Qui était Andreas Lubitz, le copilote à l'origine du crash de l'A320 ?

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avec Chloé Pilorget-Rezzouk et agences , modifié à
Le copilote de 28 ans était seul aux commandes de l'Airbus A320 de Germanwings quand l'appareil a amorcé sa phase de descente fatale.

"Comme une volonté de détruire l'avion". Voilà comment Brice Robin, le procureur de Marseille a décrit jeudi le comportement d'Andreas Lubitz, copilote de l'Airbus A320 de Germanwings. Deux jours après le crash meurtrier de l'appareil dans les Alpes-de-Haute-Provence dans lequel ont péri 150 passagers et membres d'équipage, que sait-on de cet homme sur qui l'enquête s'est brusquement orientée jeudi ?

Qui est-il ? Andreas Lubitz était âgé de 28 ans. De nationalité allemande, il vivait entre son petit appartement à Düsseldorf, destination initiale du vol de la Germanwings, et le pavillon de ses parents, situé dans la petite ville de Montabaur, en Rhénanie-Palatinat, dans l'ouest de l'Allemagne.

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Sur une photo visible sur son compte Facebook, et que Paris Match avait dévoilée jeudi, on peut voir le jeune homme poser devant le Golden Gate Bridge, à San Francisco. Comme beaucoup de jeunes de son âge, Andreas Lubitz aimait David Guetta ou encore le DJ allemand Paul Kalkbrenner, ainsi que le bowling. Parmi les pages "likées" sur son profil, figurent également celle de la compagnie Lufthansa ainsi qu'une page technique sur l'A320, le même modèle que l'avion du crash dont il aurait volontairement causé la descente.

Amateur de vol à voile, un garçon "comme tant d'autres". Sportif, Andrea Lubitz partageait avec sa petite amie son goût de la course à pied, attesté par ses classements dans plusieurs compétitions locales. Ayant toujours rêvé de devenir pilote professionnel selon son entourage, il avait appris, dès son adolescence, à voler dans l'aéroclub de sa ville natale. "C'était un type tout à fait normal. Il était très agréable, amusant et poli", a témoigné Klaus Radke, qui dirige le LSC Westerwald où le jeune homme avait obtenu sa première licence de vol, il y a plusieurs années. "Andreas avait beaucoup d'humour, même s'il pouvait être aussi un peu réservé. C'était juste un garçon comme tant d'autres par ici", a confié un membre de ce club de vol en planeur. "Il avait beaucoup d'amis, ce n'était pas un solitaire. Il était bien intégré au groupe", a-t-il ajouté. 

630 heures de vol au compteur. Andreas Lubitz avait été engagé par la Lufthansa en septembre 2013, juste après une formation entamée en 2008 auprès du centre de pilotage du groupe et dont il était sorti diplômé en 2012. Le jeune pilote comptait seulement 630 heures de vol à son actif dont une centaine sur l'Airbus A320. Il était le moins expérimenté des deux pilotes de l'appareil, le commandant de bord ayant 10 ans d'expérience et plus de 6.000 heures de vol sur Airbus. Le procureur de Marseille a toutefois précisé qu'Andreas Lubitz "avait la capacité et était apte à conduire l'avion". C'est pourquoi il a pu se retrouver seul aux commandes, mardi.

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Une formation de pilote interrompue durant six mois... Lors d'une conférence de presse jeudi après-midi, Carsten Spohr, le PDG de Lufthansa, a déclaré ne pas avoir d'élément indiquant une fragilité psychologique chez Andreas Lubitz. Le président de la maison mère de Germanwings a seulement précisé que ce dernier avait fait une pause de plusieurs mois il y a six ans, durant sa formation, pour une raison inconnue. "Mais ce n'est pas inhabituel chez nous", a-t-il ajouté. A son retour, le copilote de l'A320 avait repassé tous les contrôles médicaux et psychologiques et était "100% apte à voler" selon le PDG.

... A cause d'une dépression grave. Or, le tabloïd allemand Bild, a révélé jeudi la teneur du dossier médical du copilote : lors de cette "pause", le jeune homme est en réalité allé en établissement psychiatrique. Victime d'attaques de peur et de crises de panique, il ne pouvait alors plus suivre son apprentissage. De plus, pendant sa formation, Andreas avait été jugé à plusieurs reprises comme incapable de voler car trop faible psychologiquement. 

Mais Andreas Lubitz a finalement réussi à obtenir sa licence de pilote. Un document qui comporte dans son cas une mention bien particulière. Il s'agit de trois lettres : SIC, qui signifie que le pilote peut voler mais doit cependant faire l'objet de contrôles médicaux spéciaux très réguliers. Il s'agit d'une recommandation de l’office allemand de l’aviation civile. Le centre médical de Lufthansa a d'ores et déjà confirmé cette information que Carsten Spohr, patron de la compagnie, avait refusé de commenter la veille, estimant qu'Andreas Lubitz était "100% apte à voler".

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Des consultations à l'hôpital en février et mars. On a par ailleurs appris qu'Andreas Lubitz avait consulté dans un centre hospitalier de Düsseldorf en février et ce mois-ci, la dernière fois le 10 mars. Si l'établissement a déclaré que le jeune homme n'a pas été soigné dans ses services pour une dépression, il a précisé qu'Andreas Lubitz avait subi des examens, sans toutefois donner plus de détails en raison du secret médical.

Un arrêt de travail dissimulé pour le jour du crash. Des perquisitions ont été menées, jeudi soir, dans la maison des parents d'Andreas Lubitz, ainsi que dans l'appartement du copilote, à Düsseldorf. Les enquêteurs ont emporté l'unité centrale d'un ordinateur et sont également repartis avec deux grands sacs et un carton. Selon le parquet allemand, le copilote a caché qu'il était en arrêt de travail le jour du crash. Les enquêteurs ont retrouvé chez lui des formulaires d'"arrêts maladie détaillés, déchirés" et qui concernaient aussi "le jour des faits", a affirmé le parquet dans un communiqué, sans préciser la nature de la "maladie".

Ces documents viennent "appuyer la thèse" selon laquelle Andreas Lubitz, "a caché sa maladie à son employeur et à son environnement professionnel", d'après le parquet. Les documents retrouvés attestent d'une "maladie existante et de traitements médicaux correspondants", selon la même source. Aucune lettre d'adieux ou courrier annonçant un acte prémédité n'a été découvert. D'autre part, la police allemande a auditionné la petite amie du copilote qui a confirmé qu'Andreas traversait une grave dépression.

"Un jour, tout le monde connaîtra mon nom". Une ancienne petite amie, qui a partagé durant cinq mois la vie du copilote, s'est par ailleurs confiée dans le quotidien allemand Bild, samedi. Qualifiant Andreas Lubitz d'homme "gentil et ouvert", elle raconte toutefois l'avoir quitté parce qu'il "était tourmenté et avait trop de problèmes personnels". Mais surtout, cette hôtesse de l'air de 26 ans révèle les pensées morbides et entêtantes du copilote de l'A320 : "Il a planifié depuis longtemps de commettre un acte odieux. Un jour, il a dit : ‘Je vais faire quelque chose qui changera le système. Alors, tout le monde connaîtra mon nom", a-t-elle rapporté. Passionné de vol depuis sa plus tendre enfance, Andreas était obsédé par son travail de pilote qu'il savait compromis par "ses problèmes de santé".

Andreas Lubitz

© CApture d'écran Facebook

Quel a été son comportement dans le cockpit ? Mardi, le drame se joue lorsque le commandant de bord quitte la cabine "vraisemblablement pour satisfaire un besoin personnel". Andreas Lubitz se retrouve alors seul aux commandes de l'Airbus. C'est alors "qu’il manipule les boutons de ce que l’on appelle le flight monitoring system pour actionner la descente de l’appareil. L’action sur ce sélectionneur d’altitude ne peut être que volontaire", selon le procureur Robin.

Quelques minutes plus tard, le commandant de bord indique à plusieurs reprises son intention de regagner le cockpit, dont la porte est verrouillée. Andreas Lubitz reste alors mutique. "On entend à ce moment-là un bruit de respiration humaine à l’intérieur de la cabine. Nous l’entendrons jusqu’à l’impact final", a précisé Brice Robin, soulignant que le copilote est alors bien vivant. Toutes les procédures d'alertes restent ensuite vaines : la tour de contrôle de Marseille ne reçoit aucun signal de détresse, la trajectoire de l'avion ne se redresse pas malgré les alarmes notifiant la proximité dangereuse du sol. La porte reste désespérément fermée, malgré les tentatives du commandant de bord, que l'on entend tenter d'enfoncer  la porte. 

Comment peut-on l'expliquer ? Le procureur de la République de Marseille évoque "une abstention volontaire" menant au refus d’ouvrir la porte, puis, à actionner la perte d'altitude. Pour quelles raisons ? "Nous l'ignorons aujourd’hui totalement", concède Brice Robin. Ce comportement peut en revanche s'analyser, selon le magistrat, "comme une volonté de détruire cet avion". Andreas Lubitz “n’était pas répertorié comme terroriste et rien ne permet de dire qu'il s'agit d'un attentat", a seulement précisé le procureur de Marseille, qui a par ailleurs indiqué "réfléchir à une requalification de l'enquête", ouverte mardi pour "homicides involontaires". Le ministre de l'Intérieur allemand a confirmé qu' "il n'y a pas d'indice d'un contexte terroriste" autour du copilote. Alors, suicide ou acte motivé ? C'est ce que l'enquête doit désormais déterminer.

"Venu se tuer dans un endroit qu'il connaissait bien". En tout cas, Andreas Lubitz connaissait parfaitement l'endroit où il a volontairement activé la descente de l'A320, entraînant le crash de l'appareil. En effet dès l'âge de neuf ans, le petit garçon part en vacances avec ses parents au camping de l’aérodrome de Sisteron, dans les Alpes-de-Haute-Provence. Franck Kaezer, qui travaille dans le hangar voisin, se souvient très bien de cette famille de touristes allemands : "les parents venaient avec le gamin, qui était à l’époque un adolescent. Ils venaient pour faire du planeur. C’est vrai que cela pose des questions. Est-ce qu’il a voulu revenir à la case départ pour tout effacer ?" Et d’ajouter : "la seule conclusion que l’on peut en tirer, c’est qu’il est venu se tuer dans un endroit qu’il connaissait bien". D'après des proches en Allemagne, une fois devenu pilote aguerri, le jeune homme est revenu plusieurs fois au-dessus du massif des Trois-Evêchés.   

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