "Culture Médias", mardi, une inégalité de traitement. Ils réclament, outre un respect des règles actuelles, une suppression de la publicité en cette période de crise.
INTERVIEW

Les radios privées sont en colère. Dans un communiqué publié lundi, elles dénoncent les règles qui régissent la publicité sur les radios publiques. Ces règles pourraient bientôt changer et les recettes publicitaires de Radio France pourraient ne plus être limitées, ce qu'elles sont en théorie aujourd'hui. Cela pourrait, de facto, affaiblir les radios privées, déjà touchées par la baisse des investissements publicitaires, repli du à la crise actuelle du coronavirus. Pour protester contre ce déplafonnement, Constance Benqué, présidente de Lagardère News et Alain Liberty, président du Syndicat des radios indépendantes, étaient les invités d'Europe 1, mardi matin.

Pour bien comprendre la situation actuelle, il faut revenir un peu en arrière. Pendant de nombreuses années, la publicité a été interdite sur les antennes de Radio France, financées uniquement par de l'argent public. En 2016, elle a été autorisée et les radios privées, qui ne vivent que de la publicité, avaient protesté. L'État avait alors instauré une limite de recettes pour Radio France, à 42 millions d'euros par an. Cette limite de recettes est aujourd'hui remise en cause et cela permettrait à Radio France d'augmenter ses recettes publicitaires.

Un "gâteau" insuffisant ?

"En face de nous, on a un groupe de radio publique qui a la chance de bénéficier de 580 millions de redevance publique et de 42 millions d'euros de publicité", rappelle Constance Benqué, présidente d'Europe 1, Virgin Radio et RFM. "Ce chiffre est supérieur au budget de fonctionnement de toutes nos radios. D'une part, Radio France ne respecte pas ce plafond aujourd'hui, puisqu'il sont à plus de 50 millions d'euros", défend la dirigeante, alors que ce chiffre est contesté par Radio France. "De plus, cela prend de l'argent qui pourrait aller ailleurs." 

" C'est une crise sur les salaires, sur la qualité de l'information, sur la production de programmes "

"C'est un peu comme un partage de gâteau", abonde Alain Liberty, président du Sirti. "Plus il y a de monde à table, plus les parts sont petites. Aujourd'hui, une radio comme Europe 1 est financée à 100% par la publicité. Si, demain, nous avons un nouveau convive à la table de ce gâteau publicitaire, vous imaginez bien que malheureusement, nous vivrons beaucoup moins bien. C'est une crise sur les salaires, sur la qualité de l'information, sur la production de programmes, voire l'existence des radios", prévient-il, alors que 600 emplois sont menacés dans les radios indépendantes en 2021.

Deux avis défavorables

L'argument de Radio France est le suivant : cet apport de publicité compenserait la baisse de dotation de l'État, de 20 millions d'euros, d'ici à 2022, afin de mieux gérer l'argent public. "L'État demande des efforts depuis plus d'un an à cause de cette crise sanitaire à tout le monde : les commerçants, les restaurateurs et bien évidemment, aux médias privés. Qu'ils s'astreignent déjà à cette même rigueur sur l'ensemble du service public, à commencer par le service audiovisuel", insiste Alain Liberty, rejoint par Constance Benqué sur la nécessité de "respecter les règles" dans cette période. La dirigeante de Lagardère News va même "un peu plus loin" et réclame "la suppression de la publicité dans ces périodes-là". 

Ce déplafonnement des recettes publicitaires de Radio France n'est pas encore fait : le projet a reçu deux avis défavorables, l'un de la part du Sénat, l'autre de la part du CSA. Si les radios privées travaillent à une forme "d'union sacrée", dixit Alain Liberty, la rencontre avec les responsables politiques ne semble pas porter ses fruits pour le moment. "J'ai rencontré Roselyne Bachelot en décembre et ai évoqué ce sujet parmi d'autres. Je n'ai pas véritablement d'échos favorables face à moi." "Il y a des emplois derrière ce modèle économique qui est fragilisé, par le contexte économique et sanitaire en ce moment, par la concurrence des GAFA et par tout le monde. Que l'Etat protège cette pluralité de l'information et du divertissement", appelle Constance Benqué.