Procès Bettencourt : Claire Thibout maintient sa version

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Noémie Schulz avec Chloé Pilorget-Rezzouk et AFP , modifié à
L'ex-comptable de Liliane Bettencourt a maintenu ses accusations à l'encontre de Patrice de Maistre. Eric Woerth, entendu l'après-midi, a lui affirmé n'avoir "jamais reçu d'argent". 

L'info. C'est un témoignage qui a fait monter la tension, mardi, dans la salle d'audience du tribunal correctionnel de Bordeaux, où le volet du procès Bettencourt pour "abus de faiblesse" a commencé depuis deux semaines. Claire Thibout, ancienne comptable de la milliardaire, a maintenu sa version qui accuse Patrice de Maistre, ex-gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt, d'avoir remis une enveloppe de 50.000 euros à l'ex-ministre UMP Eric Woerth, en pleine campagne présidentielle de 2007.

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Une "longue descente aux enfers". Entendue durant quatre heures par visioconférence depuis le tribunal de grande instance de Paris, la femme de 56 ans, déjà auditionnée 18 fois dans le dossier, est un témoin fondamental de l'accusation. Cette audition était manifestement une épreuve pour l'ex-comptable, soupçonnée d'avoir menti et mise en examen en octobre 2014 pour faux témoignage, à la suite de plaintes de Patrice de Maistre et du photographe François-Marie Banier. Avant de débuter son témoignage, Claire Thibout a ainsi fait état de sa "longue descente aux enfers" depuis l'éclatement de l'affaire : "Tout a été fait pour me discréditer. J'ai été traitée de mythomane, de manipulatrice, de voleuse. Je suis obligée de prendre des médicaments, c'est cher payé." Elle a confié sa crainte que "la justice ne reconnaisse pas |sa] bonne foi", déclarant être "passée de statut de témoin à celui d'accusée, puis coupable". 

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Une requête de Patrice De Maistre. Mais, même fragilisée psychologiquement, l'ancienne comptable de Liliane Bettencourt a maintenu la version qu'elle défend depuis le début de l'affaire. En 2007, c'est elle qui décide d'aller voir Françoise Meyers pour lui parler de ce qui se passe chez ses parents, Liliane et André Bettencourt. "Des choses inquiétantes", a-t-elle raconté, alors que Liliane Bettencourt perdait ses facultés mentales. "Tout le monde était affolé : François-Marie Banier commandait, Patrice de Maistre demandait de l’argent. C'était n'importe quoi", a-t-elle expliqué. Deux hommes, les principaux prévenus parmi les dix qui comparaissent dans ce volet pour "abus de faiblesse", que Claire Thibout charge particulièrement. L'ex-ami intime de la vieille dame, François-Marie Banier, "un amuseur qui réclamait sans cesse de l'argent" et l’ancien homme de confiance, Patrice de Maistre, dont elle affirme qu'il a donné 50.000 euros à Eric Woerth, alors trésorier de l'UMP. 

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50.000 remis dans une enveloppe. Les accusations sont graves. Quand le président du tribunal lui demande si elle est sûre de ce qu'elle affirme, Claire Thibout répond, sur la défensive : "Je n'en suis pas sûre, j'en suis certaine." Oui, Patrice de Maistre lui a bien réclamé 150.000 euros. Face à son étonnement, celui-ci lui aurait répondu : "C'est pour remettre à Eric Woerth. Je dois le voir, c'est pour la campagne de Nicolas Sarkozy", a-t-elle raconté. L'ancienne comptable a ajouté avoir été "un peu estomaquée", mais n'ayant qu'un "accréditif de 50.000 euros", elle s'en était tenu à ce retrait. 

L'argent a ensuite été remis le 18 janvier 2007, dans une enveloppe à Liliane Bettencourt. Cette dernière l'a remise à son tour à Patrice de Maistre, lors d'un rendez-vous des trois protagonistes chez sa patronne, a affirmé de nouveau Claire Thibout, dont le visage s'affichait sur trois écrans dans la salle d'audience du tribunal bordelais. L'ancienne comptable dit avoir pensé que cet argent donné à des politiques était en fait dans la continuité de ce qui se faisait, en "période de campagne", du temps d'André Bettencourt. A l'époque des faits, le mari de Liliane, en effet malade et très fatigué, s'était retiré des affaires.

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Des coïncidences intrigantes. Avant l'audition de Claire Thibout, c'était Patrice de Maistre qui était à la barre, mardi matin. Le président du tribunal, Denis Roucou lui a lancé : "Il y a une chronologie étonnante, une proximité de dates avec des remises d'argent...", soulignant une coïncidence entre sorties de liquidités, remises de fond, et rendez-vous, entre les 17, 18 et 19 janvier 2007. "A partir de ces rapprochements de dates, Mme Thibout a construit quelque chose pour me nuire", s'est défendu Patrice de Maistre, en référence à sa principale accusatrice, l'ex-comptable de Liliane Bettencourt. "C'est une pure invention depuis le début [...] Je n'ai jamais demandé cet argent à Mme Thibout, Mme Thibout ne me l'a jamais remis", a martelé l'ancien gestionnaire de fortune de la richissime héritière de l'Oréal. 

Une défense qui monte à la charge. Les avocats de la défense n'ont pas ménagé Claire Thibout, qui est apparue stressée, la voix aiguë. Ils ont pointé des contradictions, des erreurs de date, point par point.

Pour Me Jacqueline Laffont, l'avocat de Patrice De Maistre, le témoignage de l'ancienne comptable n'est absolument pas crédible : "Il y a des mensonges sans vergogne, répétés, réaffirmés et à chaque fois qu'on lui oppose la preuve de son mensonge, elle en donne un autre. C'est sans fin. Si vous faites les calculs, elle n'a pas pu remettre 150.000 euros le jour où elle le prétend à Eric Woerth, ce n'est pas possible."

L'ex-homme de confiance de Liliane Bettencourt et l'ancien ministre du Budget ont bien reconnu un rendez-vous le matin du 19 janvier, "à l'heure du café", mais ils nient en effet tout échange d'argent durant cette rencontre.

Woerth n'a "jamais reçu d'argent". Entendu durant l'après-midi, l'ancien ministre du Budget Eric Woerth a réaffirmé qu'il n'avait "jamais reçu" d'argent liquide de Patrice de Maistre, ce qui lui vaut d'être poursuivi pour "recel". "Je sais ce que j'ai fait, je sais ce que je n'ai pas fait. Je n'ai pas reçu d'argent liquide de M. de Maistre pour financer cette campagne ou quoi ce soit d'autre, lors de ces rendez-vous (ndlr, de janvier et février 2007) ou de tout autre rendez-vous", a répété le trésorier de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007. Il a expliqué que ses rencontres début 2007 avec l'ex-gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt, membre du 1er cercle de donateurs de l'UMP, visait notamment à discuter de donateurs potentiels et du réseau de Patrice de Maistre.