Ma Nouvelle-Zélande par... Mannix

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Propos recueillis par Krystel Roche , modifié à
Les Bleus de France en mission en Nouvelle-Zélande, la rédaction de Rugbynews est allée à la rencontre des Néo-Zélandais du Top 14, l'occasion pour eux de se transformer en guide. Début de cette série avec Simon Mannix, l'adjoint de Pierre Berbizier au Racing-Métro 92.

Les Bleus de France en mission en Nouvelle-Zélande, la rédaction de Rugbynews est allée à la rencontre des Néo-Zélandais du Top 14, l'occasion pour eux de se transformer en guide. Début de cette série avec Simon Mannix, l'adjoint de Pierre Berbizier au Racing-Métro 92. Simon, quel a été ton premier contact avec le rugby ? J'avais 4 ans, et je jouais avec mes deux grands frères au Hutt Valley Marist Rugby Club. On m'avait mis à l'aile, et j'étais très content, mais je n'avais pas vraiment compris que lorsqu'on était gamin et qu'on te mettait à l'aile, ça voulait dire que tu étais nul ! (rires). Mon premier souvenir avec les Blacks remonte à 1976. Mon père s'était réveillé dans la nuit pour regarder le match de la Nouvelle Zélande contre l'Afrique du Sud. Mon petit frère avait 3 ans, moi 4 ans, mes deux grands frères 5 et 6 ans. On a regardé le match tous ensemble, je m'en souviens très bien aujourd'hui encore. D'après toi, qu'est-ce qu'un événement comme la Coupe du Monde peut apporter à un pays comme la Nouvelle-Zélande ? J'ai plein de souvenirs de la Coupe du Monde 87 (en tant que supporter). Alors bien sûr, ce n'était pas le même événement qu'aujourd'hui. Mais je garde le souvenir de cette fête du rugby, de toutes ces bonnes équipes rassemblées... En Nouvelle Zélande, même si tu parles avec une grand-mère ou un grand père, tout le monde connaît bien ce sport, a une bonne analyse du jeu. Mais aujourd'hui, la population néo-zélandaise a changé. Et même si le rugby reste toujours le sport national, la culture rugby n'est plus tout à fait la même. On peut constater qu'il y a moins de monde dans les stades qu'auparavant. Il faut voir aussi que le foot prend de plus en plus d'importance. Et le foot anglais est tellement médiatique en Nouvelle Zélande ! Aujourd'hui, les gosses ont donc plus tendance à se mettre au foot. Mais bien évidemment, le public rugby est excité à l'approche de ce Mondial, qui reste un très gros événement. J'espère que les infrastructures seront en place pour accueillir tous les supporters, et que tout ça se passera bien. "Le pays besoin d'être uni derrière une seule chose" On sent dans ton discours une pointe de nostalgie... Non. Mais quand j'étais gamin, le samedi matin, je jouais mon match, et l'après-midi, j'étais sur le terrain d'à côté pour voir n'importe quel autre match ! A l'école, on jouait toujours au rugby, après l'école, on jouait encore et encore. On avait toujours un ballon dans les mains, on jouait tout le temps avec les copains. C'était juste rugby, rugby, rugby... Aujourd'hui, en Nouvelle Zélande, le rugby à XIII commence à prendre une place importante, le foot également. Et je vois la différence : j'ai visité mon ancienne école (une école de 600 garçons entre 13 et 18 ans). Moi, j'y étais entre 1985 et 1989, il était alors obligatoire de jouer au rugby. Aujourd'hui, ça a changé. Cette Coupe du Monde est quelque chose d'extrêmement important pour le pays, la population, l'économie... Mais il n'y a qu'une chose qui compte : que les Black gagnent ! Si ce Mondial voyait une autre équipe que la Nouvelle Zélande s'imposer, cela laisserait un goût d'inachevé ? Oui. J'espère vraiment que les Blacks vont gagner. Sinon, je ne sais vraiment pas ce qui va se passer pour le rugby en Nouvelle Zélande... En cas de nouvel échec, en plus des événements que l'on a vécus récemment (séismes), ce ne serait vraiment pas drôle. Le pays besoin d'être uni derrière une seule chose. Si l'on arrive à gagner, ce sera quelque chose de vraiment positif pour le pays. Mais si l'on perd, à mon avis, cela posera beaucoup de problèmes... Une défaite prématurée des Blacks pourrait selon toi s'avérer inquiétante pour l'avenir du rugby néo-zélandais ? Oui. Il est difficile pour beaucoup de monde en Europe de comprendre l'importance de tout ça. Honnêtement, si l'on ne gagne pas, je ne sais pas ce qu'il se passera. Après l'échec de 2007, ce n'est pas évident. Bien sûr, on a beaucoup de jeunes joueurs qui arrivent, et l'on a été sacrés champions du monde chez les -20 ans (les "Baby Blacks", ndlr). Mais l'objectif le plus important, c'est de gagner la Coupe du Monde. Si l'on ne gagne pas, on verra certainement des retombées sur le nombre de joueurs, les sponsors, etc... Ce serait dur. Mais bon, je préfère rester positif en disant que le travail réalisé par les Blacks ces quatre dernières années est vraiment bon. Ils ont montré qu'ils étaient la meilleure équipe mondiale. En situation de phase finale, on sait que la chance est un paramètre qui entre en jeu. J'espère que cette fois, elle sera du côté des Blacks. Peux-tu nous livrer ton pronostic pour le podium ? Australie, Nouvelle Zélande, et Angleterre ou Afrique du Sud. J'espère en tout cas que l'Australie ne se qualifiera pas en finale, car pour moi, c'est peut-être l'équipe la plus capable de battre les Blacks. Elle est montée en puissance ces deux dernières années, avec une grande qualité de joueurs, surtout du côté des trois quarts, qui pratiquent un jeu exceptionnel. En même temps, les Blacks auront beaucoup de pression sur les épaules. Mais s'ils parviennent à la gérer, je pense qu'ils sont bien placés pour gagner la compétition. Selon toi, quel joueur a les moyens de faire des étincelles pendant ce Mondial ? Tout le monde dit que Sonny Bill Williams a le potentiel pour être le Jonah Lomu de ce tournoi. On connaît aussi la qualité des Australiens (comme Quade Cooper). Mais je reste un fidèle de la Nouvelle Zélande (sourire), et je pense que l'on verra une autre dimension de Dan Carter, qui emmènera ce groupe jusqu'au bout. "Le seul maillot mondial plus important qu'un contrat professionnel" Peux-tu nous raconter tes premiers pas avec le maillot à la fougère ? Je me souviens de mon premier match : c'était au Stade Mayol, à Toulon. Je n'avais que 19 ans. C'est compliqué pour les Français de comprendre la pression que tu ressens lorsque tu portes ce maillot. Tu portes une Histoire... J'ai mis peut-être sept ou huit ans avant d'être capable de parler de ce match perdu. J'ai loupé les tirs au but, et j'ai mis ce résultat sur mes épaules. Après cette défaite, j'ai eu beaucoup de mal à évacuer. J'ai ressenti que j'avais quatre millions de personnes déçues avec moi... Aujourd'hui encore, le maillot à la fougère est le seul maillot mondial plus important qu'un contrat professionnel. La seule chose qui intéresse les joueurs néo-zélandais, c'est de jouer sous ce maillot, c'est quelque chose de très fort. Qu'as-tu ressenti lorsque tu as appris ta première sélection ? Bien évidemment, tu es excité. Mais si tu es sélectionné pour jouer avec les Blacks, ce n'est pas par hasard, c'est parce que tu le mérites. Ça n'a pas été le cas avec moi. Pour gérer cette déception, ça a été tellement dur. A 19 ans, je manquais de maturité. Mais c'est une leçon. Aujourd'hui, on comprend beaucoup mieux l'importance du psychologique dans le sport. En tout cas, c'est une expérience qui m'aide aujourd'hui avec les joueurs du Racing. Quel est ton plus beau souvenir sous le maillot black ? Sincèrement ? Je ne pense pas qu'il y en ait un. J'ai fait huit matches entre mes 19 et mes 20 ans, ai participé à trois tournées. Ensuite, j'ai été mis à la poubelle. Puis j'ai été de nouveau sélectionné en 1994. J'ai bien mérité cette sélection, car j'ai travaillé dur. Par contre, je n'ai rejoué un match, puis ça a été fini. Cette sélection (défaite 8-22 face à la France en 1994, ndlr), a été importante pour moi, car j'ai montré que j'étais capable de rebondir. Donc si tu me demandes si c'est un bon souvenir : non. Mais une bonne leçon, oui. Et c'est peut-être le plus important. Y a-t-il un joueur all black qui t'ait particulièrement marqué, inspiré ? Non. Mais il y a un joueur avec qui j'ai joué et pour qui j'ai un énorme respect : John Kirwan. Un joueur qui a été énorme lors du Mondial 87, puis lors des saisons 88 et 89. Il s'est blessé au tendon d'Achille, puis est revenu avec les Blacks. Par contre, il souffrait de dépression. C'était peut-être la plus grande star du rugby mondial à cette époque-là. Il a été très gentil avec moi lorsque j'ai été sélectionné aussi jeune avec les Blacks, a essayé de m'aider. Et quand on voit de quelle manière il a su rebondir après ses problèmes, c'est une source d'inspiration pour beaucoup de monde en Nouvelle Zélande. Petit conseil pour nos lecteurs : d'après toi, impossible de repartir de Nouvelle-Zélande sans avoir fait... ou vu... ? La culture Maori. L''île du nord, pour ses geysers : c'est à voir ! Et il faut vraiment passer du temps avec les Néo Zélandais dans des petits bleds, dans les bars, les pubs, rencontrer les mecs qui travaillent dans les fermes de l'île du sud. Ce sont eux les vrais Néo-Zélandais. De mecs super gentils, super accueillants. De braves types, vraiment.