Soupçons de conflit d'intérêts à l'IAAF : un "problème de gouvernance" pour Stéphane Diagana

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Stéphane Diagana estime que l'IAAF doit se réformer pour éviter les problèmes de gouvernance. © Stéphane SAMSON/AFP
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Emile Bonnaud et , modifié à
RÉACTION - Le champion du monde tricolore, qui connaît bien les arcanes de l'IAAF, revient sur les soupçons de conflit d'intérêts qui pèsent sur Sebastian Coe.
INTERVIEW

La Fédération internationale d'athlétisme (IAAF) vit actuellement des jours compliqués. Une dizaine de jours après avoir suspendu provisoirement pour dopage la Russie, deuxième nation au classement des médailles lors des derniers Jeux olympiques, c'est cette fois à son président élu en août dernier, le Britannique Sebastian Coe, de se retrouver au cœur de la tourmente. En cause : un mail exhumé par la BBC qui laisse entendre que le double champion olympique du 1.500 m aurait pu faire du lobbying pour que Eugene, la ville de Nike avec lequel il est sous contrat, accueille les Mondiaux 2021. Champion du monde du 400 m haies en 1997 et voix qui compte dans l'athlétisme français, Stéphane Diagana relève au micro d'Europe 1 les problèmes que soulève aujourd'hui la mise en cause de Sebastian Coe.

"Quelle est votre réaction à ces accusations de conflit d'intérêts visant Sebastian Coe ?
Sur le risque de conflit d'intérêts, la question lui avait été posée au moment de sa prise de fonctions puisqu'effectivement, il collabore avec Nike. Il avait jugé que ça ne posait pas de problèmes... Je sais qu'il doit être entendu pour s'expliquer de ce potentiel conflit d'intérêts. Il va y avoir enquête. Mais cette affaire pose la question du statut de président et du statut de ces associations qui, aujourd'hui, gèrent des budgets colossaux et qui, en termes de gouvernance, n'ont pas réalisé les réformes qui s'imposent. Peut-être qu'il faudrait des présidents qui soient officiellement payés par les fédérations à des montants qui correspondent à leur surface financière. Ça offrirait plus de transparence (Sebastian Coe ne touche rien de l'IAAF. Il est en revanche rémunéré à hauteur de 142.000 euros par Nike, ndlr).

Est-ce que Sebastian Coe est toujours l'homme de la situation pour l'IAAF ?
Ca tombe très mal, à un moment où on a besoin d'un homme fort sur une question essentielle, celle du dopage. On est dans un copier-coller avec ce qui se passe à la Fifa avec Michel Platini, qui devait être lui aussi l'homme providentiel pour l'institution. Après, il ne faut pas être dupe, il y a des des manœuvres politiques qui font émerger certaines choses... Mais, dans un cas comme dans l'autre, si on arrive à prouver qu'il y a eu des conflits d'intérêts ou des malversations, ça va fragiliser malheureusement la reprise en mains de ces deux fédérations importantes du sport mondial. Les statuts de ces associations ne sont pas adaptés aux enjeux. Elles sont aujourd'hui dépassées, donc il peut y avoir parfois des malversations ou une incapacité à bien gérer les situations en toute honnêteté.

Est-ce que Sebastian Coe a péché par naïveté dans son rapport avec Nike ?
Sa réaction quand on l'a interrogé sur son rôle chez Nike m'a surpris. Quand on doit répondre à des appels d'offre pour des renouvellements de partenariat dans une grande fédération, on peut effectivement dire qu'on ne vote pas. Mais, malgré tout, quand on est à la tête d'une institution comme l'IAAF, on a de l'influence au-delà du vote, par les discussions, par les relations qu'on peut avoir. Même sans voter, on peut peser. C'est difficile de considérer que l'on puisse être à l'abri d'un conflit d'intérêts quand on travaille avec une équipementier et qu'on est à la direction d'une grande fédération. Sa décision m'avait surpris mais néanmoins, je l'ai comprise dans le sens où il avait besoin de garder des activités professionnelles rémunératrices. On en revient au problème de gouvernance et de rémunération adaptées aux enjeux. Ce sont des questions récurrentes qui ne sont pas traitées et qui émergent ici de façon saillante."