Retière, quoi de neuf, Doc ?

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Propos recueillis par Morgan BESA (avec S.L.) , modifié à
En retrait avec Emile Ntamack, son homologue des lignes arrières, depuis que Marc Lièvremont a été conforté dans ses prérogatives, Didier Retière, l'entraîneur des avants du XV de France, reste le grand artisan d'une mêlée tricolore chahutée à Twickenham. Des "gros" qui se doivent une revanche alors que se présente l'autre référence du Tournoi dans le domaine, l'Italie, samedi, à Rome.

En retrait avec Emile Ntamack, son homologue des lignes arrières, depuis que Marc Lièvremont a été conforté dans ses prérogatives, Didier Retière, l'entraîneur des avants du XV de France, reste le grand artisan d'une mêlée tricolore chahutée à Twickenham. Des "gros" qui se doivent une revanche alors que se présente l'autre référence du Tournoi dans le domaine, l'Italie, samedi, à Rome. Twickenham dans le rétro: "Ça va rendre l'équipe plus forte " "(ironique) Face aux Anglais, l'arbitrage a suscité quelques soucis d'interprétation, dira-t-on. Le problème, c'est qu'on n'a pas forcément la même que l'arbitre. Mais comme c'est lui qui décide... Plus sérieusement, ça fait malgré tout partie des aléas du jeu et on a, je pense, manqué un peu d'adaptation. Je crois que les joueurs ont été assez déstabilisés par les décisions qui ont été prises. Pour une fois, on a eu des attitudes qui ont été sanctionnées, à l'inverse de ce qu'elles l'ont été habituellement. Ça fait partie encore de l'expérience qu'on continue à bâtir et ça va rendre l'équipe un peu plus forte. Après les statistiques sont ce qu'elles sont, l'Angleterre est l'équipe qui va le plus sol et compte le plus de mêlées effondrées. Alors soit ils sont très forts et tout le monde effondre contre eux, ou alors ils sont moins forts et ce sont eux qui tombent. Ce qui est assez paradoxal, c'est qu'on n'est pas trop réputés pour avoir une mêlée qui ne tienne pas trop... Mais bon, c'est pratiquement du passé aujourd'hui..." L'Italie, autre référence: "La mêlée qui nous ressemble le plus" "C'est certainement la mêlée qui nous ressemble le plus. Entre l'Italie, l'Argentine et la France, on est vraiment sur des nations qui ont une grosse culture de cette phase de jeu pour lesquelles c'est une épreuve de force importante avec des effets psychologiques qui lui sont liés. Ce sera un match très important de ce point de vue-là parce que pour moi, cette mêlée italienne figure dans les meilleures du monde, il n'y a aucune contestation possible là-dessus. Castrogiovanni, Parisse, Dellape, ce sont des joueurs qui méritent le respect et ils sont d'ailleurs respectés sur tous les terrains du monde." Une mêlée forte, pour quoi faire ? "Un choc des cultures" "Cette réflexion autour d'une mêlée forte et de sa nécessité, parfois remise en cause par certains, pour faire reculer son adversaire, nous l'avons en permanence. Il y a une forme de choc de cultures... Je l'avais dit à des journalistes australiens avant le match de l'automne contre l'Australie. On a dans l'hémisphère sud des joueurs de rugby, qui vont être spécialisés pour devenir des joueurs de mêlée, mais qui sont d'abord des joueurs de rugby, qui courent, qui plaquent et qui font des passes. Là où, nous, en Europe et en particulier en France, on a d'abord des joueurs de première ligne qu'on va faire devenir ensuite des joueurs de rugby. On est dans ce choc de cultures et c'est vrai que le rugby international, qui est aujourd'hui orienté vers le jeu de mouvement et le plus de rythme possible, on a parfois des joueurs très bons en mêlée, mais qui n'ont pas les compétences suffisantes pour jouer au niveau international. On est toujours dans ce dilemme et la difficulté à la fois pour sélectionner les joueurs et pour travailler. En effet, on doit avoir une quinzaine de mêlées par match, 150 rucks, du déplacement et tout est de savoir où on place le curseur... Je pense qu'on avance là-dessus et j'ai le sentiment que face à l'Angleterre, on a eu des joueurs qui se sont beaucoup impliqués dans le jeu de mouvement et en défense. Avec encore de petites lacunes, mais on a fait une grosse première période, même si ça s'est un petit peu déréglé après le repos. Il y a vraiment beaucoup de choses positives de ce point de vue-là." Apprendre de la défaite... "Culturellement très français..." "C'est culturellement très français, il faut être dans l'échec pour apprendre. On a certainement plus appris de la défaite face à l'Australie que de la victoire dans le Tournoi du Grand Chelem. C'est un peu dommage de devoir attendre d'être dans l'échec pour pouvoir avancer et changer des choses... Nous sommes des affectifs et on a toujours ce côté quand on gagne à s'endormir et quand on perd à se révolter. On a toujours à se faire violence pour se montrer plus pragmatique, on se bagarre là-dessus depuis quatre ans et ce qui explique, malheureusement, dans toute l'histoire du rugby français ces résultats en dents de scie avec des performances extraordinaires, mais aussi des défaites extraordinaires. C'est certainement le gros travail de fond à mettre en oeuvre et, c'est vrai, qu'on s'inspire beaucoup de l'équipe de France de handball. On est dans la même logique qu'eux, il leur a fallu beaucoup de temps pour construire cette base de jeu très pragmatique et en même temps très ambitieuse. On est dans cette lignée, mais c'est de longue haleine..." Sous le feu des critiques: "Ça montre que le rugby est important" "Ça montre que le rugby est important et que ça tient à coeur à beaucoup de monde. Après, on est concentré sur notre projet, il faut continuer à avancer, il y a plein de choses qu'on ne maîtrise pas dans notre environnement. Nous, on agit sur les quelques leviers qu'on contrôle, le jeu qu'on produit, notre action avec les joueurs, le boulot qu'on met en oeuvre. Après les critiques... On est tous assez différents là-dessus, certains vont être plus touchés par le regard que portent les médias sur eux. On n'a pas la sensation que les joueurs ont ce comportement aussi réactif par rapport aux médias. Quand on gagnera, on sera les meilleurs, quand on perdra, on sera les plus nuls. C'est malheureusement la réalité des choses. Notre manière de fonctionner, c'est plutôt de travailler sur des faits réels, de l'analyse, de l'échange et de l'exigence constante à l'entraînement et dans le jeu mis sur le terrain. Après, les vieux ressorts, il faut les sortir à propos. C'est encore très latin, il faut toujours trouver un ennemi pour se sublimer, mais l'ennemi, quand il est toujours le même, ça ne sert plus à rien."