Michel Denisot : «Je ne sais pas ce qu'il se passe lors des remontées de l'adversaire»

Michel Denisot
Michel Denisot est l'invité d'Europe 1 Sport. © GUILLAUME SOUVANT / AFP
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Colin Abgrall , modifié à
Ancien président du PSG et ancien grand dirigeant du groupe Canal+, Michel Denisot a accepté de répondre aux questions de l'éditorialiste Jacques Vendroux, de Lionel Rosso et du chef du service des sports d'Europe 1, Jean-François Pérès. Un entretien de 30 minutes diffusé en intégralité dans "Europe 1 Sport".

Actuel président du club de la Berrichonne de Châteauroux (de 1989 à 1991, de 2002 à 2008 et depuis mars 2021), qui évolue en division national, Michel Denisot est le nouvel invité exceptionnel d'Europe 1 Sport. Président du PSG de 1991 à 1998 et avec qui il a remporté une Coupe d'Europe, l'Indrois de 76 ans évoque son passage dans le club de la capitale, la situation actuelle après l'élimination en Ligue des Champions mercredi soir face au Real Madrid et les différences entre le Paris Saint-Germain de son époque et l'équipe actuelle.

Suis-t-il toujours l'actualité du PSG ? "J'aime le foot et j'aime le jeu"

"Oui. J'ai été sept ans à la tête du club. Ça fait longtemps, mais j'ai gardé un attachement à ce club un peu particulier. Donc, je suis souvent les matchs, aussi parce que j'aime le foot et que j'aime le jeu. Il y a aussi une qualité dans l'effectif qui fait que quand on aime le foot, on a envie de regarder. C'est les joueurs qui sont au PSG, en particulier Mbappé, Neymar et Messi."

Le jour où il est devenu président du Paris Saint-Germain : "Je ne m'y attendais pas du tout"

"C'était en 1991. C'était au siècle dernier et il y a eu une volonté d'André Rousselet, Pierre Lescure et Charles Biétry à l'époque, de venir secourir le PSG, qui était en cessation de paiement, en difficultés financières et Bernard Brochand, qui était au club du PSG à l'époque, avait fait le tour des repreneurs possibles. Jacques Chirac, le maire de Paris, lui avait dit que la mairie n'allait pas renflouer tous les ans le club et qu'ils devaient trouver un repreneur. Bernard Brochand a fait le tour de repreneurs potentiels. A l'époque, il est venu à Canal, et le championnat de France de foot était un feuilleton pour la télévision, avec des personnages. Et le Paris-Saint-Germain était un personnage important dans le feuilleton avec l'OM.

Donc, la chaîne a décidé, pour les abonnés dans un premier temps, pour préserver ce feuilleton, de sauver le PSG, de le racheter. Et puis moi, je n'étais pas du tout dans la boucle de toutes ces négociations et il y a eu une réunion après avec André Rousselet, à laquelle j'ai été convié. On était une dizaine. Et puis il a fait le tour de la table : Qui va être président ? Charles (Biétry), je pense qu'il avait envie de l'être. Mais il était patron des sports, déontologiquement, ce n'est pas possible d'être à la fois patron des sports et président d'un club de foot.

Moi, je ne m'y attendais pas du tout, j'étais président de Châteauroux à l'époque. J'ai une petite expérience à ce moment-là, donc, il me dit que ce serait bien que vous soyez président du PSG. J'ai dit que j'allais réfléchir et il me dit 'À votre place, je dirais oui.' Donc je dis oui et je suis rentré chez moi le soir. Je dis à ma femme que j'étais président du PSG, ce qui n'était pas du tout prévu dans notre vie familiale parce que ça perturbe aussi la vie après."

Son analyse de l'arrivée des Qataris au PSG : "C'est bon pour le club"

"Je n'étais plus dans le circuit. J'ai arrêté en 98. J'ai pensé que c'était une bonne chose. On enviait toujours les clubs anglais avec des gros investisseurs étrangers comme Chelsea, comme Manchester... Et arrive en France cette possibilité. Effectivement, c'est bon pour le club parce qu'il est entré dans une ère différente au point de vue des moyens, qui sont colossaux."

Comment aurait-il managé l'équipe du PSG d'aujourd'hui ? "Je ne sais pas ce qui se passe à l'intérieur"

"Je ne sais pas. C'est une philosophie peut-être différente, des objectifs différents, des ambitions différentes. Pourquoi ils sont là et qu'est ce qu'ils veulent faire ? Moi, je n'en sais rien. Je ne suis pas à l'intérieur. Quand j'étais à l'intérieur du PSG, j'ai suffisamment entendu de points de vue catégoriques de gens qui ne savaient pas ce qui se passait. Je ne sais pas ce qui se passe à l'intérieur. Je ne sais pas ce qui se passe dans ces matchs où il y a des remontées incroyables de l'adversaire. C'est ça qui est étrange dans cette équipe. Je ne sais pas pourquoi."

Le PSG des années 90, plus marquant que celui d'aujourd'hui ? "Les joueur ne changeaient pas de clubs tous les quatre matins"

"Oui, peut-être. Avec le recul, on voit que les joueurs qui ont le plus marqué cette époque-là, c'est quand même Raï et (David) Ginola, Bernard Lama. J'ai eu la chance qu'à l'époque, les joueurs ne changeaient pas de club tous les quatre matins. Les sept ans où j'étais au PSG, la moitié de l'effectif a fait sept ans avec moi. Ça renforce une équipe. Je pense qu'aujourd'hui, on voit des joueurs qui marquent un but qui mettent la main sur le maillot, qui montre le logo puis le lendemain, ils s'en vont. C'est absurde. C'est un peu enfantin, mais à l'époque, il y avait plus d'attachement de la part des joueurs au club dans lequel ils étaient.

Je crois que ça peut expliquer certaines différences dans les matchs. On a connu des moments assez forts à cette période-là, mais ce qui manque aujourd'hui, c'est les victoires, les victoires en Coupe d'Europe et les grands parcours de Coupe d'Europe. Des renversements spectaculaires. Lors de PSG-Real, je pense que ce soir-là, on a fait plaisir à tous les amateurs de foot, de tous les clubs, de tous les supporters, parce que c'est l'émotion qui était très forte.

Renverser une montagne et de gagner dans les arrêts de jeu, c'est quelque chose qui n'existe pas au cinéma, qui n'existe pas sur Netflix, qui n'existe que dans le sport et dans les grands moments du sport. Il n'y a pas une journée dans Paris où il n'y a pas trois personnes qui marchent dans la rue pour me parler du PSG. Donc, c'est vrai que ça reste dans les mémoires. Je ne m'en rendais pas compte quand j'y étais."

Un manque d'ADN au PSG ? "Il y avait une identification, un lien entre le public et l'équipe"

"Dans les années 90, quand on est allé jouer à Madrid avant le match retour, J'ai dit 'Là, on est vraiment dans un autre monde. Là, ça va être compliqué.' Et effectivement, on a perdu 3-1 et au retour, on avait cette chaleur-là au Parc. Après, tout n'était pas parfait dans le public à ce moment-là non plus. Mais on avait quelque chose. Il y avait une identification, un lien entre le public et l'équipe qui était très fort et c'est très utile. Ça fait la force de Marseille, ça fait la force de Saint-Etienne, ça fait la force de Lens aussi et évidemment que ça joue. Ce n'est pas ça qui renverse les montagnes, mais ça joue."

Pourquoi cette passion pour le football ? "C'est la passion de mon père"

"C'est quelque chose de très personnel et très intime. En fait, c'est la passion de mon père. Mon père est mort quand j'étais tout petit et j'ai décidé plus tard qu'à travers cette passion, il serait avec moi. La vraie raison, c'est ça. Mon père avait deux passions, c'était l'automobile et le foot. Et il est mort quand j'avais 5 ans. Il était garagiste dans un village de l'Ain et jouait au foot le dimanche avec la moitié de ma famille.

En fait, j'ai décidé quand je suis devenu dirigeant à Châteauroux, j'ai dit 'Là, maintenant, il est avec moi, tout le temps. Ça n'a pas toujours été très présent dans ma vie. Quand je me suis marié, je n'étais pas du tout dans le foot. Je n'allais même pas voir de matchs. Ma femme n'a pas réalisé qu'elle se mariait avec quelqu'un qui aimait le foot à ce point-là. C'est un fil rouge dans ma vie, c'est une passion. J'aime les émotions, j'aime la compétition. J'aime toutes les compétitions dans la vie. Quand on fait de la télé ou de la radio au quotidien, comme j'en ai fait pendant longtemps. Tous les matins, à 9h05, il y a les audiences qui tombent, on fait des matchs tous les jours et c'est fantastique."

Sur sa candidature de président de la Ligue : "Vincent Labrune fait ça très bien"

"Je pense que c'était un mal pour un bien pour moi, parce que je ne suis pas sûr que j'étais forcément l'homme de la situation vu le conseil d'administration qui était là. Il y avait 25 votants. J'ai eu 10 voix, Vincent (Labrune) en a eu 15. C'était clair. Pendant deux jours, j'étais dans l'incompréhension. Et puis aujourd'hui, je suis très content parce que je trouve que Vincent fait ça très bien. Je suis à un âge où je suis content aussi d'avoir un peu de temps pour moi. Je suis grand-père. Et puis, j'aime bien avoir des activités diverses et président de la Ligue aujourd'hui, il faut se donner à 200%. La création de la société commerciale, c'est un gros challenge qui, je pense, va être réussi. C'est très bien, très bon pour le foot."

La relation entre la LFP et Canal + : "Un passage compliqué"

"Je suis étonné souvent de voir les matchs de Ligue 1 sur Canal+ Décalé et pas sur Canal+. Il y a eu un passage compliqué entre Canal+ et la Ligue. J'étais à la Ligue au moment de l'appel d'offres où Canal+ a tout perdu en une matinée, tout s'est fait dans les règles. Donc après, est-ce qu'on doit ne pas respecter les règles pour privilégier des gens qui sont là depuis plus longtemps ? C'est une question philosophique."

Les regrets de sa carrière : "On aurait pu être champion une fois de plus"

"À chaque fois qu'on perd un match, on est déçu. J'en ai perdu quand même un paquet. Déception sur la deuxième finale de Coupe d'Europe (En 1997, 1-0). Je pense qu'on n'y a pas assez cru contre Barcelone et on perd sur un pénalty de Ronaldo, le Brésilien. Après, je pense qu'on aurait pu être champion une fois de plus aussi l'année où on a gagné la Coupe d'Europe (en 1996). Sinon, après, dans les joueurs qu'on a pris, ceux qu'on n'a pas pris, on fait toujours des erreurs."

Sur son arrivé à Châteauroux : "Ma mère avait ouvert le journal et j'étais président"

"Je suis devenu président de Châteauroux en 88. J'allais aux matchs. L'équipe était en troisième division et le président de l'époque s'appelle Claude Jamet qui portait le club à bout de bras. Et puis, un jour, je vais aux matchs et il me dit 'Ce serait bien que vous nous rejoigniez un jour dans le club.' Je dis 'Oui, oui, d'accord.' Puis je rentre à Paris, j'étais à Canal à l'époque. Et ma mère m'appelle trois jours après, elle avait ouvert le journal et j'étais président du club. Il ne m'a rien dit et c'est comme ça que ça a commencé."

Sur l'arrivée de Yannick Noah au PSG : "Il a eu sa part dans la victoire"

"Alors on est à 15 jours de la finale (Contre le Rapid Vienne, en 1996). Une finale, c'est spécial. Ce n'est pas un match, c'est un événement. Le club n'a jamais gagné de Coupe d'Europe. Et je suis à la campagne chez moi, dans l'Ain, sur mon petit tracteur. Je me dis qu'est-ce que je pourrais faire pour apporter un plus dans les 15 jours qui viennent avant la finale ? Et donc, je pense à Yannick Noah. J'ai toujours pensé que quand on voulait atteindre un objectif, l'idéal, c'était de confier les clés à quelqu'un qui l'avait déjà atteint. Il a gagné à Roland-Garros et donc, il a ce truc de la victoire.

Je savais son attachement au foot. Et puis je l'appelle. Je lui dit 'Est-ce que vous viendriez avec nous pendant les 15 jours ? Je ne sais pas comment ça va se passer ou ce que vous allez faire.' Il y avait Jean-Claude Perrin aussi dans le staff avec moi, qui était proche de Yannick. Il m'a dit oui, il est venu avec nous pendant quasiment 15 jours. Il a vécu avec le groupe. Petit à petit, il a dénoué quelques nœuds. Je pense qu'il avait des affinités plus avec certains qu'avec d'autres, notamment avec Ngotty. Et je pense que le coup franc d'Ngotty, il y a un peu de Yannick Noah dedans.

Il s'est fâché une fois, quand on s'est arrêté sur l'autoroute où on partait à Bruxelles et les joueurs ont commencé à manger des saucisses. Il était très à cheval sur la diététique et il avait raison. Il faisait ce qu'il voulait, il passait du temps avec tel ou tel joueur, avec tel ou tel groupe. Après, il me donnait un peu son avis, son ressenti et à la fin, on a gagné. Quand on gagne, c'est tout le monde qui gagne. Voilà, quand on perd, c'est le président et l'entraîneur. Il a eu sa part dans la victoire, bien entendu."