ÉDITO - En Arabie Saoudite, "le sport peut faire bouger les lignes"

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Virginie Phulpin , modifié à
Le Dakar et la Supercoupe d'Espagne se disputent actuellement en Arabie Saoudite. Des choix très critiqués en raison de la situation des droits de l'Homme dans ce pays, mais ces compétitions peuvent permettre de faire avancer les droits des citoyens et des citoyennes saoudiens, analyse Virginie Phulpin dans son édito sport.
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Les compétitions sportives de haut niveau doivent-elles être organisées en Arabie Saoudite ? La question se pose de nouveau alors que le Dakar et la Supercoupe d'Espagne se disputent dans le royaume ces jours-ci. Les critiques émanent notamment des associations de défense des droits de l'Homme, pour qui ces grands raouts relèvent de l'hypocrisie. Pour notre éditorialiste sport Virginie Phulpin, "il faut quand même aller disputer des compétitions sportives en Arabie Saoudite, mais pas à n’importe quelle condition", défend-elle sur Europe 1 mercredi matin.

"En ce mois de janvier, le centre névralgique du sport mondial se situe… en Arabie Saoudite. La Supercoupe d’Espagne de foot commence mercredi soir, le Dakar est parti dimanche. L'organisation de tels événements place le royaume sous le feu des projecteurs, tandis que les défenseurs des droits de l’Homme protestent. Cela montre que le sport doit élargir l'horizon de la pure compétition, et devenir plus citoyen.

Le sport ne peut plus être totalement hors-sol, on n’est plus en 1978. À ce moment-là, toute la planète football s'était retrouvée à la Coupe du monde en Argentine, en pleine dictature du général Videla. Et personne ou presque ne trouvait rien à redire. Parce qu’après tout, ça n’était que du sport. Mais le monde a changé, et aujourd'hui l'opinion publique demande des comptes. Et tant mieux, parce que ça ne cantonne plus le sport aux victoires, défaites et records.

Là, les stars du foot se bousculent en Arabie Saoudite. Après Cristiano Ronaldo en décembre, voilà Lionel Messi, pour participer à la Supercoupe d’Espagne. Et ça fait du bruit, comme pour les pilotes du Dakar. Est-ce qu’on peut organiser des événements sportifs dans un pays aussi peu respectueux des droits de l'Homme ?

Cette question prend aujourd'hui plus de place que les compétitions elles-mêmes, et c'est tant mieux. Ça me semble essentiel de réfléchir au rôle du sport dans la société, et au message envoyé au monde. Quand la Supercoupe d’Espagne a été annoncée à Riyad, la TVE, la télé publique espagnole, a tout de suite dit 'stop' en refusant de participer à l'appel d’offres. La chaîne ne voulait pas lutter pour une compétition dans un pays qui ne respecte pas les droits de l’Homme. Je ne suis pas sûre qu’ils aient raison. Mais l’important, c’est de susciter un débat. Et de ne plus voir le sport en vase clos, peu ou pas préoccupé par le monde qui l’entoure.

Le sportif, d'abord un citoyen

Il faut quand même aller disputer des compétitions sportives en Arabie Saoudite, mais pas à n’importe quelle condition. Quand j’entends l’ancien pilote Hubert Auriol dire que les participants au Dakar ne sont pas là pour être les porte-parole des droits de l'Homme parce que ça n’est pas leur rôle, je pense qu’il se trompe lourdement. Ils ne peuvent pas être juste là pour faire vrombir leurs moteurs sur les jolies dunes saoudiennes et oublier les 187 exécutions qui ont eu lieu en 2019 dans le pays. Sinon, ils sont les vecteurs de la communication mise en place par l’Arabie Saoudite. Et ce serait bien d’éviter.

En revanche, on peut dire que le sport peut faire bouger les lignes, et donc qu’il a une utilité en Arabie Saoudite, comme quand les femmes ont été autorisées à aller au stade à Riyad pour la Supercoupe d’Italie. Elles devaient être accompagnées, elles étaient dans une tribune spéciale, donc c'est loin d'être une situation parfaite, mais au moins il y a eu discussion, et avancée microscopique. Pour moi c’est ça, le rôle que doit tenir le sport aujourd'hui. Faire du sport de haut niveau, être organisateur d’événements sportifs, c’est d’abord être citoyen, et l’assumer."