Athlétisme : pourquoi l'affaire de dopage et de corruption est explosive

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Mariya Savinova, vainqueur du 800 m aux JO de Londres, fait partie des athlètes pointés du doigt par l'AMA. © ADRIAN DENNIS / AFP
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avec Agences , modifié à
L'Agence mondiale antidopage accuse la Russie d'avoir mis en place un système de dopage généralisé, avec la complicité de la Fédération internationale, dans un rapport explosif rendu public lundi après-midi. 

Avec un document de 335 pages, l'Agence mondiale antidopage (AMA) a secoué le monde de l'athlétisme. Le rapport rendu lundi par l'AMA, à Genève, accuse la Russie d'avoir contourné les règles en matière de dopage. Surtout, l'institution réclame la suspension des athlètes russes de toutes compétitions officielles, y compris les prochains Jeux Olympiques, à Rio, l'été prochain. L'AMA a par ailleurs pointé du doigt le rôle du gouvernement russe dans ce gigantesque scandale, qui touche une des nations phares de l'athlétisme. La Fédération internationale d'athlétisme (IAAF) n'est pas épargnée par ces révélations. 

Quelles accusations pèsent sur la Russie ? Le rapport dénonce un système de dopage sophistiqué mis en place par la Russie. "Des déclarations de témoins et d'autres preuves ont, semble-t-il, mis en lumière un haut niveau de collusion parmi les athlètes, les entraîneurs, les médecins, les officiels et les agences sportives pour fournir de façon systématique aux athlètes russes des produits dopants afin d'atteindre le principal objectif de l'Etat (...): produire des vainqueurs", est-il écrit. Le texte, extrêmement précis et totalement accablant pour l'ensemble du monde sportif russe, décrit "une culture profondément enracinée de la tricherie". L'IAAF a donné jusqu'à la fin de la semaine à la Fédération russe pour répondre à ces accusations. 

Quelle est l'implication du gouvernement russe ? L'AMA dénonce aussi l'influence du gouvernement russe dans ce scandale. Ces cas de dopage n'auraient "pas pu exister" sans l'assentiment des autorités russes, est-il écrit dans le rapport. Le laboratoire antidopage de Moscou a ainsi détruit 1.417 échantillons sous la pression du gouvernement russe. Le ministre des Sports et le FSB, les services de renseignement, auraient ainsi été les auteurs "d'intimidation directe" sur le laboratoire. Le rapport met également en doute l'indépendance de l'Agence russe antidopage. Le numéro 2 de l'Agence, Nikita Kamaïev, a balayé les accusations de l'AMA, les estimant "infondées", lundi soir.

Quelles conséquences sur l'athlétisme mondial ? Dans son rapport, l'Agence antidopage juge que les Jeux Olympiques de Londres ont été "sabotés" par la présence d'athlètes dopés. Elle recommande la suspension à vie de cinq athlètes russes, dont la championne olympique en titre du 800 m Maryia Savinova. Mais la recommandation la plus spectaculaire est la demande de suspension de la Russie de toute compétition officielle. Le pays est en effet une des nations historiques de l'athlétisme mondial. La Russie a terminé deuxième derrière les Etats-Unis lors des JO de Londres, en 2012, avec 17 médailles, dont huit en or. La Fédération internationale d'athlétisme a lancé dans la foulée la procédure d'application des sanctions, malgré les protestations des autorités russes. Les athlètes russes pourraient donc être privés des JO de Rio, en 2016, ainsi que des championnats du Monde et d'Europe.  

Quel rôle a joué l'IAAF ? La publication de ce rapport intervient quelques jours après la mise en examen pour corruption passive et blanchiment aggravé de plusieurs responsables de la Fédération internationale d'athlétisme, dont l'ancien président de l'IAAF Lamine Diack. Ils sont accusés d'avoir touchés des pots-de-vin, principalement de la Russie, en contrepartie de la couverture de pratiques dopantes. "Nous avons potentiellement affaire à un groupe d'hommes qui se sont mis de grosses sommes d'argent dans les poches en pratiquant l'extorsion ou en réclamant des pots-de-vin, mais qui ont aussi provoqué des modifications significatives aux résultats réels et aux classements des compétitions internationales", a déclaré un des coauteurs du rapport, Richard McLaren, un professeur de droit canadien. L'organisation internationale de police Interpol a annoncé lundi qu'elle allait coordonner l'enquête mondiale sur cette affaire de corruption présumée.