Depuis septembre 2014, cette mère de famille mexicaine ne cesse de se battre pour obtenir la vérité et revoir son fils disparu. 0:53
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Clémence Olivier , modifié à
Le 26 septembre 2014, 43 étudiants ont disparu à Iguala au Mexique, dont le fils de Maria de Jesus Tlatempa Bello qu'Europe 1 a rencontrée.
TÉMOIGNAGE

"Ya basta" ("ça suffit") Deux mots répétés en boucle, pour une lutte, celle de Maria de Jesus Tlatempa Bello, cette mère mexicaine à la recherche de son fils que nous avons rencontrée. Depuis fin mars, elle est à Paris pour parler de son histoire et porter la voix de nombreux Mexicains dont les proches ont disparu. Près de 30.000 disparitions forcées ont été comptabilisées en 2016, selon Amnesty international.

Sa lutte, Maria, la porte aussi sur sa veste, ornée d'un badge aux couleurs du Mexique et sur lequel on peut lire le nombre 43. Un nombre faisant référence aux 43 étudiants de l'École normale rurale d’Ayotzinapa qui ont disparus dans la nuit du 26 au 27 septembre 2014, à Iguala au Mexique, et dont son fils, Eduardo Jose, faisait partie.

Elle réfute la version du gouvernement. Depuis cette date, cette mère de famille ne cesse de se battre pour obtenir la vérité. Et le retrouver. Vivant. Elle réfute la version du gouvernement mexicain, selon laquelle le maire mafieux d'Iguala aurait ordonné une attaque contre les étudiants, livré ces derniers à un cartel de la drogue, avant qu'ils ne soient froidement assassinés puis brûlés.

Entendu sur europe1 :
"Nous savons qu'ils n'ont pas été brûlés comme l'a assuré le gouvernement"

Une commission interaméricaine des droits de l'homme, composée d'experts indépendants, avait elle aussi contestée cette version dans un premier rapport rendu fin 2015, puis dans un second rapport publié en avril 2016, assurant qu'il n'y avait pas de preuve que les étudiants avaient été incinérés. "Nos enfants sont vivants, ils ont été vus vivants. Grâce aux constatations des experts, nous savons qu'ils n'ont pas été brûlés comme l'a assuré le gouvernement", soutient Maria de Jesus Tlatempa Bello, rencontrée mercredi au Doc, dans le 19e arrondissement de Paris, où se tient l'exposition "Huellas de memoria" ("les empreintes de la mémoire"), jusqu'au 9 avril.

"Les militaires sont la clé". Selon Maria de Jesus Tlatempa Bello, "les militaires sont la clé" dans cette affaire. Car certains soldats ont pu suivre l'attaque des étudiants cette nuit-là grâce à des caméras de vidéosurveillance. Cette même nuit, des militaires ont patrouillé dans Iguala. Mais les experts indépendants qui ont rendu leur rapport en 2016 n'ont pas reçu l'autorisation d'interroger les militaires, ni d'avoir accès aux probables images.

 "Le gouvernement a livré sa propre version et trente mois après, il continue à la soutenir. Il nous a menti depuis le début. Jamais nous ne l'avons cru. Il ne prend pas sa responsabilité, affirmant que c'est une disparition sans dire qu'il s'agit d'une disparition forcée", s'indigne Maria de Jesus Tlatempa Bello. "Ils ont essayé de nous faire taire en proposant aux familles de l'argent. Mais nous, les parents, on a dit non, "J'aime mon fils, je suis pauvre et je vais rester pauvre", lance la mère de famille avec détermination.

"Nos larmes ont assez coulé". Tout ce qu'elle demande, c'est le retour de son fils. "Eduardo José est un enfant très beau et très travailleur", confie Maria la voix tremblante avant de se ressaisir : "Ce qui s'est passé est très douloureux. Mais nos larmes ont assez coulé. Ces larmes nous les avons transformées en colère, en une lutte digne pour continuer à chercher nos enfants jusqu'à ce qu'ils puissent rentrer dans leurs foyers sains et saufs", ajoute-t-elle le poing serré. "On a laissé nos familles, nos travails pour continuer la lutte. Ce n'est pas facile mais nous devons continuer pour faire céder le gouvernement."

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Le gouvernement viole nos droits et ceux de nos enfants

Un appel aux chefs d'Etat européens. A Paris, elle en appelle aux chefs d'Etat européens afin qu'ils fassent pression sur le président mexicain Enrique Peña Nieto. "Qu'ils exigent que nous soient rendus les étudiants vivants. Si nous tolérons l'impunité dans le cas de nos enfants, d'autres actes de barbaries seront commis. Combien de personnes en plus vont être assassinées ? Combien de personnes doivent mourir ? Combien doivent être blessées ? Combien doivent être détenues ?", se révolte Maria de Jesus Tlatempa Bello, pointant une affiche qu'elle ne lâche plus. On y devine le visage de son fils, Jose Eduardo.

"Tous les jours, il y a des disparitions". "Tous les jours, il y a des assassinats, il y a des disparitions forcées. On est confronté à un gouvernement répressif", complète-t-elle. Depuis 2006, le Mexique s'est lancé dans une guerre contre le narcotrafic, avec pour conséquences une augmentation des règlements de compte et des violences dans le pays sur fond de corruption et de collusion entre le crime organisé et l'Etat. Selon cette mère mexicaine, la situation a empiré depuis l'arrivée au pouvoir d'Enrique Peña Nieto en 2012. "Au Mexique les journalistes sont réprimés, ils sont attaqués et ils sont parfois tués. La vérité ne peut pas être dite. Mais ce n'est pas un jeu que nous jouons. Le gouvernement viole nos droits et ceux de nos enfants. Rendez nous nos enfants. Ya basta ! "

 

chaussures

L'exposition "Huellas de memoria" se tient jusqu'au 9 avril à Paris.

"Huellas de memoria", sur les traces des disparus

Une exposition est organisée jusqu'au 9 avril au Doc, 26 rue du docteur Potain à Paris. L'exposition met en lumière le fléau des disparitions forcées au Mexique depuis la fin des années 1970 jusqu'à aujourd'hui. Des chaussures de proches de disparus sont suspendus dans la salle d'exposition. Sur les semelles, ont découvre des mots écrits par les parents ou les enfants des disparus. "C'est le reflet de ces disparitions forcées", souligne l'artiste, Alfredo Lopez Casanova. "Les chaussures symbolisent le chemin parcouru par les familles qui cherchent leurs disparus."  Cette exposition a voyagé du Mexique jusqu'en l'Europe. Après la France, elle s'arrêtera notamment en Italie, en Allemagne et au Pays de Galles.