Faut-il mieux surveiller les réseaux sociaux ?

© AFP / Karen Bleier
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AVIS D'EXPERT - Après les trois attentats de la semaine dernière, la question de la surveillance du Web est revenue sur le tapis. À raison ?

Internet est-il responsable des attentats commis contre Charlie Hebdo, une policière et dans le magasin Hyper Casher ? La réponse est non. Pourtant, le renforcement de la surveillance d'Internet fait partie des pistes annoncées par le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve pour éviter que de tels événements tragiques ne se reproduisent. Peut-on réellement empêcher le terrorisme en augmentant les cybergendarmes ? Quelles sont les mesures envisagées par le gouvernement ? Comment trouver le juste équilibre entre sécurité en ligne et sécuritarisme ?

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Ce que le ministre de l'Intérieur a annoncé. Quelques minutes avant la marche républicaine en compagnie de nombreux chefs d'États du monde entier, dimanche, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a rencontré ses homologues de onze nations européennes ainsi que le ministre américain de la Justice Eric Holder. Il y a évoqué le renforcement de la lutte contre le terrorisme notamment sur Internet. Le locataire de la Place Beauvau a déclaré "indispensable" le partenariat avec les opérateurs Internet pour identifier et retirer rapidement les "contenus incitant à la haine et à la terreur". Aucune mesure concrète n'a été annoncée mais un projet de loi dans ce sens devrait voir le jour dans les mois à venir.

Pourquoi fermer des sites djihadistes ne servirait à rien. Sans les citer très clairement, le ministre de l'Intérieur a menacé certains sites djihadistes de clôture en cas de propagande terroriste. Une "tentation sécuritaire légitime" pour Guy Mamou-Mani, président du premier syndicat des professionnels du numérique en France (Syntec). "On sait qu'il va falloir trouver des solutions de surveillance. Mais il va falloir aussi trouver un équilibre entre sécurité et sécuritaire", affirme ce spécialiste interrogé par Europe 1. "Le blocage de sites entiers est peu efficace et complique même parfois la surveillance de leurs lecteurs", revendique Benoit Thieulin, président du Conseil National du numérique (CNN)  interrogé par le portail PetitWeb.fr. D'autant que fermer des sites "va à l'encontre des libertés", rappelle Guy Mamou-Mani.

Faut-il renforcer les effectifs de cybergendarmes ? Une telle décision pourrait rassurer l'opinion publique mais n'aurait que peu d’incidence sur le terrorisme, d'après le président du Syntec. "On a besoin de gendarmes en ligne mais il ne faut pas faire les bisounours. Rajouter des gendarmes derrière des ordinateurs ne changera rien : on a déjà beaucoup de lois de protection contre le terrorisme en ligne", assure ce spécialiste du numérique. La loi de programmation militaire, qui avait provoqué une levée de bouclier fin 2013, permet déjà de saisir des données en ligne sans avoir à passer par un juge.

"Garantir une utilisation sereine du numérique". Guy Mamou-Mani se veut malgré tout optimiste : "J'ai la conviction que nous ne développerons le numérique que si nous réglons ces problèmes de sécurité." Quelle est la bonne recette pour un Internet plus sûr, alors ? "Un certain nombre de règles mais également des procédés judiciaires forts", clame le président du syndicat professionnel. "Sur Internet, il faut adopter les mêmes règles que dans la rue : les pédophiles, les terroristes, cela fera toujours peur. Mais il ne faut pas pour autant ériger plus de règles que dans le civil", conseille Guy Mamou-Mani.

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Les réseaux sociaux comme clé de voûte de la sécurité en ligne ? Benoit Thieulin, à la tête du CNN, prodigue lui d'"échanger, converser, faire de la pédagogie" sur les réseaux sociaux notamment, plutôt que de simplement faire retirer des contenus illicites ou problématiques. "Il ne faut pas sous-estimer les outils déjà existants de modération" des réseaux sociaux, affirme ce dirigeant d'une agence de communication numérique. Facebook, Twitter et autres Google+ offrent "offrent déjà des possibilités bien plus souples et bien plus adaptées que le blocage", assure-t-il. Reste à savoir si le gouvernement souhaitera aller plus loin.