ÉDITO - Pourquoi la visite de Xi Jinping en France ne s'est pas si bien passée

Xi Jinping et Emmanuel Macron LUDOVIC MARIN / POOL / AFP
Si le président chinois Xi Jinping et Emmanuel Macron s'entendent bien, la relation entre les deux reste prudente. © LUDOVIC MARIN / POOL / AFP
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Michaël Darmon
Derrière les sourires de façades, la visite de trois jours du président chinois en France a acté le déséquilibre de la relation bilatérale, selon notre éditorialiste Michaël Darmon.
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Une somptueuse villa grecque près de Monaco, un dîner d'État avec Hélène Rollès et un contrat gigantesque signé avec Airbus : à première vue, la visite du président chinois Xi Jinping en France, entamée dimanche et achevée mercredi, s'est déroulée sans accrocs. Pourtant, à y regarder de plus près, tout ne s'est pas véritablement bien passé, pointe notre éditorialiste Michaël Darmon, mercredi.

"Cette visite a d'abord commencé avec un mini-couac diplomatique vite étouffé : dimanche, après sa visite en Italie, le président chinois Xi Jinping a fait une escale à Monaco et un dîner, organisé par la principauté avec le Prince Albert, Emmanuel Macron et Xi Jinping, était prévu. Sauf que pour la France, il n’était pas question de rencontrer le dirigeant de Pékin à Monaco, même à titre soi disant privé. Comme on le précise à l'Élysée, Monaco n’est pas la France et ce qui était prévu était le dîner entre les couples présidentiels à Baulieu sur la Côte d'Azur, c’est à dire en France.

Perversité suave

Cela donne un petit aperçu de la subtilité des approches, car les Chinois ont toujours été de fins experts de la vie politique française. En acceptant le principe du dîner de Monaco, les Chinois savaient bien que la principauté n’avait pas de prérogatives diplomatiques.

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Tout commençait donc avec une forme de perversité suave, du côté des Chinois. Mais entre gens de très bonnes compagnie, tout est resté feutré et courtois. Le dîner a donc eu lieu dans des assiettes françaises. C'est une anecdote qui illustre le proverbe macronien : "Le temps de la naïveté face à la Chine est terminé." On retient de cette visite que la France n’a pas signé de protocole sur les routes de la soie, comme l’a fait l’Italie, car elle considère qu’il s'agit "d’un projet surtout chinois", nous dit-on.

Le contrat le plus important n'a pas été signé

Pourtant des contrats importants ont été signés, avec Airbus pour des avions et avec EDF pour des éoliennes. Des expositions croisées sont aussi prévues. Pourtant, les spécialistes des échanges économiques expliquent en coulisses que ces contrats ne sont pas très importants au vu des besoins en avion des Chinois. En réalité, le projet le plus important pour la France est celui des usines de retraitement de combustibles nucléaires des centrales chinoises, pilotée par l’entreprise Orano. C'est un projet qui n’avance toujours pas, alors que des dizaines de milliards d'euros sont en jeu. 

Cette négociation est stratégique et tendue : il n'est pas question pour la France de brader de la technologie nationale. Dès qu’il le peut, Emmanuel Macron rappelle qu’il faut que les relations avec la Chine soient à double sens, signe qu'il y a comme un souci dans cette relation bilatérale. Mais c’est un fait : les routes de la soie sont actuellement des voix à sens unique de la Chine vers l'Europe. Il faut dire les choses comme elles sont : cette route est un projet d’empire. Pour amadouer les européens, et surtout les Français, Pékin sait dérouler le tapis rouge aux échanges culturels et autres contrats symboliques. C’est l'application du proverbe politique chinois : 'Peu importe que le chat soit blanc ou noir, pourvu qu’il attrape la souris.'"