Ronaldo, Benzema, Kanté... Pourquoi l'Arabie saoudite passe à l'offensive pour attirer les stars du football

Karim Benzema s'est engagé avec le club d'Al-Ittihad en Arabie saoudite.
Karim Benzema s'est engagé avec le club d'Al-Ittihad en Arabie saoudite. © AFP PHOTO / HO / SAUDI PRO LEAGUE
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Romain Rouillard / Crédit photo : AFP PHOTO / HO / SAUDI PRO LEAGUE
Ce mardi, le club saoudien d'Al-Ittihad a officialisé la signature de Karim Benzema, lauréat du Ballon d'or en 2022. Et s'apprête également à accueillir N'Golo Kanté, champion du monde avec les Bleus en 2018. La monarchie pétrolière entend faire du football une nouvelle arme de son soft power.

Et si l'Arabie saoudite devenait le nouvel eldorado du football mondial ? L'opération séduction de la monarchie pétrolière auprès des stars du ballon rond semble, en tout cas, porter ses fruits. Ce mardi, Karim Benzema a officiellement rejoint le club d'Al-Ittihad, basé à Djeddah sur les bords de la mer Rouge. Et plusieurs sources, dont l'AFP, indiquent que N'Golo Kanté, champion du monde en 2018 avec les Bleus et véritable chouchou du public français, va lui emboîter le pas. Les deux Tricolores vont donc rejoindre un championnat dans lequel évolue déjà un certain Cristiano Ronaldo. Le quintuple Ballon d'or portugais avait cédé aux sirènes du club d'Al-Nassr l'hiver dernier.

 

Du "sportwashing" mais pas seulement 

Autant de stars qu'il a fallu convaincre de signer dans un championnat a priori anonyme et dénué de véritable intérêt sportif. Sans surprise, l'argument financier a joué un rôle prépondérant. Karim Benzema devrait ainsi toucher la très coquette somme de 200 millions d'euros nets par saison. Une politique du chéquier qui permet à Riyad de déployer une stratégie bien plus globale. "Faire venir ces grands athlètes, c'est s'acheter une image, une crédibilité, une réputation. Cela peut permettre d'attirer des investisseurs et d'améliorer les relations géopolitiques avec d'autres États", explique Lukas Aubin, directeur de recherches à l'IRIS, en charge du programme sport et géopolitique. Car l'Arabie saoudite pâtit toujours d'une image ternie par son respect tout relatif des droits humains. 

Mais ce "sportwashing", autrement dit l'utilisation du sport pour gommer une forme d'impopularité sur la scène internationale, n'est qu'une simple pièce dans le puzzle saoudien. Attirer de grands joueurs au sein de son championnat local participe au projet Vision 2030, présenté par le prince héritier Mohammed Ben Salmane en novembre dernier. Un vaste plan de développement qui doit permettre à l'Arabie saoudite de diversifier son économie et de sortir progressivement de la dépendance au gaz et au pétrole dont les ressources finiront par se tarir. 

Une question de "fierté nationale" 

Le sport figure donc parmi les secteurs que Riyad souhaite faire grandir, tout comme le tourisme. Deux domaines intimement liés. La star argentine Lionel Messi est, en effet, lié par un contrat faisant de lui l'ambassadeur du tourisme en Arabie saoudite. "L'aura sportive des grands joueurs permet ainsi de valoriser d'autres secteurs dans le cadre de l'économie post-pétrolière", résume David Rigoulet-Roze, chercheur associé à l’IRIS, spécialiste de la péninsule arabique. 

À travers ces recrutements de stars à tour de bras, Riyad souhaite également devenir une nation crédible dans la sphère sportive internationale. "Ce n'est pas seulement une stratégie vis-à-vis de l'extérieur. Il s'agit de créer quelque chose de valorisant en terme de fierté nationale pour les Saoudiens", explique David Rigoulet-Roze. Une stratégie qui diffère ainsi de celle adoptée il y a quelques années par le voisin qatari. "Pour le Qatar, l'idée était plutôt d'acheter des clubs et de développer des médias sportifs à l'image de BeIN Sports. L'Arabie saoudite le fait aussi - on l'a vu avec Newcastle dans le championnat anglais - mais elle veut également créer une ligue saoudienne qui soit crédible sportivement", poursuit le chercheur. 

Créer une "culture sportive"

Car Riyad songe également à l'avenir. Si la monarchie pétrolière a déjà obtenu l'organisation des Jeux asiatiques d'hiver en 2029, elle lorgne la Coupe du monde de football en 2030 et, à terme, les Jeux olympiques. "Si l'Arabie saoudite veut organiser la Coupe du monde et faire un meilleur résultat que le Qatar (trois défaites en autant de matches en 2022, NDLR), il lui faut créer une vraie culture footballistique", indique Lukas Aubin. Et, plus largement, "une culture sportive", appuie David Rigoulet-Roze. "Avec l’idée de susciter des vocations mais aussi une pratique sportive. Et que le sport devienne attractif pour les Saoudiens."

Et les instances du football saoudien ne comptent pas s'arrêter en si bon chemin puisque l'ancien capitaine des Bleus Hugo Lloris fait partie des cibles du club d'Al-Hilal qui, selon The Times aurait proposé près de 450.000 euros par mois au portier de Tottenham. Si Lionel Messi semble plutôt prendre la direction de l'Inter Miami, les noms de Luka Modric, Sergio Ramos, Angel Di Maria ou encore Romelu Lukaku sont régulièrement évoqués. De quoi donner fière allure à un championnat de l'ombre, propulsé en pleine lumière.