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SAISON 2018 - 2019

Ce samedi, Catherine Nay décrypte les derniers chiffres de la montée du chômage.

Bonjour Catherine,

Bonjour Bernard, bonjour à tous.

Le nombre des chômeurs inscrits à Pôle Emploi a encore augmenté au 3ème trimestre : 21.700 de plus. De quoi assombrir un peu plus le tableau pour le gouvernement et aussi l'humeur des Français.

La France n'arrive pas à faire reculer le chômage. Après une courte embellie, l'industrie continue de perdre des emplois. Après plusieurs trimestres de baisse, les défaillances d'entreprises repartent à la hausse, notamment dans le bâtiment. Et pourtant, les entreprises françaises investissent plus que leurs voisines européennes, dans l'innovation, dans la conception des produits. Seulement, voilà le hic, elles font fabriquer ailleurs, dans des pays à moindre coût. L'industrie automobile en est l'illustration. La production de voitures a baissé de 40% dans l'hexagone depuis 10 ans. 

Les chiffres du chômage sont tombés jeudi. La veille, une pub dans les pages roses du Figaro vous a laissé, dîtes-vous, pantoise.

Oui, un tiers de page avec en fond, le visage, de profil, d'un petit garçon qui dort. Et ce message : "Passez plus de temps avec vos enfants, changez de job, démissionnez, ayez l'ambition d'être heureux". Une injonction curieuse, en cette ère de chômage. On y regarde à deux fois avant de démissionner, et pas très cohérente avec la ligne éco du Figaro. C'est une pub de Cadre Emploi, une entreprise privée, créée il y a 28 ans, une filiale du groupe Figaro, qui met en relation les entreprises qui offrent des emplois et les cadres. Depuis le début du mois, Cadre Emploi lance une très grosse campagne de pub qui durera jusqu'à Noël, avec des spots TV sur 14 chaînes, et aussi sur le web, dans le métro.

Le thème : changer de job pour s'occuper de ses enfants, retrouver le sommeil, le sens de l'humour. L'un des spots TV que l'on voit beaucoup est un mauvais ersatz de la campagne de la Française des Jeux "Au revoir patron" : un gars qui quitte son job parce qu'il a gagné le gros lot. Mais là, dans la campagne Cadre Emploi, on nous montre un monsieur en chemise, entouré de deux pom-pom boys en short et perruque blonde qui hurle "je démissionne". Et d'ouvrir sa chemise sur un ventre blafard et mou sur lequel est écrit "Je pars", ça dure 20 secondes et on ne comprend pas vraiment de quoi il retourne.

Vous voulez dire une pub à côté de la plaque ?

Oui, une pub confiée à l'agence Glory Paris : 30 personnes et 9 mois de travail ! Une pub trop sommaire, expéditive, pour traiter un problème très complexe. Pour convaincre un cadre de changer de job, il faut lui proposer un emploi qui a pour lui du sens, de l'intérêt et un salaire attractif, avec un management bienveillant, respectueux, d'où découlerait alors un meilleur équilibre entre les différents temps de sa vie privée.

In fine, on s'interroge : pourquoi dépenser autant d'argent pour cette campagne ?

Parce que le marché des cadres est très concurrentiel. La vérité est que les entreprises n'arrivent pas à recruter. Elles n'entendent pas former quelqu'un qui arrive sur le marché du travail. Elles veulent des cadres qui ont déjà de l'expérience. Donc, elles doivent aller débaucher chez les autres. D'où la campagne : "démissionnez, changez de job".

Il y a 250.000 offres pour les cadres cette année, et autant l'année prochaine. D'où une hausse record de déclarations d'embauche dans le privé. Seulement, il s'agit d'une rotation de main d'œuvre. Ce sont des cadres qui changent d'emploi. C'est un système qui tourne sur lui-même, sans créer d'emplois ou très peu. Encore une spécificité française, pas encourageante pour ceux qui arrivent sur le marché travail.