La décision de Trump, un danger pour l'accord nucléaire iranien ?

trump donald 1280
Vendredi, Donald Trump a annoncé qu'il ne certifierait pas l'accord, alors qu'il l'avait déjà fait deux fois depuis le début de son mandat. © MANDEL NGAN / AFP
  • Copié
, modifié à
Le pouvoir de rétablir les sanctions à l'encontre de l'Iran appartient désormais au Congrès et non au président américain. 
ON DÉCRYPTE

Adopté en 2015, appliqué à partir de janvier 2016, l'accord sur le nucléaire iranien a-t-il déjà vécu ? La question se pose après la décision vendredi du président américain Donald Trump de ne pas "certifier" le texte. La raison ? Jugé "faible", il "ne répond pas à plusieurs questions importantes", a indiqué la Maison-Blanche. L'accord, qui vise à garantir le caractère civil du nucléaire iranien, n'est cependant pas forcément condamné par cette décision. Europe 1 vous explique pourquoi.

La "décertification" : de quoi parle-t-on ? 

Tous les 90 jours. L'accord sur le nucléaire iranien, n'étant pas un traité, n'avait pas été proposé à une ratification au Congrès américain, lors de son adoption sous la présidence démocrate de Barack Obama. Mais, en guise de représailles, le Congrès, alors dominé par les Républicains, avait fait voter une loi obligeant la Maison-Blanche à valider l'accord tous les 90 jours.

Quatre conditions à remplir. Ainsi, à échéances régulières, le chef d'Etat américain doit certifier ou non l'accord iranien en vérifiant quatre points : l'Iran respecte le plan totalement, il n'est pas responsable de violations, il n'a pas développé de programme visant le développement d'une arme atomique, l'accord est vital pour la sécurité des Etats-Unis. 

"L'esprit de l'accord" n'est pas respecté. Depuis son entrée en fonctions en janvier dernier, Donald Trump a certifié deux fois l'accord, le 18 avril et le 17 juillet. Vendredi, il a décidé de ne pas la renouveler sous prétexte que Téhéran ne respecte pas "l'esprit" de l'accord en "soutenant le terrorisme et exportant la violence et le chaos à travers le Proche-Orient".

congres etats unis 1280

© NICHOLAS KAMM / AFP

Donald Trump, une décision prise (presque) en solitaire

Depuis plusieurs semaines, plusieurs déclarations de Donald Trump avaient préparé le terrain à une non certification. Et pourtant, en prenant cette décision, Donald Trump apparaît bien seul. Le chef du Pentagone en personne, le général Jim Mattis, a affirmé que maintenir l'accord était dans l'intérêt de la sécurité du pays. Une voix républicaine, celle de Ed Royce, président de la commission des affaires étrangères à la Chambre des représentants, reconnaît certes les "défauts" de l'accord mais juge aussi qu'il faut "l'appliquer à la lettre", rapporte Le Monde. "Cela met en danger les intérêts de la sécurité nationale des Etats-Unis et de leurs plus proches alliés", a prévenu de son côté John Kerry qui, bien qu'il ne dirige plus la diplomatie américaine, a encore une voix influente dans son pays.

A l'international, Donald Trump aussi est isolé. Deux pays se sont certes félicités de la décision américaine : Israël qui y voit "une décision courageuse" et l'Arabie saoudite trop heureuse de voir son puissant et menaçant voisin à nouveau dans le viseur américain. Mais ces réactions positives sont isolées à côté du nombre de condamnations. Moscou a dénoncé la stratégie de Donald Trump, très isolé sur ce dossier. La chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini a mis en garde contre la tentation de "démanteler un accord qui fonctionne et tient ses promesses".

trump1

La "décertification" ne concerne que les Etats-Unis

Une décision unilatérale. L'accord sur le nucléaire iranien, quand il a été adopté en 2015, avait été trouvé entre l'Etat perse et plusieurs grandes puissances : les Etats-Unis, la Russie, la Chine, la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne. La décision des Etats-Unis de le mettre entre parenthèses ne remet pas en cause l'engagement en sa faveur des autres participants. Rien n'empêche en effet les autres pays de continuer à commercer avec Téhéran, en échange de garanties sur le caractère civil du nucléaire du pays. Pour l'instant donc, l'Iran peut continuer à bénéficier d'une levée des sanctions qui la visait auparavant.

Les pays européens restent "engagés" dans l'accord. Dès vendredi, trois capitales européennes ont d'ailleurs réagi. Dans un communiqué diplomatique mais ferme, la Première ministre britannique Theresa May, la chancelière allemande Angela Merkel et Emmanuel Macron ont souligné qu'ils restaient "engagés" dans l'accord, appelant à sa "pleine application par toutes les parties". Le président Macron est même allé jusqu'à annoncer une visite en Iran, ce qui serait une première pour un chef d'Etat français depuis 1971... histoire de montrer que la France continuera à mener sa propre barque, quelque soit la politique menée de la Maison-Blanche.

merkel1

Et en cas de retrait pur et simple ? La seule escalade possible proviendrait d'un retrait des Etats-Unis de l'accord, ce qui, pour le moment, n'est pas d'actualité. Dans ce scénario, Washington pourrait décider de faire pression sur les autres protagonistes de l'accord afin qu'ils cessent toutes relations avec l'Etat perse... la porte ouverte sur une guerre commerciale. Concrètement, les Etats-Unis pourraient menacer les entreprises françaises implantées en Iran de sanctions afin qu'elles se retirent du pays, comme l'explique Clément Therme, chercheur à l'International Institute for Strategic Studies de Londres à L'Express.

Tout le pouvoir au Congrès ?

Un retour aux sanctions pas envisagé. Cette "non-certification" montre enfin le peu de pouvoir réel dont dispose Donald Trump sur la question. C'est le Congrès américain qui se retrouve en première ligne car seul lui peut décider de rétablir des sanctions à Téhéran. Or, la majorité républicaine ne semblait pas prête à franchir ce pas. Ce serait en effet prendre le risque de saborder l'accord et de bouleverser la relation des Etats-Unis avec d'autres grandes puissances mondiales.

Vers la définition d'une nouvelle "ligne rouge" ? Une solution, concoctée par deux sénateurs républicains en coordination étroite avec le gouvernement, consisterait au final à voter une nouvelle loi. Cette dernière mettrait en place un nouveau seuil pour déclencher des sanctions contre l'Iran à l'avenir. L'objectif des élus ? Rendre permanente cette nouvelle ligne rouge au développement nucléaire iranien. "Nous proposons une voie qui comblera les lacunes de l'accord nucléaire tout en maintenant l'administration dans l'accord", a expliqué Bob Corker, président de la commission des Affaires étrangères du Sénat. Mais rien n'indique que Téhéran acceptera de nouvelles contraintes sans broncher.