Mercato : la folle mécanique de Monaco

Benjamin Mendy à Manchester City (1280x640) Capture d'écran @benmendy23
Benjamin Mendy est devenu lundi le défenseur le plus cher de l'histoire. © Capture d'écran @benmendy23
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et Julien Froment , modifié à
Le transfert record de Benjamin Mendy à Manchester City illustre la stratégie de l'AS Monaco sur le marché des transferts.

Le 22 juin 2016, Benjamin Mendy, qui achève sa troisième saison à l'OM, signe à l'AS Monaco pour 15 millions d'euros. Le 24 juillet 2017, ce même Benjamin Mendy, qui vient de fêter ses 23 ans, est transféré à Manchester City pour environ 58 millions d'euros. En treize mois, le club azuréen a réussi une plus-value de 43 millions d'euros. Sur un seul joueur.

Cet été, l'ASM a également agi de la sorte pour le Portugais Bernardo Silva, 22 ans, acheté 16 millions d'euros en 2015 et revendu 50 millions à Manchester City, ou Tiémoué Bakayoko, 22 ans lui aussi, acquis pour 11 millions d'euros et cédé à Chelsea contre 45 millions. Avant eux, le Colombien James Rodriguez, en 2014, Geoffrey Kondogbia ou Anthony Martial en 2015, avaient aussi servi d'actifs valorisés sur le marché des transferts. Mais jamais la mécanique monégasque n'avait autant tourné à plein. Depuis le début du mercato, l'ASM a ainsi déjà empoché 175 millions d'euros, profitant à plein des ressources des clubs de la très riche Premier League anglaise.

L'AJA du 21ème siècle. L'AS Monaco, c’est un peu le modèle de Guy Roux adapté aux temps modernes, au 21ème siècle", considère au micro d'Europe 1 Vincent Chaudel, économiste du sport. "C’est un système qui permet de former des joueurs de grand talent, d'être performant et d’être qualifié régulièrement en Coupe d’Europe, ce qui permet de les valoriser et de les vendre très bien."

Quand l'AJ Auxerre formait ses joueurs avant de les revendre à un bon prix, l'ASM, elle, les achète. Mais pas très cher, sur des marchés moins gourmands en euros comme le Portugal, la Belgique ou… la France. "Ils les achètent avec des budgets aux alentours de 10 millions d’euros, ils en achètent trois, quatre, et forcément, avec de telles sommes, ils parviennent à faire venir des jeunes joueurs de talent. Le club les encadre avec des éléments performants, les jeunes vont gagner en expérience et éclore. Et il en suffit d’un ou deux, voire trois, comme cet été, pour que Monaco réalise des ventes extraordinaires."

Les nouvelles recrues monégasques seront présentées mercredi :

Un modèle qui fonctionne. Cette année encore, l'ASM a ainsi jeté son dévolu sur plusieurs jeunes prometteurs, comme le Néerlandais Terence Kongolo (23 ans, Feyenoord Rotterdam), l'Espagnol Jordi Mboula (18 ans, réserve du FC Barcelone) et surtout le Belge Youri Tielemans (20 ans, Anderlecht). "Il relève du modèle de l'ASM : investir sur des jeunes de grand talent. Mais Monaco peut prendre ce genre de pari." Pourquoi ? Parce que le club n'a pas l'obligation de résultats des grandes machines européennes. Mais aussi et surtout, parce que ça marche.

Depuis deux-trois saisons, les dirigeants russes et le staff, le coach portugais Leonardo Jardim en tête, n'ont guère fait d'erreur, que ce soit dans le recrutement ou la gestion du groupe. "Le modèle fonctionne bien, Monaco a été champion de France devant le PSG et demi-finaliste de la Ligue des champions face à la Juventus Turin, une performance à la fois nationale et internationale. C’est grâce à la stabilité du club, du coach et du groupe."

Le cas Kylian Mbappé. Reste un écueil à éviter pour l'ASM, "l'envie de trop vendre". Avec Bakayoko, Mendy et Bernardo Silva, le club s'est déjà séparé de trois titulaires de la saison dernière. "S’ils vendent trop, ils prennent le risque de remettre en cause la stabilité de l’effectif, d'obtenir de moins bons résultats et de manquer la qualification pour la Ligue des champions." La Ligue des champions, c'est elle qui a permis à l'ASM de faire briller ses joueurs. Bernardo Silva et Benjamin Mendy ont été achetés par Manchester City, que Monaco avait éliminé la saison dernière en quarts de finale (2-4, 3-1).

Ce danger du "trop vendre" peut être résumé en un seul nom : Kylian Mbappé. La nouvelle pépite du football français (et même, osons-le, du football mondial) est au centre de toutes les rumeurs cet été (enfin, toutes, sauf celles qui concernent Neymar). Arsenal, Manchester United, Real Madrid, PSG : le jeune international fait tourner les têtes, avant peut-être de faire tourner la planche à billets.

"Paradoxalement, l’intérêt de Monaco est de conserver Mbappé", pense Vincent Chaudel. "Ils pourraient en tirer beaucoup d’argent, mais en le vendant, ils prennent le risque de perturber leur modèle économique et sportif. En revanche, le club pourrait faire le choix d'utiliser l’argent des autres ventes pour consolider l’effectif et rassurer Mbappé sur la compétitivité de l'équipe la saison prochaine."

Conserver un an de plus Mbappé pour briller et gagner encore, ou s'asseoir sur une somme avoisinant les 200 millions d'euros, avec le "risque" que le joueur soit moins performant ou se blesse dans les semaines qui viennent, voilà le dilemme devant lequel se retrouvent les dirigeants de l'ASM.