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SAISON 2015 - 2016

Ne pas se présenter à sa propre succession serait une défaite personnelle pour François Hollande. Mais s'il se lance en campagne pour la présidentielle 2017, sa candidature pourrait rimer avec suicide programmé.

W.B. : Le gouvernement a échappé d'un cheveu à une humiliante motion de censure de son propre camp. Au plus bas dans les sondages, François Hollande est accusé par les frondeurs d'être le plus grand diviseur de la gauche. A un an de la présidentielle, est-il condamné à faire du sur place ? Pourra-t-il même être candidat ?

C.N. : Ce qui vient de se passer est très grave parce qu'unique dans les annales. Il a manqué deux voix aux députés de gauche opposés à la loi El Khomri pour pouvoir déposer leur motion de censure. Parmi eux, 28 socialistes dont trois anciens ministres : Benoit Hamon, Aurélie Filipetti et Thomas Thevenoud. C'est la première fois que les frondeurs allaient aussi loin. Que faute de recueillir le nombre de signatures suffisantes, ils aient refusé de joindre leurs voix à la motion de censure de droite, prouve qu'ils voulaient peut être plus prendre date que de renverser le gouvernement. Il n'empêche, leur opposition à la loi Travail, laquelle a tellement varié depuis la première mouture que personne aujourd'hui ne sait ce qu'il y a dedans, officialise la rupture au sein du PS entre les deux gauches que Manuel Valls avait qualifiées d'"irréconciliables". Mais au fond, les plus virulents partisans de la motion de censure sont ceux qui veulent une primaire pour la présidentielle pour évincer François Hollande, et qui enragent de se trouver coincés par son annonce. A savoir : il ne prendra sa décision de se représenter ou pas qu'en décembre.

W.B. : L'affaire est si grave que Manuel Valls voudrait sanctionner les frondeurs. Jean Christophe Cambadélis a saisi la haute autorité d'éthique du PS quand François Hollande, lui, temporise.

C.N. : Le président ne veut pas jeter de l'huile sur le feu car il n'y a pas intérêt. Et il espère toujours que face à la droite, la gauche dite irréconciliable se réunira quand même sur son nom. Et puis sanctionner les frondeurs ? Les exclure, histoire de clarifier la ligne à un an de la présidentielle ? Ils créeraient un groupe à part, nuisance maximum pour le président. Les priver d'investiture aux prochaines législatives ?  Mais dans ce cas, ils se présenteraient sous étiquette divers gauche contre les candidats investis par le PS. Déjà que les prochaines législatives de 2017 s'annoncent rudes pour le PS, le courage est de ne pas sévir, alors que risquent les frondeurs ? Un blâme. C'est-à-dire rien ! Mais on voit bien qu'à l'opposé des frondeurs, Emmanuel Macron fait tout pour affaiblir le président auquel il doit sa bonne fortune politique. Il lance son mouvement, fait entendre ses dissonances, s'envole dans les sondages. Il représente une alternative même si elle ne débouche sur rien. Le président de la République le laisse faire en songeant qu'il pourrait peut-être lui être utile. Mais ce faisant, il a perdu toute autorité sur son camp.

WB. : Par chance pour le président, la conjoncture semble un peu meilleure, d'où son antienne favorite : "ça va mieux".

C.N. : La France a créé des emplois dans les services au premier trimestre c'est vrai, mais continue d'en perdre dans l'industrie, ce qui est navrant pour notre commerce extérieur et le bâtiment. Ça va mieux, mais encore faudrait-il qu'il précise par rapport à qui et depuis quand. En tous les cas, côté chômage, il n'est pas crédible. Il dit aussi avoir redressé le pays mais à quel prix ? La pression fiscale est nettement supérieure à ce qu'elle était en 2011. La dépense publique a grimpé de 55,9 % à 57,3 %, ce qui lui permet d'affirmer que son gouvernement est le plus à gauche du monde. Mais pour l'heure, le moins efficace en Europe.

W.B. : A-t-il tort ou raison de se montrer aussi optimiste ?

C.N. : Optimiste, il l'est par nature. Rien ne l'atteint, disent des proches. Ignifugé, en quelque sorte. Un phénomène. On peut dire qu'il a du coffre. Mais sa bonne mine et son invariable sourire, les Français les interprètent comme une forte cécité de celui qui ne veut rien voir, voire même rien comprendre de la situation.

W.B. : Alors ira ou ira pas ? Problème quand les sondages sont au plus bas.

C.N. : Ne pas y aller serait une défaite personnelle. Ce serait la première fois dans l'histoire de la 5ème République. On se souvient qu'à peine élu, François Hollande projetait de réussir là où Nicolas Sarkozy avait échoué : se faire réélire. Ne pas y aller, serait un refus du combat. Mais s'il se lance, alors que les sondages sont toujours en berne, sa candidature pourrait rimer avec suicide programmé.