Procès Méline : "La société n'a pas de cœur", crie la mère

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Noémie Schulz et C.P.-R. , modifié à
Condamnée à cinq ans de prison avec sursis pour avoir tué sa petite fille, lourdement handicapée, Laurence Nait Kaoudjt, a crié sa douleur et son incompréhension à la sortie de la cour d'assises d'Ille-et-Vilaine, mardi soir.

Ils n'ont pas compris son "geste d'amour". Ce geste désespéré, qui, un soir d'août 2010, à Saint-Malo, l'a menée à étrangler sa fille de huit ans dans son sommeil. Souffrant d'un handicap lourd depuis sa naissance, la petite Méline était incapable de boire, de manger ou encore de se laver seule.

"J'aurais dû partir avec ma fille ". Mardi soir, les jurés de la cour d'assises de Rennes – quatre femmes et deux hommes – ont condamné Laurence Nait Kaoudjt, qui encourait la prison à perpétuité, à cinq ans de prison avec sursis, retenant une altération de son discernement et du contrôle de ses actes. Mais la mère de Méline, elle, espérait l'acquittement. Dans un cri déchirant, elle a fait part de son incompréhension, à l'issue du verdict : "Les jurés ont représenté la société et la société n'a pas de cœur. La société n'a pas de cœur, c'est tout. J'aurais dû mourir, j'aurais dû partir avec ma fille. Je suis écœurée".

La société n'a pas de cœur, c'est tout" : 

"Le monde du handicap, on s'en fiche complètement". "Non, on ne m'a pas entendue, non on ne m'a pas entendue. Si j'étais morte avec ma fille, on serait venu pleurer sur ma tombe et on n'aurait parlé de rien. On n'aurait pas parlé du monde du handicap, de la souffrance. Là, je l'ai exprimée. On m'a entendue. Les jurés n'ont pas de cœur et les jurés représentent la société. Et c'est ça, le monde du handicap, on s'en fiche, on s'en fiche complètement", a-t-elle déploré, en colère, à la sortie de la cour d'assises, à Rennes. "Bien sûr que je pense à Méline. Méline, elle est toujours avec moi. Voilà, et maintenant, je voudrais être avec elle", a conclu Laurence Nait Kaoudjt, des larmes dans la voix.

Entendu sur europe1 :
Méline, elle est toujours avec moi. Voilà, et maintenant, je voudrais être avec elle.

Un acquittement "au bénéfice du cœur". Dans son réquisitoire, l'avocat général Yann Le Bris - chargé de représenter la société - avait demandé aux jurés de déclarer Laurence Nait Kaoudjt "coupable", tout en précisant qu'il voulait une condamnation sans peine de prison. "Il y a des soirs, on a envie de raccrocher la robe", a réagi à son tour l'avocat de l'accusée, Me Eric Dupond-Moretti. "Vous voyez, si cette femme avait réussi son suicide à elle, on aurait tous regardé le bout de nos chaussures en disant 'quel drame absolu', alors que […] l'on a considéré que c'était un crime", a tempêté l'avocat réputé pour ses acquittements. 

Une cour d'assises qui "n'a pas eu de cœur". "Je suis très triste, je suis déçu. Sa liberté, évidement, n'a jamais été en cause dans cette affaire. Personne n'aurait envisagé une privation de liberté. Mais pour autant, on demandait une décision au bénéfice du cœur et cette cour d'assises n'a pas eu de cœur".