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Au moment où l’on commence à sortir du confinement, de voir que même si la crise du coronavirus a durement secoué le pays, la France reste la France. 

Vous revenez sur la décision du Conseil des ministres d’accorder une médaille aux personnels qui se sont battus en première ligne contre le coronavirus…
Oui, et c’est vraiment rassurant, au moment où l’on commence à sortir du confinement, de voir que même si la crise du coronavirus a durement secoué le pays, la France reste la France. C’est bien connu, nous avons une forme de passion pour les décorations, qu’elles soient militaires ou civiles. Napoléon Bonaparte, Premier Consul, l’avait bien compris lorsqu’il créa la Légion d’honneur. Et De Gaulle aussi, lorsqu’il créa l’Ordre national du mérite. Je ne sais pas si Emmanuel Macron a en tête ces deux glorieux précédents, mais voilà : il y aura une Médaille de l’Engagement face aux épidémies qui sera épinglée au revers de ceux qui ont particulièrement mérité dans cette crise Covid-19…
En fait, ce n’est pas la création d’une nouvelle médaille, mais sa « réactivation » : elle avait été créée au XIXe siècle, en 1884…

Pour honorer les héros de la lutte contre une épidémie de choléra. Oui, là aussi, c’est un bel hommage à cette France immuable. Un projet, une question ? Il suffit de fouiller dans les archives de l’histoire et dans les greniers de la République pour trouver un précédent. C’est l’avantage des vieilles nations, elles ont une histoire. Mais c’est aussi leur inconvénient : elles tirent derrière elles tout un cortège de références, de décisions, de faits tombés en désuétude, et qui encombrent notre quotidien. Qui rendent compliquée la moindre décision. Tenez, cette prime qui a été promise par le chef de l’Etat.

Une prime de 1500 euros pour les soignants de la toute première ligne et de 500 euros pour les autres…

Exactement. Elle n’est toujours pas versée. Son principe a pourtant été annoncé par Emmanuel Macron il y a près de deux mois, et confirmé mi-avril par le Premier ministre. Mais Sibeth N’Diaye vient d’admettre que le gouvernement ne savait pas si elle pourrait même être versée sur la paye de Mai. Un décret n’a pas été signé, et tout est bloqué. L’administration dans toute sa splendeur. Tout se passe comme si, une fois sortie de la période de crise pendant laquelle l’administration a su prendre et mettre en œuvre des décisions d’urgence, tout se remettait en ordre, redevenait lent, lourd, procédural. Emmanuel Macron a eu beau promettre, dans sa campagne électorale, de mettre l’Etat sous tension, de faire bouger l’administration, rien n’a vraiment changé : c’est elle qui recommence à imposer son tempo…

Au demeurant, le principe de cette prime est très critiqué par les syndicats et des collectifs de médecins…

Oui, ils voulaient bien être applaudis chaque soir, être les héros de cette guerre contre le virus, mais il faut maintenant du concret, du durable. Et sans attendre le grand plan hôpital promis par le gouvernement pour dans quelques mois. Donc pas de prime, mais une augmentation de salaire, pour tous, sans distinction de mérite ou de dévouement. La médaille, les remerciements, ils n’en veulent pas, et certains le disent avec virulence. C’est un peu ça, aussi, la France, ce pays où domine la défiance et le jugement négatif envers les gouvernements. Comme disait André Frossard, un célèbre journaliste et académicien du siècle dernier : « En France, tout revers a sa médaille »…