"J’arrête de râler au boulot" : pourquoi je continue le test même si j'ai échoué

Le but d’enfiler un bracelet consiste à se rendre compte de nos râleries.
Le but d’enfiler un bracelet consiste à se rendre compte de nos râleries. © www_slon_pics / pixabay / Europe 1
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Malgré les relâchements, la méthode de Lewicki et Nave pour arrêter de râler en 21 jours reste un outil pour améliorer le quotidien.

Vous vous en souvenez peut-être, il y a un mois et demi,  j’ai accepté de relever le défi proposé par Christine Lewicki et Emmanuelle Nave, coach en entreprise et DRH, dans leur livre J’arrête de râler au boulot (Eyrolles). Le principe ? Tenir 21 jours d’affilée sans râler au travail. L’objectif ? Transformer mes vaines ruminations en solutions constructives. La méthode ? Mettre un bracelet à un poignet, et le changer de poignet dès que je râle. Le verdict ? Pour la première fois depuis que je me suis lancé dans le test, j'ai passé toute la semaine sans changer mon bracelet de place.

Hip hip hip houra ? Pas vraiment. Car cela ne signifie pas que je ai tenu toute la semaine sans râler. Cela signifie, plutôt, que j'ai oublié plusieurs fois de changer mon bracelet de place après mes râleries, et qu'après 45 jours de tests, mon assiduité tend quelque peu à diminuer.

Après 45 jours, l’heure est au relâchement

À force de changer mon bracelet de place et en puisant des conseils dans le livre J’arrête de râler au boulot, j’étais censé prendre conscience des causes de mes ruminations, pour mieux réussir à les résoudre. Seulement voilà : face à l’absence de résultats notoires (rares sont les semaines où j’ai tenu ne serait-ce que deux jours d’affilée sans râler), j’ai fini par me lasser, par oublier de changer mon bracelet de place, voire même par oublier mon bracelet à la maison. "J’ai constaté un relâchement, je trouve que tu râles plus qu'au début. Certes, ce ne sont pas des râleries chroniques. C’est à chaque fois pour des petites choses précises, sans gravité et cela ne dure pas longtemps. Mais je ne te vois pas non plus avec un sourire radieux toute la journée ! Cela ne t’a pas métamorphosé", me confie sans fard Rémi, journaliste Société et voisin de bureau.  

Comment expliquer ce relâchement ? D’un naturel très nerveux, je ne peux pas mettre complètement ce tempérament sous le tapis, malgré les recettes anti-stress proposées par Christine Lewicki et Emmanuelle Nave. Après un mois et demi de test, je me surprends encore à passer en une fraction de seconde d’un état de sérénité absolue à un pic de nervosité aigu.

Le livre de Christine Lewicki et Emmanuelle Nave laisse entendre que chaque problème contient une solution simple. Comment être heureux socialement ? En s’entourant de personnes de confiance, répondent les auteures. Comment progresser dans mon travail ? En surmontant ma flemme bien sûr. Comment gérer toutes mes tâches ? En demandant si un logiciel ne peut pas les faire à ma place. Je suis fatigué ? Je n’ai qu’à me coucher tôt... Or toutes les difficultés, qu’elles soient professionnelles ou non, ne contiennent pas toujours des solutions si évidentes. Si un interlocuteur que j’ai besoin de joindre pour mon travail ne répond pas ou si l’actualité ne m’inspire pas en arrivant le matin, je ne trouverai pas la réponse à mon problème dans l’ouvrage de Lewicki et Nave. Donc, je râle.

Pourquoi je continue quand même le test

La méthode J’arrête de râler au boulot n’en reste pas moins enrichissante sur plusieurs points. Le fait d’avoir un bracelet à mon poignet, s’il ne m’empêche pas de râler, m’incite à m’interroger, plus souvent que je ne le ferais en temps normal, sur les moyens que je peux mettre en œuvre pour aller mieux. L’ouvrage, qui cite Socrate, invite au "connais-toi toi-même" en permanence. Il pousse à nous interroger sur nos limites, nos réelles envies, notre vrai potentiel et nos marges de progression.

La méthode nous incite également à mettre en œuvre, par petits pas, des actions qui améliorent directement le quotidien : aller voir son manager pour lui demander calmement de repréciser une directive, être davantage à l’écoute des autres (surtout lorsqu’il s’agit de reproches), faire un autre tâche ou prendre une pause lorsque l’ordinateur fait des siennes plutôt que de rester devant à pester, marcher davantage sur le chemin du travail en sortant plusieurs stations avant plutôt que de rester dans le métro à se morfondre etc.

Aussi, et peut-être surtout, le fait d’avoir un bracelet, d’y porter attention, peut transformer chaque râlerie en occasion de nous interroger sur des problèmes plus personnels, mais qui peuvent avoir une conséquence forte sur notre attitude au travail. Est-ce qu’il ne serait pas temps de me remettre sérieusement à ce projet perso qui donnait tant de sens à ma vie mais que j’ai quelque peu délaissé ? Et si je rappelais enfin ce vieux copain auquel je pense toutes les semaines sans lui donner de nouvelle ? Suis-je obligé d’aller au sport ce soir alors que cela fait dix jours que je n’ai pas passé un moment en amoureux ? N’ai-je pas besoin de renouer un peu mon contact avec la nature, la spiritualité, ou avec toutes ces questions existentielles qui me tracassent plus que je ne veux l’admettre ?

Pour illustrer cette réflexion, l’ouvrage de Christine Lewicki et Emmanuelle Nave relate une fable particulièrement inspirante, la fable des cailloux, du gravier, du sable et de l’eau (vous la retrouverez en ligne ici) : les premiers représentent les choses vraiment importantes dans la vie dont il faut s’occuper en priorité (soigner ma relation avec mon entourage, sentir que je me dépasse, apprendre des choses nouvelles, me sentir bien dans ma peau ou dans la nature etc.), les autres représentants des soucis annexes, moins importants (répondre à ses mails, préparer ses réunions, ranger son bureau ou sa maison, régler ses factures…), que l’on ne peut pas régler correctement (et sans râler !) sans s’être d’abord occupé des premiers. Peu importe, donc, que je réussisse un jour à tenir 21 jours d’affilée sans râler. Tant que mon bracelet m’aidera à me demander si la cause de ma râlerie est un caillou ou une goutte d’eau, peut-être qu’il serait bon que je le garde à mon poignet.