Jean Le Cam est arrivé quatrième du dernier Vendée Globe après 81 jours de course. 1:59
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Laetitia Drevet , modifié à
Jean Le Cam a franchi la ligne du dernier Vendée Globe en quatrième position après une course riche en rebondissements. Début décembre, il avait dévié sa route pour porter secours au skipper Kevin Escoffier, dont le bateau s'était cassé. Il revient sur ce temps fort de la compétition, dimanche, au micro d'Europe 1.
INTERVIEW

C'est une compétition mythique, un tour du monde à la voile en solitaire, sans escale, qui réserve chaque année son lot de rebondissements. 33 skippers avaient pris mi-novembre le départ du Vendée Globe aux Sables d'Olonne. Ils ont bouclé la course au compte goutte entre le 23 janvier et 6 mars. Parmi eux se trouvait Jean Le Cam, doyen de la compétition, qui est arrivé quatrième de sa cinquième édition. Invité dimanche d'Europe 1, il est revenu sur un temps particulièrement fort de son tour du monde en 81 jours : l'impressionnant sauvetage du skipper Kevin Escoffier. "Une situation de détresse totale", se souvient-il, à froid, au micro de Pascale Clark.

Ce lundi-là, la mer était démontée au large du Cap de Bonne-Espérance. Dans l'après-midi, le skipper Kevin Escoffier active sa balise de détresse après avoir signalé une importante voie d’eau. L'appel est transmis à Jean Le Cam, compétiteur le plus proche du naufrage. "Kevin m'avait doublé la veille", se rappelle-t-il au micro d'Europe 1. En pleine nuit, il vire de bord pour partir à son secours. 

"J'imaginais le moment où je ne retrouverais pas Kevin"

À ce moment-là, Jean Le Cam est inquiet. "J'imaginais le moment où je ne retrouverais pas Kevin. J'imaginais le moment où l’organisation de la course allait me dire que l'on arrêtait les recherches, que j'allais continuer ma course avec ce poids-là sur mes épaules pendant un mois et demi. Quand tu imagines cette situation là, c’est une situation de détresse totale. Et puis tu passes de cette détresse au bonheur absolu quand Kevin monte sur le bateau." 

Pour faire monter Kevin Escoffier à bord, Le Cam doit toutefois s'y reprendre à plusieurs fois. Le skipper doit manœuvrer au milieu d'un océan déchainé pour s'approcher au plus près du radeau sur lequel Escoffier l'attend. Il y parvient finalement au petit matin, "après 12 heures d'incertitude". "Ces contrastes très forts entre détresse et bonheur, le Vendée Globe en est plein. Celui-là on aurait aimé l'éviter, mais ça s’est bien fini."

"Le sauvé pense qu'il sera secouru, le sauveur doute est toujours dans le doute"

Douze ans plus tôt, Jean Le Cam avait tenu l'autre rôle. Au cours de l'édition 2008-2009, lorsqu'il chavire au large du Cap Horn, c'est Vincent Riou qui vient à son secours. "On m'a souvent demandé si j'avais ce souvenir en tête quand j'ai secouru Kevin. La réponse est non. À ce moment, mon seul objectif était de récupérer Kevin, mon esprit était complètement orienté là-dessus." D'autant que lors d'un sauvetage, la perspective du sauvé et du sauveur n'est pas du tout la même, explique-t-il. "Pour Kevin, il n'y avait aucun souci, il allait être secouru. C'est le sauvé qui parle, c'était aussi mon cas en 2008-2009. Le sauveur, moi en l’occurrence sur ce coup-là, est dans le doute total."

Mais ses doutes se sont envolés quand il a enfin aperçu Kevin Escoffier. Il s'en souvient aujourd'hui avec philosophie : "L’être humain voit toujours les choses un peu trop en noir. En moyenne, on imagine toujours le pire alors que ça se passe toujours mieux que ce qu’on imagine."