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Chaque jour, Marion Lagardère scrute la presse papier et décrypte l'actualité.

 Dans la presse ce matin, une question de "convergence"

C’est peut-être la seule conquête sûre et certaine des syndicats, la victoire sémantique puisque leur expression "convergence des luttes" est partout dans vos journaux. Pas toujours pour le meilleur. "Convergence à la peine", en Une du Télégramme. "Convergence incertaine" pour La Croix. "Convergence des crispations", pour La Provence où François Tonneau décrit "les visages tendus et mâchoires serrés hier sur la Cannebière à Marseille. Pas de foule immense, pas de convergence syndicale, dit-il, mais un durcissement qui se profile." Oui, sauf que "pour converger, note Jean-Michel Bretonnier dans La Voix du Nord, il faut être plusieurs ! Encore quelques manifestations aussi peu mobilisatrices et Philippe Martinez tiendra la banderole tout seul." Même constat pour les DNA et pour Libération qui écrit en Une que "les luttes peinent à converger". A l’inverse, côté optimistes, l’Echo de la Haute-Vienne : "la convergence est sur de bons rails", ou L’Humanité qui a salué "des colères côte à côte". Sans compter, plus surprenant, Paris Match qui titre son reportage "convergence des rêves" : "étudiants, cheminots, postiers, tous appellent de leurs vœux une autre société», écrit le magazine, plus juste, solidaire et fraternelle." Enfin, pour mettre tout le monde d’accord, il y a Midi Libre, en Une duquel on retrouve aussi l’expression "convergence" et dont l’édito signé Eric Marly ne prend pas de risque puisqu’il évoque "un verre à moitié plein, ou à moitié vide". Voilà, on est à mi-convergence.

Et puis, il y a ceux qui "aimeraient" se mettre en grève mais qui ne "peuvent pas".

Patrick est éboueur depuis 22 ans, comme nombre de ses collègues, il "aimerait faire grève", mais "avec une paye de 1.700 euros net par mois, dit-il, je ne peux pas me le permettre".
C’est un reportage à lire sur le site du Monde, intitulé : "une matinée avec les éboueurs : "dégage espèce de bon à rien"" Parce qu’à l’arrière des camions-bennes, c’est l’une des insultes les plus courantes qu’ils reçoivent de la part des automobilistes. Sans compter le classique "c’est moi qui te paye avec mes impôts", ou encore "fainéants, vous ne faites que bloquer les gens". Et puis il y a aussi ces piétons "qui jettent leurs papiers par terre juste devant nous quand on passe", confie une balayeuse. "D’une même voix, écrit la journaliste Cécile Bouanchaud, les éboueurs interrogés décrivent ce sentiment : "être invisible aux yeux de tous", "on a l’impression de faire partie du mobilier urbain, résume Stéphane, 45 ans, les gens ne nous regardent pas, ils ne nous disent jamais bonjour". "On en va pas se mentir, ajoute un autre, éboueur, c’est pas un métier qu’on apprécie à la base, personne ne veut se lever pour commencer à 6h et sentir les poubelles". Horaires décalés, odeurs nauséabondes, et surtout pénibilité : Yoan et Frédéric transportent 7 tonnes de déchets et marchent 8 kilomètres par jour, ils évoquent leurs problèmes de dos, des entorses, des tendinites. Parfois des "projections de produits corrosifs." Le tout pour à peine plus d’un Smic, écrit Le Monde : Frédéric qui débute, touche 1.500 euros ; Yoan, 15 ans d’ancienneté, 1.700 euros et Hervé, 2.200 euros après 37 ans d’ancienneté. Voilà pourquoi, ils aimeraient faire grève, pour demander "la reconnaissance de la pénibilité", et la possibilité de "départ anticipé à la retraite". Reportage avec ceux dont on ne réalise l’importance que lorsqu’ils cessent le travail, à lire donc dans le Monde.

Et puis le sujet qui monte dans vos journaux, c’est la "convergence des droites".

Oui, mise en lumière par le débat asile et immigration à l’Assemblée : "convergence et lutte des places à droite", c’est le titre de l’édito de la Charente Libre où Maurice Bontinck note que "la seule différence entre Marine Le Pen et Laurent Wauquiez, le chef des Républicains l’a énoncé lui-même : c’est que "Marine Le Pen ne sera jamais en position d’être aux responsabilités".

Pour le reste, "la digue a sauté, il n’y a pas de différence de fond, Laurent Wauquiez ne craint pas d’utiliser les recettes de Le Pen père, écrit le journal, 40 ans après les affiches du FN sur le million d’immigrés qui prendrait le travail des français, le million "version Wauquiez" est attiré non pas par le travail mais par le RSA." "Les digues se craquellent", titre également Le Figaro, pour qui "Marine Le Pen est face au tabou de l’union des droites, des rapprochements que la présidente du FN condamne, tout en appelant au rassemblement". Bref, la convergence se fait, et elle n’a plus rien de "tabou", pour preuve la couverture de l’Express sur "les passerelles entre FN et LR" : photo de Marion Maréchal-Le Pen et ce titre : "ce que mijote la droite de la droite". Voilà, quand l’extrême droite devient la droite juste un peu plus à droite. Le FN lui aussi a sa victoire sémantique.

Enfin, puisqu’on est vendredi, un coup d’œil sur les magazines du week-end.

Oui, avec une nette dominante "Histoire". L’histoire des poisons en couverture du Parisien Week-end, "de Néron à Poutine." L’histoire de Napoléon, en Une de l’Obs qui publie ses correspondances. Histoire des quais de Seine dans M le magazine du Monde, qui revient sur l’inauguration de "feu" la voie express en 1967. Histoire encore dans Elle avec ce dossier sur "les femmes en mai 68". Et puis cette enquête dans les Echos Week-end, sur un phénomène dont l’histoire ne fait que commencer en France : le karaoké. Et pour cause, "de plus en plus de clubs très selects misent sur ces soirées chant, écrit Cécilia Delporte. Objectif : attirer un public de cadres sup’ surmenés. Par exemple, le club 13 avenue Hoche à Paris, où l’on a déjà aperçus, Laurent Solly de Facebook, Jean-Claude Blanc, directeur général du PSG et Christophe Cuvillier, président du directoire d’Unibail-Rodamco. "Beaucoup de patrons se lâchent, explique le directeur du club, au karaoké, ils brisent l’armure, ça leur donne un côté humain, une plus grande vulnérabilité. Il y a une part déculpabilisante dans le karaoké."

Déculpabiliser le patron donc, mais aussi "favoriser le team building entre collègue", la cohésion d’équipe pour les fâchés de l’anglicisme. "Ça permet de retrouver ses collègues dans un cadre différent et surtout bien plus fun, explique Julie, 31 ans, d’autant que le chant a des vertus désinhibitrices : chanter du Céline Dion avec un inconnu ça resserre les liens." Resserrer, converger. Et peut-être même un peu plus à regarder le top 3 des chansons de karaoké : en 1, "Wannabe my lover" des Spice Girls, en 2 "Pour que tu m’aimes encore" de Céline Dion et en 3, "Baby one more time" de Britney Spears. Comme le note Les Echos Week-end, "le ridicule ne tue pas", alors osez pousser la chansonnette, resserrez les liens grâce à la musique, dites bonjour aux éboueurs si vous les croisez et surtout passez un très bon week-end.