Dammartin : le quotidien "difficile" du patron de l’imprimerie

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Sandrine Prioul avec , modifié à
TÉMOIGNAGE E1 - Michel Catalano, pris en otage par les frères Kouachi dans son imprimerie à Dammartin-en-Goële, confie ses difficultés à se reconstruire depuis les attentats.

L’élan de générosité dont il a bénéficié n’apaise pas son désarroi. Un mois après l’assaut du GIGN, le patron de l’imprimerie où s’étaient retranchés les frère Kouachi ne se remet toujours pas de ce qu’il a enduré durant les longues heures de siège. Après s'être réfugié plusieurs semaines dans le silence, Michel Catalano confie qu’au-delà des considérations matérielles et financières, c’est aujourd’hui une blessure psychologique qu’il doit soigner.

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"C’est quelque chose de violent pour nous". La gorge serrée, Michel Catalano revient sur son quotidien : des journées consacrées à réhabiliter son imprimerie partiellement détruite lors du passage des frères Kouachi et de l’assaut du Raid et du GIGN qui a suivi. "Quand je rentre dans mon entreprise, à chaque fois, c’est un traumatisme, parce que tout est cassé. C’est une entreprise dans laquelle je me sentais bien, dans laquelle j’aimais accueillir mes clients. Lorsqu’on voit l’état dans lequel l’entreprise se trouve, c’est psychologiquement très difficile. Ma femme quand elle a vu l’entreprise pour la première fois, elle s’est évanouie. Donc c’est quelque chose de violent pour nous", confie-t-il encore très ému.

Ecoutez l'intégralité du témoignage de Michel Catalano :

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Michel Catalano s'attache donc aujourd'hui à la reconstruction de son imprimerie, une démarche qui l'aide pour chasser ses angoisses. "Aujourd'hui, j'ai envie que mes angoisses partent. Donc, je pense que je vais tout changer dans l'entreprise. J'aimerais pouvoir vider et nettoyer complètement le bâtiment. Ça ferait partie des choses qui pourraient me faire avancer un peu", s'avance-t-il.

"Je n'ai pas d'aide financière de l'Etat". Un mois après les événements, la collecte lancée sur Internet affiche près de 90.000 euros. Une somme qu'il n'a pas encore touchée et à laquelle devrait s’ajouter celle des assureurs, soit 70.000 euros pour préparer un redémarrage de son activité. Pour l'heure, le patron de l'imprimerie a seulement touché 10.000 euros. S'il salue le soutien psychologique dont il a bénéficié, il regrette toutefois le manque d'engagement de l'Etat jusqu'ici.

"Je voudrais simplement qu'on puisse être certain que l'entreprise va redémarrer. Pour instant, j'ai une aide psychologique importante de l'Etat, mais je n'ai pas une aide financière. On m'a dit qu'on m'aiderait. Mais, pour l’instant, je n'ai pas d'aide financière et je ne sais pas s'il y en aura. Ça fait 15 ans que je me bats pour en arriver là où j'en suis, et c'est cette incertitude par rapport aux investissements futurs que je dois faire, ou aux garanties que je dois apporter aux banques si je leur achète du matériel, tout cela m'inquiète. Il y a la volonté, mais est ce que j'aurai les moyens ?", s'inquiète encore le gérant de l'imprimerie.

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"Des cauchemars, des images". Un travail difficile à accomplir au regard des insomnies répétitives auxquelles il doit faire face. "Je ne  pensais pas avoir cette angoisse mais maintenant quand j’y retourne je revois des choses tout le temps. Ce n’est pas facile. En journée, je suis tellement occupé par la remise en état de l’entreprise que j’oublie ces douleurs, qui reviennent le soir, par des cauchemars, des images. Depuis un mois, je dors deux heures par nuit, ou trois heures maximum. Donc c’est très difficile pour moi. Ce mois a été très difficile pour moi psychologiquement. Ce n'est pas comparable à ce qu'on a pu vivre pendant ces trois jours mais ca reste un traumastisme supplémentaire qui s'ajoute à une difficulté psychologique déjà très importante pour moi. Il faut absolument que je puisse redémarrer, pour pouvoir me sentir bien dans ma peau et dans ma tête. Et pour pouvoir rassurer mes employés lorsqu'ils vont revenir", résume Michel Catalano. 

"Les lettres magnifiques que je reçois". Et pour "redémarrer", Michel Catalano peut compter sur l'élan de solidarité qui se manifeste encore aujourd'hui. "Aujourd'hui, si j'arrive à m'exprimer, c'est surtout pour remercier tous ces gens. L'élan de solidarité énorme que j'ai reçu, les lettres magnifiques que je reçois encore tous les jours, du monde entier, mais aussi de la région, tout cela me touche, me donne envie de continuer, de redémarrer", assure-t-il dans un regain d'enthousiasme.