Journaliste espionné : qui savait ?

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Fabienne Cosnay et Alain Acco , modifié à
Le socialiste Manuel Valls a demandé l'audition du ministre Claude Guéant à l'Assemblée.

Les écoutes d'un journaliste du Monde en marge de l'affaire Bettencourt ont tout de l'affaire d'Etat, au point que le socialiste Manuel Valls exige désormais que le ministre de l'Intérieur Claude Guéant soit entendu devant l'Assemblée. Une juge d'instruction parisienne a découvert que la DCRI, Direction centrale du renseignement intérieur, avait demandé en juillet 2010 à l'opérateur Orange les factures détaillées de téléphone de Gérard Davet, journaliste au Monde et auteur du livre Sarko m'a tuer.

Chacun a son interprétation des écoutes

Concrètement, les agents de la DCRI ont eu accès, alors que Gérard Davet n'était soupçonné d'aucun délit, à la liste de tous les appels entrant et sortant de son téléphone, ainsi qu'aux données de géolocalisation, et ont donc pu connaître ses déplacements. Claude Guéant, ministre de l'Intérieur a reconnu l'existence d'une enquête tout en niant que Gérard Davet ait été visé.

Vendredi matin, sur Europe 1, Nadine Morano était encore sur une autre ligne, réfutant le terme d'"écoutes téléphoniques". "Il n’y a pas d’écoutes téléphoniques, mais repérage de communication, ce n’est pas la même chose", a assuré la ministre de l’Apprentissage.

La CNCIS n'a pas été saisie

Interrogé par Europe 1, l'ancien ministre de l'Intérieur Daniel Vaillant est formel. Pour autoriser ce type de surveillance, les ministères de l'Intérieur et de la Défense doivent prendre l'avis de la Commission nationale des contrôles des interceptions de sécurité, le CNCIS. Or, dans cette affaire, elle n'a pas été consultée, assure Daniel Vaillant, qui en est membre. "La commission n'a pas été saisie parce qu'à mon avis, les services du Premier ministre ne l'ont pas été", indique t-il.

"Or, il est clair que la commission aurait donné un avis défavorable à ce type de requêtes. "Il y a eu un court-circuitage, cela témoigne d'une dérive institutionnelle" ajoute le député socialiste. "La vérité, c'est qu'on a voulu, en dehors de l'institution judiciaire et de la loi du 1991 (NDLR : sur les interceptions téléphoniques et celle sur la protection des sources) avoir des renseignements pour identifier David Sénat, alors collaborateur de Michèle Alliot-Marie", estime Daniel Vaillant.

David Sénat avait été écarté en juillet 2010 de son poste de conseiller. Il avait été identifié par une enquête secrète de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) comme étant l'auteur des fuites au bénéfice des journalistes du Monde, dont Gérard Davet qui enquêtait sur l'affaire Bettencourt.