Tribune anti-Trump : la chasse au "traître" est lancée

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Mathilde Belin , modifié à
La Maison-Blanche, ainsi que les médias américains et les internautes, ont lancé jeudi une chasse à l’homme pour découvrir qui se cache derrière la tribune anonyme du "New York Times".

L’Amérique est en ébullition : la tribune publiée sous couvert d’anonymat dans le New York Times, qui révèle la présence d’un "résistant" au sein de l’administration Trump agissant "de l’intérieur" contre les "pires penchants" du président, donne lieu à une véritable chasse à l’homme outre-Atlantique. La formulation utilisée par le New York Times (NYT) - "haut responsable de l'administration Trump" - est suffisamment large pour laisser libre cours à toutes les interprétations : du vice-président Mike Pence à la First lady Melania Trump, les spéculations vont bon train sur les réseaux sociaux, dans les médias, et jusque dans les couloirs de la Maison-Blanche.  

Un républicain proche de Trump ?

Le texte publié de manière anonyme par le journal américain – un choix éditorial rare – livre très peu d'indices sur l'identité de son auteur. Tout juste sait-on qu'il est républicain et "en accord avec la politique de Donald Trump". Évoquant "les rencontres avec lui (qui) virent souvent hors propos", il laisse entendre qu’il fréquente le président en personne.

"Lodestar". Mais un mot en particulier a retenu l’attention des lecteurs et des internautes : "lodestar", qui définit une "étoile qui guide" ou une personne qui sert de "modèle, de point de repère". "Nous n'avons plus John McCain parmi nous. Mais nous aurons toujours son exemple - une lumière nous guidant pour redorer la vie publique et le dialogue national", dit la tribune. Ce mot, rarement employé dans le langage courant, a déjà été prononcé dans la bouche de... Mike Pence. Il n'en fallait pas moins pour que le vice-président des États-Unis soit placé sur la liste des suspects. Un journaliste de BuzzFeed a compilé dans un tweet les différentes interventions de Mike Pence au cours desquelles il prononce le fameux mot incriminé :

Un autre journaliste, du groupe Slate, remarque dans un tweet que le mot "lodestar" est employé dans le paragraphe louant les qualités de John McCain, ancien sénateur américain mort le 26 août dernier, ce qui laisse supposer que l’auteur a des liens avec le Sénat.

Mais ce terme aurait aussi bien pu être utilisé sciemment pour brouiller les pistes, note Business Insider, rappelant que des fonctionnaires de la Maison-Blanche ont déjà utilisé des idiomes propres à d’autres membres de l’administration dans des citations anonymes à la presse pour "protéger leurs arrières". L’équipe de Mike Pence a en tout cas démenti jeudi être l’auteur de la tribune… Tout comme Mike Pompeo, le secrétaire d’État américain, et comme bon nombre de responsables politiques de premier plan.

Des auteurs ? Mais cet homme - à supposer qu’il en soit un - pourrait aussi se conjuguer au pluriel. Dans la tribune, il dit lutter avec "d’autres collaborateurs", ce qui n’exclut pas que qu’il ait en réalité publié le texte au nom de plusieurs personnes. D’ailleurs, le site d’information américain Axios dévoile jeudi les témoignages anonymes de deux hauts fonctionnaires, affirmant qu’ils auraient pu être les auteurs de cette tribune. "Les gens semblent tellement choqués qu’il y ait une résistante de l’intérieur. Mais beaucoup d’entre nous (souhaitaient) en être l’auteur (…) J’espère que Trump sait que nous sommes des dizaines et des dizaines" comme lui, déclare ce responsable. Axios rapporte que d’autres hauts responsables de la Maison-Blanche agissent comme l’auteur de la tribune, "pour sauver l’Amérique et le monde de ce président".

La traque de la taupe 

La West Wing s'agite. D’après Axios toujours, le président Trump serait ainsi devenu méfiant à l’égard d’une grande partie de son administration, au point que certains l'auraient qualifié de "paranoïaque". "Les serpents sont partout mais nous nous en débarrasserons", aurait dit Donald Trump à des collaborateurs. Et depuis la publication de la tribune du NYT, le président américain a lancé une véritable chasse à l’homme dans les couloirs de la West Wing, centre névralgique du pouvoir présidentiel. À en croire le Washington Post, la tribune a fait "trembler l’aile Ouest et lancé un jeu de devinettes frénétiques". "Tant à l’intérieur de la Maison-Blanche que dans l’orbite plus large de Trump, les aides et les confidents se sont dépêchés d’identifier le fonctionnaire anonyme, tournant dans toutes les directions. En quelques heures seulement, ils ont offert en privé une douzaine de théories différentes et suggéré des traîtres", rapporte le journal. L’ampleur est telle que des linguistes sont d’ores et déjà penchés sur l’affaire.

 

Une liste de 13 noms. Et les médias n’échappent pas non plus à cette frénésie. CNN a notamment publié jeudi une liste de 13 personnalités politiques susceptibles d’avoir rédigé le texte, établie "en fonction de ce que nous savons des aversions, des ambitions au sein de l’administration". Parmi elles, le procureur général Jeff Sessions, l’ambassadrice des États-Unis à l’ONU Nikki Halley, la Première Dame Melania Trump, ou encore James Mattis, le secrétaire à la Défense qui aurait dit de Donald Trump qu’il se comporte comme un "élève de CM2", d’après les bonnes feuilles du livre de Bob Woodward.

L’auteur de la tribune du NYT reste pour l’heure un mystère, jusque dans les couloirs du célèbre journal. En effet, seules trois personnes seraient au courant de l’identité de ce haut fonctionnaire au sein de la rédaction. Le chef de la rubrique "Opinion" du NYT, James Bennet, a refusé de livrer des informations sur l’identité de l’auteur. La situation est telle que les journalistes du service Investigation du journal enquêtent sur une source dont l’anonymat est protégé par un autre service de leur propre rédaction. Seule information concédée par l’éditeur de la rubrique "Opinion", Jim Dao, le haut fonctionnaire a contacté la rédaction en passant par un "intermédiaire". Car à ce jeu du chat et de la souris, l’auteur de la tribune a tout intérêt à préserver son anonymat, tant il risque gros sur le plan pénal.