Ziad Doueiri 10:38
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Pauline Rouquette , modifié à
L'aide humanitaire française est arrivée vendredi à Beyrouth. Mais au-delà de la reconstruction physique de la capitale libanaise, comment relever un pays aussi meurtri ? Pour Ziad Doueiri, réalisateur libanais et invité d'Europe 1 vendredi, le renouveau politique du Liban ne sera possible que si son peuple se trouve "un leader".
INTERVIEW

"Chaque fois qu'il y a une petite montée d'espoir, on retombe dans ce que j'ai vécu depuis 1975, avec le début de la guerre civile", exprime Ziad Doueiri. Invité d'Europe 1, vendredi, le réalisateur libanais est revenu sur la crise traversée par son pays d'origine. Un pays qui "a connu tellement de montagnes russes", auxquelles "on ne s'habitue jamais", dit-il.

Le Liban, en proie à une crise politique et économique depuis des mois a été frappé, le 4 août dernier, par une explosion qui a ravagé le port de Beyrouth. Une catastrophe qui a ravivé la colère des Libanais contre la corruption, l'irresponsabilité et l'incurie de leurs responsables politiques. "Peut-être que cette explosion va mener le peuple à se dire 'assez, c'est assez'", affirme Ziad Doueiri, ajoutant l'espérer de tout son coeur. Mais pour cela, insiste-t-il, son peuple doit trouver un leader.

"Ce qui aurait pu nous unir, nous divise"

"On est un pays mal entouré et assez complexe", pose le cinéaste, qui a notamment réalisé L'Insulte, nommé pour le prix du meilleur film étranger aux Oscars, qui raconte le Liban dans ses clivages et ses dérives potentielles. "Qu'est-ce qui divise la France ? La lutte des classes : qu'est-ce qui divise les États-Unis ? Les 'races' entre Noirs et Blancs ; le Liban, ce sont les religions", développe Ziad Doueiri. "C'est un bouquet qui pourrait être très beau", poursuit-il, "mais ce qui aurait pu nous unir nous divise", dit-il, déplorant que les religions prennent le pas sur "le nationalisme d'un peuple".

Selon lui, il faut à tout prix unir le pays. Mais pour entreprendre une quelconque révolution contre le système en place, Ziad Doueiri le martèle : "Il nous faut un leader !" Des leaders, le Liban en a eu dans son histoire, explique le réalisateur libanais, citant notamment Bachir Gemayel et Rafic Hariri, deux personnalités qu'il qualifie de "héros", mais dont il précise qu'ils ont tous deux été assassinés. "Assassinés par le même ennemi qui est toujours au pouvoir", ajoute-t-il, désignant le Hezbollah. "Le peuple libanais est occupé et otage de ce parti qu'est le Hezbollah. Aucun autre pays n'accepte un parti plus puissant militairement que l'État."

Nelson Mandela, Che Guevara, Gandhi... Après avoir cité nombre de personnalités ayant pris la tête de "révolutions", Ziad Doueiri le répète : il en est convaincu, "il va falloir qu'on se bouge le cul et qu'on trouve un leader pour nous représenter !"

"Macron est venu tendre une main d'espoir à un peuple désespéré"

L'aide internationale, notamment celle de la France, ne peut-elle pas suffisamment faire pression pour aider le Liban à trouver un meilleur équilibre ? "Je ne suis pas politologue, je ne sais pas ce qui se passe en coulisses", déclare Ziad Doueiri. Le réalisateur insiste cependant sur l'impact qu'a eu la visite d'Emmanuel Macron sur les Libanais. "L'arrivée de Macron a donné beaucoup d'espoir à ce peuple", dit-il, balayant les critiques dont le président français a fait l'objet et qu'il qualifie de "sottises". Le chef de l'État français, premier dirigeant étranger à se rendre sur place après la catastrophe avait en effet essuyé de nombreux reproches, taxé notamment de "colonialisme". Pour Ziad Doueiri, il n'en est rien. "Macron est venu tendre une main d'espoir à un peuple désespéré, piétiné."