Levez-vous pour la messe noire

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LAURENT DUYCK , modifié à
C'est ce vendredi, à 20h30 (10h30 à Paris), que s'ouvre en Nouvelle-Zélande la septième Coupe du monde de l'histoire. Décalage horaire oblige (10 heures), il faudra parfois se lever tôt pour suivre les matches. Le jeu en vaut la chandelle pour vivre l'événement derrière un pays tout acquis à la cause des All Blacks, donnés grandissimes favoris à la maison mais qui restent sous la menace de l'Australie, de l'Afrique du Sud et pourquoi pas de l'Angleterre et de la France...

C'est ce vendredi, à 20h30 (10h30 à Paris), que s'ouvre en Nouvelle-Zélande la septième Coupe du monde de l'histoire. Décalage horaire oblige (10 heures), il faudra parfois se lever tôt pour suivre les matches. Le jeu en vaut la chandelle pour vivre l'événement derrière un pays tout acquis à la cause des All Blacks, donnés grandissimes favoris à la maison mais qui restent sous la menace de l'Australie, de l'Afrique du Sud et pourquoi pas de l'Angleterre et de la France... Quatre millions de fidèles. Et des prêcheurs nommés Richie McCaw, Dan Carter ou encore Sonny Bill Williams... Priez pour elle, la Nouvelle-Zélande, où le rugby est une religion avant d'être un sport, ouvre ses portes à la planète ovale. "La Nouvelle-Zélande est prête. Les équipes sont prêtes. Les supporters sont prêts. Cette Coupe du monde de rugby rendra les Néo-Zélandais et la famille mondiale du rugby fiers, j'en suis certain", professait mercredi Bernard Lapasset, le président de l'IRB. Est-ce le terrible tremblement de terre qui a frappé Christchurch à quelques mois de l'événement ou la défiance qu'inspire Graham Henry, le sélectionneur néo-zélandais, à la veille du match d'ouverture des All Blacks contre les Tonga, mais un voile de pudeur, comme un long nuage blanc porteur de prudence, semble pourtant accompagner, à quelques heures du match d'ouverture entre les All Blacks et les Tonga (20h30, 10h30 à Paris), la procession vers cette grande messe noire annoncée. Car, question ambiance, on attend toujours la première mêlée. "Honnêtement, je suis déçu, avouait ainsi Imanol Harinordoquy, qui s'apprête à vivre sa troisième Coupe du monde. On a eu un accueil chaleureux certes. Mais je n'ai pas l'impression qu'une Coupe du monde va se jouer ici, pourtant, on est à Auckland, un million d'habitants, et voir trois drapeaux sur le port..." Même impression chez l'ailier Maxime Médard: "Je pensais qu'il y aurait plus de supporters et d'événements. On est dans le pays du rugby alors je m'attendais à autre chose (...) ça me semble tranquille pour l'instant". Que les Bleus se rassurent, un bon haka et ça devrait repartir comme en 1987, année où tout a commencé par le sacre des All Blacks à domicile. La Coupe du monde était née. Et la marque noire déposée. Mais depuis le triomphe de David Kirk et ses coéquipiers face aux Bleus de Serge Blanco, c'est la feuille blanche... Alors ce Mondial serait néo-zélandais ou ne serait pas, imaginait depuis des années un peuple qui vibre à l'unisson pour le ballon ovale. C'était avant que Christchurch ne soit privée de la fête, une douleur insubmersible pour certains Néo-Zélandais. "Je regarde la télé, ils ont aussi d'autres soucis, reconnaît Harinordoquy. J'ai même entendu dire que cette Coupe du monde n'était pas ce qui importait le plus. Il y a des gens qui sont dans le dur aujourd'hui, qui pensent plus à survivre qu'autre chose. Cette Coupe du monde est peut-être là pour offrir une bouffée d'oxygène à toutes les familles qui ont été touchées." C'était aussi avant que les All Blacks n'abandonnent cet été le Tri Nations à l'Australie, une cicatrise dans l'armure des All Blacks à la veille de la compétition. Le XV de France sublimement ignoré... Loin de la ferveur censée accompagner Richie McCaw et ses hommes, voilà que le pays et sa presse spécialisée viennent en effet douter des choix d'un Graham Henry qui, au vu de sa première composition d'équipe pour le moins étonnante, n'aurait pas avancé depuis la fessée reçue par les Bleus à Cardiff quatre ans plus tôt (lire : Tout seuls les Blacks !). Et la question, déplacée mais entêtante, de revenir hanter les Néo-Zélandais: les All Blacks seraient-ils condamnés à ne rester que d'inutiles champions du monde d'entre deux Coupes du monde ? Réponse au plus tard le dimanche 23 octobre, après 48 matches de compétition, mais les Wallabies s'imaginent déjà continuer à écrire à l'encre noire cette légende. Portée par une génération exceptionnelle de talents - Genia, Cooper, Ashley-Cooper, Beale... - l'Australie s'avance comme l'obstacle principal au sacre annoncé des Blacks, menace illustrée par le New Zealand Herald, le quotidien de référence, avec cette photo de Cooper présenté comme l'ennemi public n°1 devant l'opossum, ce petit animal venu d'Australie qui détruit les forêts néo-zélandaises, et les membres des services secrets français qui en 1985 ont coulé le Rainbow Warrior... Ouf, la France fait encore peur ! Car, à sonder sa cote en Nouvelle-Zélande, la troupe de Marc Lièvremont, lestée par les valises ramenées d'Afrique du Sud, d'Argentine et d'Italie depuis un an et humiliée l'automne dernier par l'Australie, ne ferait pas bouger une oreille à un mouton. Alors, de là à le défriser... Il faut croire que la réputation de bête noire des Néo-Zélandais en Coupe du monde offerte peut-être un peu pompeusement aux Français ait moins de poids que la puissance défensive de l'Afrique du Sud ou le pragmatisme de l'Angleterre, deux façons de concevoir le rugby qui ont payé lors des deux dernières éditions. Les Néo-Zélandais en oublieraient presque que les Français ne sont jamais aussi dangereux que quand on ne les attend pas. Ma foi, que la messe commence !