Sotchi : le sort des ouvriers inquiète

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Rémi Bostsarron et , modifié à
JO -

Les associations humanitaires dénoncent l'exploitation des ouvriers sur les chantiers.

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A 100 jours de l'ouverture des prochains Jeux olympiques d'hiver, le 7 février 2014, les autorités russes ont tenu à marquer le coup, mercredi, avec une fête organisée à Moscou mais aussi la présentation, à Sotchi, de l'uniforme officiel des JO. Sur place, l'événement, qui coûtera 36 milliards d'euros (un record), commence à prendre définitivement tournure. "Nous arrivons au bout", a estimé Jean-Claude Killy, président de la commission de coordination des Jeux olympiques au Comité international olympique (CIO). "Les Russes seront prêts. Ils ont réalisé des travaux herculéens." "Ils", ce sont aussi les milliers d'ouvriers venus des pays voisins...

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Depuis l'obtention des JO en 2007, la ville de Sotchi s'est littéralement transformée : un aéroport flambant neuf, un parc olympique avec cinq bâtiments ultramodernes, des routes, des échangeurs et une nouvelle gare, impressionnante construction en verre (photo), que le président russe, Vladimir Poutine, a inaugurée mercredi. "Il faut bien voir qu'ils ont construit en cinq-six ans ce qu'on a mis 20 ou 30 ans à faire en France, donc ce sont des chantiers énormes avec beaucoup de monde, on n'a pas l'habitude de ça en Europe", souligne Jean-François Blas, de la compagnie des Alpes, entreprise française choisie pour gérer la station de ski. Et dans ce "beaucoup de monde", il y a près de 60.000 ouvriers, dont le traitement fait aujourd'hui polémique.

Human Rights Watch dénonce les conditions de travail :

 
Communiqué de Human Rights Watch sur les JO de Sotchi publié par Redaction_Europe1

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Dans un récent communiqué, l'association de défense des droits de l'homme Human Rights Watch, s'appuyant sur les témoignages de 66 ouvriers migrants, dénonce : "des douzaines de ces travailleurs ont été victimes d’abus et d‘exploitation alors qu’ils travaillaient sur des sites olympiques clés". Absence de contrats de travail, nombre excessif d'heures, paiement partiel, retard voire absence total de salaires : telles sont les principales entorses au droit du travail relevées par HRW. En signe de protestation, certains ouvriers ont entamé des grèves de la faim ou se sont même cousu la bouche...

"0,43% de l'emploi" pour Killy

Interrogé sur ce dossier mercredi, Jean-Claude Killy, qui effectuait son 36e voyage à Sotchi, a répondu que "les 250 personnes qui ont connu des difficultés à se faire payer représentaient 0,43% de l'emploi sur tous les chantiers à ce moment-là". "Sur des centaines d'entreprises, une ou deux ont fait faillite et ont laissé des gars sur le carreau. Nous avons alerté le plus haut sommet de l'Etat", a-t-il par ailleurs certifié.

Mais Human Rights Watch dénonce une situation qui va bien au-delà du non-respect du droit du travail. En effet, les autorités russes auraient décidé, dans la perspective des JO, de "nettoyer" les rues de Sotchi en forçant les migrants, notamment ceux venus du Caucase ou d'Asie Centrale, à quitter la ville. "C'est surréaliste, il y a une décision de la cour de la région de Sotchi qui exige de ses travailleurs de quitter la région", souligne Jean-Marie Fardeau, porte-parole de HRW. "Il y a des situations de détention déplorables pour des centaines de travailleurs migrants priés de partir." Selon Mémorial, une ONG russe de défense des droits de l'homme, une vingtaine de travailleurs immigrés seraient expulsés de Russie en moyenne chaque jour.