Crèche Baby-Loup : la laïcité fragilisée ?

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La Cour de cassation a donné raison à une salariée licenciée pour port du voile. Et après ?

JURISPRUDENCE. La Cour de cassation a annulé mardi le licenciement en 2008 d'une employée de la crèche privée "Baby-Loup", dans les Yvelines, qui s'était vu reprocher par son employeur de refuser d'ôter son voile islamique. Une décision qui pourrait faire jurisprudence, redoutait mercredi matin Jeannette Bougrab au micro d'Europe 1. Pour l'ancienne présidente de la Halde, les entreprises doivent désormais "revoir leurs règlements intérieurs, (car) certaines d'entre elles risquent d'être condamnées au pénal".

>> Quelles vont être les conséquences réelles de cet arrêt ? Europe1.fr vous explique tout. 

Ce que dit l'arrêt. Baby-Loup a beau être une crèche à mission d'intérêt général, elle n'en reste pas moins une crèche privée. Dans son règlement intérieur, l'établissement stipule, en s'appuyant sur le principe de laïcité instauré par l’article 1er de la Constitution, que "la liberté de conscience et de religion de chacun des membres du personnel ne peut faire obstacle au respect des principes de laïcité et neutralité" au sein de la crèche. C'est sur ce principe qu'avait été justifié le licenciement  de la salariée en question pour faute grave.

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Or, dans son arrêt, la Cour de cassation estime que le principe de laïcité ne peut s'appliquer que dans un service public ou dans une entreprise privée gérant un service public. Ce qui n'est donc pas le cas de Baby-Loup. Jugeant que le règlement intérieur instaurait "une restriction générale et imprécise", la Cour de cassation a donc estimé que le licenciement avait été "prononcé pour un motif discriminatoire", d'où son annulation. Concrètement, pour la Cour de cassation, la laïcité ne peut donc être invoquée pour interdire le port du voile ou de tout signe religieux ostentatoire dès lors qu'il s'agit d'une entreprise privée.

Quelles conséquences pour les entreprises ? "Pourquoi créer des problèmes là où il n'y en avait pas ? Cet arrêt étonnant n'a rien résolu", décrypte Me Eric Rocheblave, avocat spécialiste en droit du travail, joint par Europe1.fr. "La Cour de cassation nous dit que la laïcité reste à la porte des entreprises. Des salariés vont arborer plus facilement des signes religieux", pressent-t-il, considérant qu'il s'agit d'"une remise en question du principe même de laïcité".

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Concrètement aujourd'hui, une entreprise ne peut interdire le port du voile, entre autres signes religieux, qu'en invoquant des questions d'hygiène ou de sécurité spécifiques et en expliquant pourquoi."Le voile ou un crucifix peuvent être prohibés dans certaines usines à cause du risque de se coincer dans une machine", explique l'avocat. Tout autre motif serait donc discriminatoire et tomberait sous le coup de poursuites pénales. A condition évidemment que le salarié décide d'engager des poursuites.

Vers une nouvelle loi ? A droite comme à gauche, nombre de personnalités politiques s'insurgent  contre cette décision. Jeannette Bougrab a évoqué "un jour sombre pour la laïcité" mercredi au micro d'Europe 1. Le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls a pour sa part estimé qu'il s'agissait "d'une mise en cause" de ce principe.

Najat Vallaud-Belkacem, la porte-parole du gouvernement a quant à  affirmé mercredi que "le principe de laïcité" ne devait "pas s'arrêter à la porte des crèches", ajoutant que le gouvernement n'excluait pas de légiférer. Une option vivement souhaité plus tôt par Eric Ciotti, au nom de l'UMP.