Masingue: "Le plus vieil arbre..."

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Propos recueillis par PAUL ROUGET , modifié à
Joueur le plus expérimenté de Pro A, Vincent Masingue vient d'entamer une 17e saison parmi l'élite qui risque bien d'être sa dernière. De retour dans son club formateur, "Bang Bang" veut que Paris-Levallois, vainqueur de deux matches sur trois, affiche encore, vendredi face Roanne, ses valeurs de "solidarité et de cohésion".

Joueur le plus expérimenté de Pro A, Vincent Masingue vient d'entamer une 17e saison parmi l'élite qui risque bien d'être sa dernière. De retour dans son club formateur, "Bang Bang" veut que Paris-Levallois, vainqueur de deux matches sur trois, affiche encore, vendredi face Roanne, ses valeurs de "solidarité et de cohésion". Vincent, comment se déroule ce retour aux sources, puisque vous avez été formé à Levallois ? Ça fait drôle. C'est même une petite cure de jouvence, parce que ça me rappelle mes 20 ans et qu'il n'y a pas grand-chose qui a changé depuis. Il y a les mêmes dirigeants, les mêmes coaches, les mêmes employés municipaux,... Ça me rappelle plein de bons souvenirs ! Et vous avez aussi dû retrouver avec plaisir Ron Stewart, désormais entraîneur assistant du club... C'est aussi une des raisons de mon retour. Parce que j'ai un lien très particulier avec Ron. C'est lui qui m'a formé, il m'a apporté beaucoup au niveau basket mais aussi en tant qu'homme. Sa présence au sein du staff a fait pencher la balance en faveur de mon retour ici. Il a d'ailleurs un rapport avec l'origine de votre surnom, "Bang Bang"... En fait, c'est lui qui m'avait donné ce surnom-là à l'époque des "Cardiac Kids" de Levallois, et ça m'est resté durant tout ce temps. C'est donc qu'il doit y avoir du vrai quand même... Pouvez-vous nous expliquer votre autre surnom, que Jacques Monclar apprécie particulièrement, "l'ostéopathe"... Je prends ça comme un compliment, ça fait partie de mes qualités et c'est aussi pourquoi je suis encore là à mon âge avancé (sourire). Je fais des choses qui ne se voient pas toujours sur la feuille de stats. Des choses qui ne sont pas forcément très jolies ou très attirantes mais dont une équipe a besoin. Et mes coéquipiers et mon coach sont bien contents de s'appuyer là-dessus. Après, c'est sûr que j'ai un jeu très engagé et très physique. J'aime le contact et j'ai un tempérament qui fait que je n'aime pas me faire marcher dessus. Je joue un peu des coudes. Maintenant, je ne suis pas un joueur méchant. Je mets juste beaucoup d'engagement, ce qui fait que, parfois, ça fricote un peu. Après, je suis comme ça. Je ne vais pas changer maintenant. Et tout le monde me connaît, mes coéquipiers en prennent plein les côtes à l'entraînement ! Ils le savent et il n'y a pas de problème. Ça fait partie de moi. "Malgré les tempêtes et les orages, je suis toujours là" Vous avez un contrat qui court jusqu'à la fin de saison. Envisagez-vous de poursuivre votre carrière à l'issue de cet exercice 2011-12 ? Ça fait deux ans que je dis que c'est ma dernière année, et je passe un peu pour un imbécile ! (rires) Donc je ne vais pas encore le dire. Mais bon, plus ça avance, plus je me rapproche de la fin. Je vais avoir 36 ans en janvier et mon corps me rappelle tous les matins qu'il ne faut pas que j'abuse avec lui. Il ne faut jamais dire jamais, mais il y a quand même de bonnes chances que j'arrête à la fin de la saison. Quel effet cela fait-il d'être aujourd'hui le joueur le plus expérimenté de Pro A, avec 17 saisons parmi l'élite ? Ça me donne une petite fierté quand même. De me dire que je suis le plus vieil arbre du parc, ça fait plaisir. Malgré les tempêtes et les orages, je suis toujours là. Et puis c'est aussi un challenge de montrer aux petits jeunes que, même si j'en ai beaucoup dans les jambes, je peux toujours tenir la route. J'en suis assez fier. Vous parliez de votre âge, mais Christophe Denis, votre entraîneur, n'est pas beaucoup plus âgé (38 ans, ndlr)... Ça se passe très bien entre nous. J'ai appris à le connaître. C'est un jeune coach qui a seulement deux ans de plus que moi, mais il y a beaucoup de respect entre nous. J'ai toujours eu le respect de la hiérarchie et de mon entraîneur, et lui me respecte aussi beaucoup en tant que joueur et élément d'expérience. J'apprécie aussi le fait qu'il me fasse confiance et qu'il sache bien me gérer. Parce que ce n'est pas toujours facile pour moi. Je fatigue plus vite et je récupère plus doucement que les autres. On communique très bien et il s'appuie assez souvent sur mon expérience. Et même si j'ai parfois un peu une grande gueule, il sait faire la part des choses. Ce qui n'est pas toujours facile. "Hâte de voir ce qu'on vaut vraiment" Revenons-en à votre début de saison réussi avec Paris-Levallois. Vous comptez deux victoires en trois matches et avez même failli l'emporter à Villeurbanne. Vous attendiez-vous à un tel départ ? Quand on débute une compétition, c'est toujours pour la gagner. Maintenant, on a eu une préparation assez compliquée, où on a beaucoup travaillé. On a eu une période de doute lorsqu'on a perdu cinq matches d'affilée contre des équipes de Pro B, et aussi deux fois contre Le Havre alors qu'on allait les jouer après. Mais c'est là qu'on a vu qu'on avait une vraie équipe, avec de la solidarité et de la cohésion. C'est un plus d'avoir déjà vécu des moments difficiles au moment de commencer la saison, parce qu'on sait qui est qui et qu'on a tous su avancer ensemble. On sait qu'on a des qualités, du talent. Et on sait aussi qu'on ne va pas s'enflammer maintenant, car on a encore beaucoup de progrès à faire. Mais c'est vrai que c'est un bon début de saison, même s'il faut toujours regarder devant. Parlez-nous de votre entente avec Lamont Hamilton à l'intérieur... Lamont et moi, on a des profils vraiment complémentaires. Lui est plus un attaquant naturel alors que moi je suis plus un défenseur. Et puis il y a aussi du respect et une très bonne entente entre nous. Il sait que je ne suis pas là pour lui prendre sa place ou pour lui chiper du temps de jeu. C'est vraiment pour aider l'équipe, et lui aussi. C'est un joueur qui a un potentiel énorme et qui ne l'utilise peut-être pas à son maximum tous les jours. Je suis donc peut-être aussi là pour le booster et le faire travailler toujours plus aux entraînements, en lui apportant de la dureté et du répondant. Que pouvez nous dire sur votre prochain adversaire, Roanne, qui va venir avec de grosses ambitions ? Ils ont une grosse armada offensive, avec beaucoup de talents et de shooteurs à 3 points notamment. Ils sortent d'une saison difficile et ont à coeur de se racheter. Ils ont fait un match énorme contre le HTV, avec un festival offensif, même si la défense n'était pas forcément des plus ardues. C'est une équipe dont on se méfie et c'est un autre test pour nous, pour notre premier match à Levallois. On veut confirmer notre bon début de saison et on a hâte de voir ce qu'on vaut vraiment. "Je vois le basket français décliner depuis 15 ans" Vous évoquiez ce premier match à Levallois, après avoir reçu Le Havre à Coubertin en ouverture de la saison. Comment vivez-vous cette situation ? Très franchement et sans langue de bois, ce n'est pas un plus pour les joueurs de jouer dans deux salles. Parce qu'on s'entraîne à Levallois, les bureaux sont à Levallois, nos vestiaires sont à Levallois... C'est la maison ! J'ai déjà connu ça au HTV, avec Hyères et Toulon. Après, ce Palais des Sports est très typé basket, et le public est très proche du terrain. C'est un petit chaudron. Je pense qu'on préfère tous jouer à Levallois mais on fait avec ce qu'on a. On serait aussi contents de jouer dans un Coubertin rempli, c'est aussi une très belle salle de basket quand il y a du monde. En parlant de Hyères-Toulon, que vous allez accueillir après Roanne, comment vivez-vous les déboires actuels du club varois, au bord du gouffre ? La situation du club m'attriste beaucoup, c'est vraiment du gâchis. Mais une fois sur le terrain, il n'y aura pas de sentiments. Si on peut leur mettre 30 points, on leur mettra 30 points. Maintenant, il faudra être très concentré parce que même si c'est une équipe affaiblie avec peu de moyens sportifs pour rivaliser, ils ont du talent et de l'orgueil. Il faudra être très concentré, très vigilant et aborder ce match comme tous les autres. Parce que ça serait vraiment dangereux de penser que ça sera un match facile. Un mot pour finir sur la sensation de la saison en Pro A, le retour des joueurs NBA et notamment de Tony Parker à l'Asvel. Comment analysez-vous ce phénomène, même si cela ne devrait durer que le temps du lock-out ? Tony Parker, c'est Jésus pour le basket français. Tout ce qu'il fait, son implication, ses résultats, sa hargne et son état d'esprit, c'est du pain béni. Je lui ai dit à Villeurbanne. Moi, je vois le basket français décliner depuis 15 ans. Aujourd'hui, ça peut s'inverser et j'en suis le premier content. Je pense que le basket français peut remercier Tony parce que c'est un mec qui n'a pas besoin de ça pour gagner sa vie. Il paie son assurance pour venir jouer ici et il a plus à perdre qu'à gagner. Et puis tout ce qu'il fait derrière dans les médias, où il essaie d'emmener le basket français avec lui, c'est vraiment remarquable. Il faudrait que tout le monde sache à quel point il s'investit là-dedans et à quel point c'est bon pour tout le monde. Et c'est pareil, même à un degré moindre, pour Batum, Diaw et Turiaf. C'est génial pour le basket, ça attire des médias qui d'habitude ne parlent pas forcément de basket. C'est donc une opportunité pour la Pro A de pouvoir compter sur des joueurs comme ça.