Attentat en Isère : Yassin Salhi, les enquêteurs face à un profil atypique

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Le suspect a été transféré dimanche au siège de la sous-direction anti-terroriste, à Levallois-Perret, pour être interrogé par les enquêteurs. © PHILIPPE DESMAZES / AFP
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Alain Acco et avec AFP , modifié à
L’auteur présumé de l’attaque, vendredi, contre un site de gaz industriels en Isère est toujours entendu par les enquêteurs. Pour expliquer son acte, il invoque des raisons d’ordre personnel. 

D’abord muré dans le silence, l’auteur présumé de l’attaque de l’usine Air Products à Saint-Quentin-Fallavier en Isère, a commencé à répondre aux enquêteurs, samedi soir en garde à vue, à Lyon. Avant d’être transféré, dimanche, au siège de la sous-direction anti-terroriste (SDAT) à Levallois-Perret, en banlieue parisienne. Mais si le suspect a avoué l’assassinat de son patron, Hervé Cornara, retrouvé décapité sur les lieux, les motivations qu’il met en avant sont confuses. Un comportement atypique, qui rend le personnage difficile à cerner pour les enquêteurs.

Un profil complexe. Ce père de trois enfants, marié depuis plus de dix ans, est un individu qui n'a ni le profil ni le discours du "terroriste islamiste classique" du type Mohamed Merah ou Amedy Coulibaly. Yassin Salhi est connu pour s’être radicalisé depuis dix ans auprès de "Grand Ali", un homme homme soupçonné d'être à l'origine des attentats en Indonésie aux côtés d'Al-Qaïda. Le chauffeur-livreur a aussi fait l’objet d’une fiche "S" de 2006 à 2008 auprès des services de renseignement. Mais il ne se revendique pas comme djihadiste. Et, selon une source proche du dossier, il "conteste toute religiosité dans son passage à l'acte" même s'il aurait crié "Allahu Akbar" lorsqu'il a été maîtrisé, vendredi, par deux pompiers alors qu'il tentait d'ouvrir des bouteilles de gaz pour provoquer une seconde explosion.

Le suspect invoque un différend. A l'écouter dans ses aveux livrés aux enquêteurs, Yassin Salhi aurait simplement "pété les plombs" à cause d'un conflit avec sa femme, ayant eu lieu la veille de l’attentat. Surtout, le chauffeur-livreur âgé de 35 ans explique avoir une autre dispute, d’ordre professionnel cette fois, deux jours avant les faits. Son patron lui aurait reproché d'avoir fait tomber une palette de matériel informatique et le ton serait monté entre les deux hommes.

Le suspect, qui peut être gardé à vue jusque mardi, prétend qu'il aurait simplement voulu se venger suite à ce contentieux et se suicider de manière spectaculaire et médiatique, d'où cette mise en scène macabre inspirée de l'Etat Islamique. Cherche-t-il à se dédouaner de toute intention terroriste ? Ces déclarations troublantes constituent-elles une stratégie de défense, soufflée par son avocat commis d'office ?

Un "selfie" envoyé en Syrie. Toujours est-il que ces déclarations sont le signe que Yassin Salhi n'agissait pas sur les ordres d’un commanditaire, même si le suspect a envoyé un "selfie" en Syrie. Sur ce cliché, le suspect pose, comme avec un trophée, à côté de la tête de sa victime et employeur, qui allait fêter ses 55 ans. L’autoportrait a été pris et envoyé entre 9h28 et 9h35, alors que la camionnette conduite par le suspect se trouvait dans l'enceinte de l'usine, hors du champ des caméras.

Selon nos informations, Yassin Salhi a envoyé ce "selfie", via l'application de messagerie instantanée Whatsapp, à l’un de ses amis, un Français de 30 ans nommé Sébastien-Younes V., qu’il a connu lorsqu’il vivait à Besançon. Aujourd’hui basé à Raqqa, l'un des bastions de l'Etat islamique, cet ancien technicien en logistique est parti faire le djihad en Syrie, en novembre dernier. Il est l'un des 473 Français présents en zone irako-syrienne.

Une revendication ?L’envoi de ce selfie pourrait ressembler à une revendication terroriste, destinée à être mise en ligne sur internet, tout comme l’avait été la vidéo envoyée par Coulibaly, l'auteur de la fusillade à Montrouge et de l'attentat contre l'Hypercacher, en janvier dernier. Mais plus qu'une revendication, cet envoi pourrait ressembler davantage à une justification auprès d'un ami qui lui a peut-être reproché de ne pas l'avoir suivi en Syrie ou de ne rien faire en France.