Pourquoi Trump et Poutine ont intérêt à s'entendre

trump poutine 1280
Donald Trump et Vladimir Poutine se retrouvent lundi pour un sommet bilatéral à Helsinki. © Brendan Smialowski / AFP
  • Copié
Donald Trump et Vladimir Poutine se retrouvent pour un sommet bilatéral à Helsinki lundi. Si Moscou et Washington ont de nombreux différends à régler, un dégel de leur relation n'est pas à exclure.

Le face à face sera scruté, disséqué, décrypté avec d'autant plus d'attention qu'il s'agit de leur première rencontre en tête à tête. Donald Trump et Vladimir Poutine se retrouvent lundi à Helsinki pour un sommet consacré aux questions internationales, notamment la Syrie, mais aussi aux interférences russes dans la campagne américaine de 2016, sujet hautement sensible que le président américain a promis d'aborder avec son homologue. Si ce rendez-vous s'organise alors que les relations entre Washington et Moscou sont d'un froid polaire, les deux dirigeants pourraient néanmoins se retrouver sur certains sujets. D'autant que Donald Trump n'a cessé d'adresser des signes de compromis à Vladimir Poutine.

Plusieurs points de blocage. Tous deux partent de très loin. Washington et Moscou se sont radicalement opposés ces dernières années sur, entre autres, deux gros dossiers internationaux. L'annexion de la Crimée a entraîné des sanctions occidentales adoptées par Barack Obama, le prédécesseur de Donald Trump. Celui-ci avait également décidé le déploiement de troupes en soutien des gouvernements d'Europe de l'Est inquiets du comportement de la Russie vis-à-vis de Kiev. Donald Trump, quant à lui, a approuvé en mars la livraison de missiles antichar à l'Ukraine.

Outre l'Ukraine, c'est la Syrie qui cristallise les tensions entre les deux pays. La Russie y est présente aux côtés du régime de Bachar al-Assad, tandis que les États-Unis, eux, sont à la tête de la coalition internationale. Après avoir menacé moult fois Damas et Moscou de représailles sans s'exécuter, les États-Unis ont finalement approuvé des frappes conjointes avec la France et la Grande-Bretagne en avril dernier. De plus, Donald Trump a adopté une position très dure vis-à-vis de l'Iran, allié de la Russie au Moyen-Orient.

" L'état des relations bilatérales [entre les États-Unis et la Russie] est très mauvais. "

Des relations bilatérales "très mauvaises". À cela s'ajoutent la taxe sur l'acier et l'aluminium décidée par Washington (Moscou a répliqué avec des surtaxes sur les produits américains), mais aussi, et surtout, les soupçons d'ingérence russe dans l'élection américaine de 2016. Vladimir Poutine a toujours nié toute immixtion mais vendredi, le procureur spécial Robert Mueller a annoncé l'inculpation de 12 agents du renseignement russe pour le piratage des ordinateurs du Parti démocrate. Bref, comme le résume le conseiller de Vladimir Poutine à l'AFP, "l'état des relations bilatérales est très mauvais".

Avec autant de différends, on voit mal comment Vladimir Poutine et Donald Trump pourraient trouver des points d'accord lundi. D'ailleurs, il est peu probable que leur tête-à-tête rime avec un dégel franc de leurs relations et le président américain avait confessé n'avoir que des "attentes limitées" pour ce sommet à la chaîne CBS. Néanmoins, il serait réducteur de ne voir qu'une franche opposition entre Moscou et Washington. Au vu, notamment, de l'attitude récente de Donald Trump, plusieurs points de rapprochement apparaissent.

Le retrait américain en Syrie arrange Moscou. Sur la Syrie par exemple, en dépit des frappes d'avril, qui n'ont d'ailleurs concerné que des cibles syriennes et non russes, Donald Trump s'est toujours différencié de son prédécesseur par sa volonté de se désengager du conflit. En mars 2018, le président annonçait ainsi un départ des troupes américaines sur place "très vite", "vraiment très bientôt". Une déclaration qui avait pris tout le monde de court, ses alliés comme ses conseillers, mais fait aujourd'hui le jeu de Vladimir Poutine, évidemment favorable à un retrait américain. Fin juin, Washington avait notifié aux rebelles de Deraa, dans le sud de la Syrie, qu'ils ne pouvaient plus compter sur le soutien américain. Ce qui avait ouvert la voie à la reprise de la ville, qui a été évacuée ce week-end, par Damas et son allié russe. Le Kremlin espère donc que Donald Trump va poursuivre dans cette direction, et il en sera plus que probablement question lundi.

Trump ambigu sur l'Ukraine. Sur l'Ukraine, l'attitude de Donald Trump rompt avec celle de son prédécesseur. Certes, le président américain a dit "ne pas être content" de l'annexion de la Crimée par la Russie lorsqu'il était à Bruxelles, jeudi, pour le sommet de l'Otan. Mais il a surtout attribué la responsabilité de ce "désastre" à Barack Obama. Avant cela, début juillet, Donald Trump avait par ailleurs laissé planer le doute sur une potentielle reconnaissance de l'annexion de la Crimée, avant que son porte-parolat ne rattrape le coup en martelant que ce n'était pas à l'ordre du jour.

Trump condamne l'enquête du FBI. Ce sont ces louvoiements du président américain qui peuvent laisser entrevoir des compromis, et donc un dégel des relations entre Washington et Moscou. Sur l'ingérence potentielle de Moscou dans la présidentielle de 2016, Donald Trump est d'ailleurs plus prompt à condamner l'enquête du FBI que les agissements russes. Dans un vertige de tweets dont lui seul a le secret, le président a dégainé lundi matin des messages assassins contre ce qu'il appelle une "chasse aux sorcières", égratignant Barack Obama au passage. "Le président Obama pensait que Hillary la malhonnête allait gagner", a-t-il écrit. "Donc quand il a été informé par le FBI de l'ingérence russe, il a dit que cela ne pouvait se produire, que ce n'était pas grave et n'a RIEN fait. C'est devenu toute une affaire quand j'ai gagné, avec la chasse aux sorcières menée par Strzok", un agent du FBI qui a participé à l'enquête. "Nos relations avec la Russie n'ont JAMAIS été pires à cause de bien des années de folie et de stupidité américaine, et maintenant [à cause] de la chasse aux sorcières." Autrement dit, la responsabilité de cette affaire n'est absolument pas à chercher du côté de Moscou, ce qui ne peut réjouir Vladimir Poutine.

Ennemi commun. Enfin, le président russe et son homologue américain se rejoignent sur un point : tous deux souhaitent l'affaiblissement de l'Union européenne. Donald Trump préfèrerait signer des accords bilatéraux avec chaque État membre plutôt que faire affaire avec Bruxelles, quand Vladimir Poutine, qui cherche à élargir sa sphère d'influence au Moyen-Orient et en Afrique, la voit comme un obstacle sur la route de ses ambitions géopolitiques. À défaut de se trouver foule de points communs, Washington et Moscou pourraient donc s'accorder sur un ennemi.