Syrie : pourquoi les élus américains hésitent

Le Congrès va se pencher sur l'intervention militaire en Syrie.
Le Congrès va se pencher sur l'intervention militaire en Syrie. © REUTERS
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avec agences , modifié à
DECRYPTAGE - Avant le vote de mercredi, les dissensions se font entendre, même chez les démocrates.

Barack Obama est encore loin d'obtenir le feu vert du Congrès américain qu'il a sollicité pour décider d'une éventuelle intervention militaire en Syrie. Outre-Atlantique, le débat dépasse le clivage démocrates-républicains, laissant planer une grosse incertitude sur le résultat des votes au Sénat et à la Chambre des représentants. Six raisons d'en douter.

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C'est trop tard. Plusieurs des quelque 535 élus américains appelés à se prononcer sur cette intervention seraient plutôt pour. Mais beaucoup d'entre eux, de droite comme de gauche, considèrent qu'il aurait fallu faire tomber le président Bachar al-Assad il y a un an. Ils estiment aujourd'hui que des bombardements risqueraient de favoriser les extrémistes.

C'est une guerre civile. "Qu'iraient faire les Etats-Unis dans une guerre civile ?" C'est en substance la question posée par les républicains ultra-conservateurs affiliés au Tea Party. Ils trouvent écho chez les démocrates résolument opposés à la guerre, qui avaient déjà voté contre la guerre en Irak et l'intervention en Libye. Ces derniers se disent prêts à voter contre Obama. Le feront-ils ? En juin 2011, 70 démocrates de la Chambre (sur 192) avaient voté contre une résolution qui aurait validé a posteriori la campagne militaire en Libye initiée trois mois plus tôt.

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C'est bientôt les élections. A l'approche d'une échéance électorale, mieux vaut ne pas froisser l'électeur, qui à renoncer un peu à ses idées. Pour avoir une chance de voir son bail être renouvelé en novembre 2014, chacun des 435 élus de la Chambre des représentants, et 35 des 100 sénateurs devra d'abord survivre aux primaires qui se tiendront d'ici là. "Les candidats surveillent leurs arrières en se demandant s'ils vont devoir affronter quelqu'un de leur propre parti parce qu'ils ont pris position en faveur du président", analyse l'ancien sénateur républicain Jon Kyl. "Et avec le redécoupage électoral de la Chambre, les circonscriptions sont désormais très homogènes: l'élection qui compte, c'est donc la primaire", rappelle de son côté Larry Sabato, directeur du centre d'études politiques de l'Université de Virginie.

C'est prendre le risque d'un enlisement. Peu d'élus croient possible de réaliser ces attaques ciblées dans une durée limitée. Et le traumatisme de l'Irak ou plus récemment de l'Afghanistan les fait sérieusement hésiter. "Le président dit que c'est juste une chose très rapide et qu'on en sortira vite, mais c'est comme ça que commencent les longues guerres", a expliqué Loretta Sanchez, députée démocrate de Californie qui a confié qu'elle penchait plutôt pour le "non". "Qu'on ne s'y trompe pas: à la minute où l'un de ces missiles de croisière s'abattra là-bas, nous serons en pleine guerre syrienne", a-t-elle ajouté. Tout en martelant la nécessité d'une riposte limitée, le secrétaire général de la Maison-Blanche Denis McDonough a reconnu les "risques" encourus de se retrouver "entraîné dans une guerre civile".

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C'est cher. Le secrétaire américain à la Défense Chuck Hagel a déclaré à des élus du Congrès qu'une intervention coûterait des dizaines de millions de dollars. Les missiles de croisière Tomahawk que pourraient utiliser les Etats-Unis coûtent autour d'un million d'euros pièce. Quant aux bombardiers furtifs B-2 qui larguent les bombes, il leur faut 18 heures pour quitter leur base et autant pour y revenir à un coût de 50.000 euros l'heure. "Si l'on tient compte du coût de remplacement des munitions cela (une opération en Syrie) pourrait coûter un demi-milliard, voire un milliard de dollars, en fonction du nombre de cibles recherchées", estime Todd Harrison, spécialisé dans l'analyse du budget de la défense.

C'est la crise. La rentrée est chargée pour le Congrès. Après le vote sur l'intervention en Syrie, il devra rapidement se pencher sur le relèvement du plafond de la dette, que le pays attendra mi-octobre. "A cette date, les Etats-Unis auront atteint la limite de leurs possibilités légales d'emprunter et le Trésor devra financer le gouvernement avec les seules liquidités dont il disposera", écrit Jacob Lew dans une lettre aux responsables du Congrès. Vu les difficultés précédentes rencontrées par les démocrates et les républicains pour s'entendre, un nouveau casse-tête est raisonnablement envisageable. Et l'intervention en Syrie n'est peut-être pas le poste de dépense prioritaire aux Etats-Unis. En tout cas pas pour une majorité d'Américains.