Marzouki : "les Français prisonniers d’une doxa"

Moncef Marzouki balaye notamment les craintes françaises concernant la montée en puissance du parti islamiste Ennahda
Moncef Marzouki balaye notamment les craintes françaises concernant la montée en puissance du parti islamiste Ennahda © REUTERS
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Dans le JDD, le nouveau président tunisien ne se montre pas tendre avec la France et les Français.

En un an, il est passé du statut d’opposant en exil à celui de président de la République de Tunisie. Moncef Marzouki, en poste depuis lundi, n’a pas oublié ses nombreuses années d’exil en France. Mais s’il déclare dans le Journal du Dimanche vouloir être "un pont entre la France et la Tunisie", s’il espère une collaboration "cordiale" entre les deux pays, le nouvel homme fort de Tunis adresse aussi quelques griefs à l’Hexagone et à ses habitants.

"L’esprit colonial, c’est terminé"

"J’ai très peu apprécié des considérations culturalistes, pour ne pas dire racistes, formulées à Paris par certains, dont l’ancien ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine, qui se demande si l’Occident doit exporter sa démocratie. Comme si la démocratie était propre aux pays occidentaux", s’agace Moncef Marzouki dans le JDD. "Je suis francophone et francophile, (…) mais je constate que les Français sont souvent ceux qui comprennent le moins le monde arabe, alors que ce devrait être le contraire. Les Français sont prisonniers d’une doxa au sujet de l’islam. "

Le président tunisien prévient aussi que les rapports entre les deux pays vont changer. "Je ne suis pas comme Ben Ali, je suis un président légitime, je tire ma force du peuple. Je n’ai pas besoin d’aller chercher ma légitimité à l’étranger", précise-t-il. "L’esprit colonial, c’est terminé. La révolution de janvier 2011 nous a donné la démocratie, la République et finalement l’indépendance."

"Encore un mauvais exemple français"

Quant aux craintes face à la montée du parti islamiste Ennahda, Moncef Marzouki les balaye sans ménagement. "Le temps montrera à quel point l’approche des Occidentaux est absurde", s’emporte-t-il. "Vous avez des partis démocrates-chrétiens en Europe, nous avons un parti démocrate islamiste. Prétendre que nous avons vendu notre âme au diable en nous alliant aux islamistes relève du fantasme."

Enfin, le dirigeant tunisien évoque les heurts à l’université de Tunis, provoqué par des jeunes femmes portant le niqab. "Encore un mauvais exemple français", déplore Moncef Marzouki. Il y a 300.000 étudiants en Tunisie, dont la moitié de filles. Sur ces 150.000 étudiantes, il y a peut-être 20% de jeunes voilées, dont une seule qui veut porter le niqab. Cette histoire relève de la liberté individuelle de chacun. Qu’on en finisse et qu’on parle de sujets importants."