Olivier Dussopt, éprouvé par les retraites, «miné» avant son procès

Olivier Dussopt est appelé à s'expliquer devant la justice à partir de lundi pour des soupçons de favoritisme.
Olivier Dussopt est appelé à s'expliquer devant la justice à partir de lundi pour des soupçons de favoritisme. © ALAIN JOCARD / AFP
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avec AFP
Après Eric Dupond-Moretti, un autre ministre en exercice, Olivier Dussopt, est appelé à s'expliquer devant la justice à partir de lundi, pour des soupçons de favoritisme liés à un marché public passé en 2009, qu'il conteste.

Certains le disent "miné", d'autres "dans la revanche" : Olivier Dussopt, qui a porté la retraite à 64 ans jusqu'à s'époumoner, se fait discret depuis la rentrée, avant de comparaître lundi devant la justice pour une affaire de favoritisme.

Le ministre du Travail est aux abonnés absents

L'heure n'est plus à vanter une "réforme Darmanin-Dussopt" sur l'immigration, le second, venu de la gauche, étant censé incarner, aux côtés du ministre de l'Intérieur venu de la droite, le volet "social" du texte avec la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension. Car si, l'an dernier, les deux avaient présenté le projet de concert dans un entretien commun au Monde, depuis le retour du texte au Parlement, le ministre du Travail est aux abonnés absents.

Lors des débats au Sénat, les socialistes, jamais tendres avec leur ancien camarade qui a rejoint Emmanuel Macron en 2017, avaient lancé "un avis de recherche". Ce ne sera pas nécessaire pour l'arrivée du texte en Commission lundi à l'Assemblée : Olivier Dussopt sera au tribunal.

Soupçonné de favoritisme, Dussopt conteste les faits

Le Parquet national financier (PNF) soupçonne celui qui était alors député et maire PS d'Annonay (Ardèche) d'avoir favorisé le groupe de traitement de l'eau, Saur, dans l'attribution d'un marché public daté de 2009-2020.

Olivier Dussopt qui, sollicité par l'AFP, n'a pas souhaité s'exprimer, conteste les faits. Il martèle depuis des mois avoir "convaincu le parquet" pour "quatre sur cinq" des griefs qui lui étaient reprochés, et compte en faire de même à la barre pour le cinquième. Surtout, insiste-t-il, "aucune corruption ne (lui) est reprochée".

L'image du gouvernement entachée 

L'audience ne pouvait cependant pas plus mal tomber au moment où l'agenda social s'est étoffé depuis plusieurs semaines avec les négociations sur l'assurance-chômage ou les retraites complémentaires, la conférence sociale, les négociations à venir sur l'emploi des seniors ou la remontée des chiffres du chômage. 

Cette étape judiciaire vient aussi écorner un peu plus l'image d'un gouvernement qu'Emmanuel Macron souhaitait "irréprochable" mais qui collectionne les épisodes judiciaires, le dernier en date avec Éric Dupond-Moretti devant la Cour de justice de la République.

Elle vient fragiliser cet ancien proche de Martine Aubry puis de Manuel Valls devenu, malgré ou peut-être grâce à sa grande discrétion, un rouage essentiel d'Emmanuel Macron. "Sa force, c'est sa faiblesse. Quand il parle, il n'y a pas d'écho, le son s'étouffe immédiatement, ça n'imprime pas", cingle le député socialiste Arthur Delaporte. "Il ne cherche pas à faire du texte un outil de communication comme pourraient le faire Gabriel Attal ou Aurore Bergé. Il a tout anesthésié, tout technicisé. Et Macron l'aime bien. Il délivre, comme dirait Mme Borne." "Dussopt, c'est la voix de l'Elysée", résume un leader syndical.

"Il est totalement miné par son histoire judiciaire"

Depuis la rentrée, le ministre du Travail "a une forme de détachement", relève auprès de l'AFP une autre source syndicale. "Il est totalement miné par son histoire judiciaire", déclarait récemment un ministre de premier plan. "Il est très marqué psychologiquement", abonde un député de la majorité.

Au printemps, le ministre s'interrogeait "à voix haute", dixit un cadre de la macronie, sur son avenir politique, après une réforme des retraites éprouvante, lui qui s'est fait traiter d'"assassin" en séance par un député de La France insoumise. "Ca été pour lui une épreuve" et il estime "avoir morflé", assure-t-on côté syndical.

Selon la même source, le quadragénaire se montre en retour inflexible, depuis, dans les différentes négociations avec ses partenaires. "Je ne suis pas sûr qu'(il) soit heureux d'être ministre du Travail. Il y a eu un remaniement et après les retraites, il pensait avoir un autre portefeuille. Il avait envie de faire autre chose peut-être ?", fait mine de s'interroger un leader syndical.

Un épisode a marqué Cyril Chabanier, à la tête de la CFTC, qui trouve le ministre "accessible" : lors de la conférence sociale mi-octobre, qui avait pour thème principal les salaires et l'égalité entre les femmes et les hommes, le ministre du Travail a très peu parlé. Son collègue de l'Économie Bruno Le Maire, "qui était prévu 5 minutes, a parlé 25 minutes" et "volé la vedette à Dussopt".