Avec plus de 100 millions d'utilisateurs actifs, AdBlock Plus est le bloqueur de publicités le plus populaire. 1:55
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Le géant américain du web veut mieux contrôler les bloqueurs de publicités. Une décision censée fluidifier la navigation mais qui va aussi engendrer des revenus supplémentaires pour Google.
ON DÉCRYPTE

Ils s’appellent Privacy Badger, uBlock Origin ou encore ScriptSafe, ils font le bonheur de centaines de millions d'internautes mais ils pourraient bien être en train de vivre leurs dernières heures : les bloqueurs de publicités, ou "adblockers", les extensions qui masquent les pubs envahissantes, sont dans le viseur de Google. Une mauvaise nouvelle pour le confort de navigation, mais sans doute une bonne chose pour supporter le web.

Plus de règles pour une navigation plus fluide

Concrètement, Google est en train de revoir les règles de webRequest, son interface de programmation utilisé par les développeurs pour proposer des extensions à Google Chrome, le navigateur favori des internautes. À partir de cet automne, toutes les extensions devront présenter à Chrome leur fonctionnement et les résultats de leur activité. Le nombre de règles à respecter va également augmenter, bridant ainsi le potentiel des bloqueurs de publicités. À la place, Google souhaite que les extensions utilisent une autre plateforme, par le biais de laquelle ce serait Google, et non les adblockers directement, qui déciderait des contenus à masquer.

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Officiellement, en reprenant la main, Google souhaite fluidifier l’affichage des pages web. Un adblock fonctionne comme un filtre : quand vous cliquez sur une page, l’extension l’analyse pour détecter les pubs puis l’affiche en les masquant. Le tout en quelques centièmes ou dixièmes de secondes. Mais c’est trop pour Google qui estime que sans filtrage, les internautes gagneront du temps. "Actuellement, avec l'autorisation webRequest, une extension peut retarder une demande pendant un laps de temps arbitraire, car Chrome doit attendre le résultat de l'extension pour pouvoir continuer à traiter la demande", indique le géant de la Silicon Valley.

Google reprend la main sur les publicités

Si Google semble ainsi vouloir étouffer les bloqueurs de publicité à son profit, il ne va pas les interdire non plus. Simplement, ceux qui voudront continuer d'exister devront se plier aux nouvelles règles édictées par la firme de Mountain View. Ainsi, AdBlock, l'un des bloqueurs les plus populaires, devrait continuer de fonctionner puisqu'il a déjà assoupli sa politique en matière d'affichage de publicités. Mais cela a aussi conduit de nombreux utilisateurs à s'en détourner et à opter pour des bloqueurs plus restrictifs. 

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En réalité, il y a aussi un argument commercial dans cette décision. Google tire une très large partie de ses immenses revenus de la publicité en ligne. À chaque fois qu’une pub apparaît, Google gagne de l’argent. Donc moins d’adblockers égal plus d’argent. "La stratégie de Google a été de trouver le point optimal entre deux objectifs : développer la base d'utilisateurs de Google Chrome, et empêcher les bloqueurs de contenu de nuire à son activité. Maintenant que Google Chrome est le navigateur dominant, il est désormais mieux placé pour faire basculer le point optimal entre les deux objectifs, ce qui profite à l'activité principale de Google", a ainsi expliqué Raymond Hill, le créateur d'uBlock Origin.

Confort vs. responsabilité

Faut-il pour autant pleurer la mort annoncée des adblockers tels qu'on les connaît ? Certes, il y a des sites qui usent et abusent des publicités envahissantes, notamment les vidéos qui se lancent toutes seules ou bien les fenêtres qui s’ouvrent sans qu’on ait rien demandé (les "pop-up"). Cela rend la navigation très pénible et dans ce cas, les bloqueurs de publicités sont bien utiles car ils fluidifient la navigation. Ils peuvent également protéger des publicités malveillantes ou infestées de virus.

Mais il faut aussi être conscient, en tant qu’internaute, que l’économie du web repose en majorité sur la publicité. Si tant de sites sont aujourd’hui gratuits d’accès, notamment ceux des médias, c’est grâce aux publicités. Et les bloqueurs mettent en danger ce modèle, même si certains laissent la possibilité à l'utilisateur de définir une liste de "sites de confiance" sur lesquels la publicité sera affichée. Entre confort et responsabilité, il faut faire un choix et Google est en train de nous forcer la main.