Le débat sur le quotient familial en quatre questions

Le quotient familial permet aux familles avec enfant de payer moins d'impôts sur le revenu.
Le quotient familial permet aux familles avec enfant de payer moins d'impôts sur le revenu. © JOEL SAGET / AFP
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Dispositif hérité de l'après-guerre, le quotient familial est remis en cause par un rapport parlementaire qui fait beaucoup de bruit.
ON DÉCRYPTE

Comme chaque fois qu'il est abordé, le sujet a fait l'effet d'une bombe. Dans un rapport parlementaire, un député LREM prône la suppression du quotient familial, remplacé par un autre type d'allocations. Loin d'être un simple ajustement fiscal, cela équivaudrait à un changement de philosophie dans la conception de la politique familiale. Et pourrait avoir des effets très concrets sur les impôts des foyers français.

  • Quelle est la différence entre quotient familial et allocation familiales ?

Le quotient familial a été instauré le 31 décembre 1945 par le général de Gaulle, désireux de soutenir la démographie française après la saignée de la Deuxième Guerre mondiale. Le principe est simple : mettre en place un système de parts fiscales pour les foyers qui ont des enfants. Les parts sont calculées selon la situation de chacun (parent isolé ou non, nombre d'enfants) et permettent de faire diminuer l'impôt sur le revenu. Néanmoins, l'avantage fiscal dont peut bénéficier un ménage grâce au quotient familial reste plafonné, et le plafond est régulièrement revu à la baisse.

Les allocations familiales, elles, sont plus anciennes encore puisqu'elles ont été généralisées en 1932 après avoir été mises en place dans certains secteurs d'activité dès 1916. Il s'agit, cette fois, de verser de l'argent aux familles ayant plus de deux enfants. Derrière cette mesure, il y a au départ l'idée de l'universalité de la politique familiale : ce coup de pouce financier est apporté à tous les ménages avec progéniture, indépendamment du niveau de revenu.

Mais pendant le quinquennat Hollande, le gouvernement Valls est revenu sur cette universalité des allocations familiales. À partir du 1er janvier 2015, celles-ci ont été modulées en fonction des revenus. Les parents les plus aisés ont ainsi vu leur aide baisser.

  • Que propose le député Guillaume Chiche ?

Élu LREM des Deux-Sèvres, Guillaume Chiche a co-écrit un rapport parlementaire sur la politique familiale dans lequel il propose de refondre le quotient familial en le fusionnant avec les allocations. Autrement dit, plus question d'agir au niveau de l'impôt sur le revenu, en le baissant pour les familles qui ont des enfants grâce au système de parts. Le député préconise le versement d'une allocation unique dès le premier enfant (au lieu du deuxième actuellement). Et ce, à budget constant : les 12 milliards d'euros aujourd'hui consacrés au quotient familial, ainsi que les 12 milliards d'euros des allocations familiales, seraient intégralement ré-injectés dans cette nouvelle aide financière.

Guillaume Chiche esquisse ensuite deux pistes pour réserver cette nouvelle allocation unique aux familles les plus modestes : soit elle sera modulée en fonction du revenu, soit elle pourra être fiscalisée. "Il n'est pas question de suppression du quotient familial mais d'une transformation structurelle globale pour une politique familiale universelle qui garantit réellement la dignité des familles", a plaidé le député.

Pour le parlementaire, ce nouveau dispositif serait plus juste. Le quotient familial ne profite en effet aujourd'hui qu'aux ménages qui paient l'impôt sur le revenu, et non aux plus modestes, qui n'y sont de toute façon pas soumis. Cela aurait "des effets redistributifs majeurs", argumente donc Guillaume Chiche, en apportant "un soutien supplémentaire aux classes moyennes et modestes".

  • Pourquoi la droite se hérisse-t-elle ?

La proposition a créé un tel tollé à droite que le co-auteur du rapport, le député LR Gilles Lurton, a refusé d'y apposer sa signature et annoncé son retrait de la mission parlementaire. Selon lui, il s'agit bien de la "suppression du quotient familial", ce qui constituerait une "ligne rouge" pour sa famille politique. "Transformer le quotient familial en une aide sous condition de ressources, c'est supprimer toute la politique familiale", a asséné Christian Jacob, président du groupe LR à l'Assemblée.

Cette réaction épidermique de la droite était à prévoir. Celle-ci est en effet très attachée à l'universalité de la politique familiale, s'érigeant à chaque fois en protectrice des familles. La modulation des allocations sous François Hollande l'avait déjà fait réagir de façon virulente. Son angle d'attaque est celui de la protection des classes moyennes. "On ne sait pas qui seront les perdants, mais je subodore que ce seront les classes moyennes", a ainsi souligné Gilles Lurton.

Si le député d'Ille-et-Vilaine "subodore", c'est qu'en l'absence de chiffres précis sur la mesure, il est difficile de calculer les pertes des uns et les bénéfices des autres. Selon les députés MoDem, la fusion du quotient familial avec les allocations familiales équivaut à "une augmentation nette d'impôt de l'ordre de deux milliards d'euros pour les familles". Mais il est impossible de dire à partir de quel seuil de revenu elles seront touchées.

  • Que va faire le gouvernement ?

A priori, rien. L'exécutif "écarte toute modification du quotient familial", a assuré Benjamin Griveaux, le porte-parole du gouvernement, mercredi. La veille déjà, l'entourage du Premier ministre avait déclaré qu'il n'en était "pas question". Et le ministère de la Santé avait lui aussi apporté des précisions en ce sens.

L'exécutif sait bien que le sujet est éruptif. En octobre dernier, le député LREM de l'Isère, Olivier Véran, avait plaidé dans une interview pour "étudier la fin de l'universalité des allocations familiales" et supprimer ces aides aux plus aisés. Devant le tollé suscité, les parlementaires de la majorité favorables à cette mesure y avaient renoncé.

En outre, une refonte du quotient familial ne correspondrait pas du tout au discours tenu par Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle. À l'époque, il avait clairement dit qu'il "souhaitait" revoir le plafond du quotient familial à la hausse "si les finances publiques le permett[aient]".