Krumbholz: "Les pieds sur terre"

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Propos recueillis par Anthony LEFORT , modifié à
L'inamovible sélectionneur de l'équipe de France féminine a beau être vice-champion du monde en titre, il n'en reste pas moins mesuré quant aux chances des Bleues à l'Euro 2010, qui se tiendra en Norvège et au Danemark du 7 au 19 décembre. Mais avant ce rendez-vous très important, les filles d'Olivier Krumbholz, dont l'envie demeure intacte, disputent ce week-end le Tournoi de Paris Île-de-France.

L'inamovible sélectionneur de l'équipe de France féminine a beau être vice-champion du monde en titre, il n'en reste pas moins mesuré quant aux chances des Bleues à l'Euro 2010, qui se tiendra en Norvège et au Danemark du 7 au 19 décembre. Mais avant ce rendez-vous très important, les filles d'Olivier Krumbholz, dont l'envie demeure intacte, disputent ce week-end le Tournoi de Paris Île-de-France. Olivier, dans quel état d'esprit l'équipe de France aborde-t-elle le championnat d'Europe ? Forcément avec beaucoup d'ambitions, parce que c'est la première marche vers Londres. Le champion d'Europe sera qualifié directement pour les Jeux olympiques. C'est une opportunité fantastique pour toutes les équipes d'être qualifiées dix-huit mois avant les JO, on peut planifier le travail de manière complètement différente. Après, on sait que l'on n'est pas forcément dans les mieux armés, il y en a deux-trois qui ont plus de potentiel, plus de savoir-faire que nous. C'est une équipe qui est encore jeune. Est-ce qu'il faut absolument tenir compte de ce qui s'est passé en Chine (les Bleues sont vice-championnes du Monde, ndlr) ? Je ne sais pas, c'est un peu les pénaliser, elles ont fait un coup extraordinaire donc, à partir de ce moment-là, est-ce qu'il faut leur mettre plus de pression ? Moi, je serais plutôt toujours à les rassurer, à les féliciter pour ce qu'elles ont fait, et ne pas leur dire: « puisque vous avez fait deuxièmes la dernière fois, il faut maintenant que vous fassiez absolument premières ». Comment va votre groupe ? Il y a quelques soucis puisqu'il y a quand même trois filles (Raphaëlle Tervel, Marion Limal et Paule Baudouin, ndlr) qui seront absentes, trois filles qui avaient joué un rôle important en Chine. Il y a deux retours (Sophie Herbrecht et Stéphanie Ntsama Akoa, ndlr) donc, là, on est très curieux, on a beaucoup d'espérances. Vous savez, pour faire un grand résultat, il y a deux choses: d'abord il y a la force collective, l'intelligence collective qui va être développée, il y a aussi le potentiel humain, même si cela ne s'additionne pas, que c'est plus compliqué que cela, on a besoin de moyens donc trois en moins, deux en plus, cela peut s'équilibrer et puis surtout, ce qui peut faire la différence, c'est que toutes ces jeunes joueuses aient progressé en un an. Qu'a changé ce statut de vice-championne du monde ? C'est évident que cela leur a fait du bien, parce que le handball féminin français a un peu ramé en 2007-2008. Il y a pas mal de filles, qui étaient en Chine l'année dernière, qui avaient vécu la grosse déception du championnat du monde en France, où on avait perdu en quarts de finale, derrière la grosse déception des JO, toujours en prolongation et toujours en quarts de finale où on perd à nouveau... Cela a été très difficile pour tout le monde psychologiquement, parce que quand on perd de peu face à des adversaires très forts, que l'on est au bord des médailles, c'est décevant. Là, il ne fallait pas s'enliser dans des résultats moyens et le championnat du Monde en Chine leur a permis de commencer à construire leur histoire en terme de résultats. Après, c'est vrai que l'on a la chance d'être à côté des garçons, mais c'est une chance et une malchance parce qu'ils nous écrasent un peu par leurs compétences, par les résultats, donc les filles se disent: « ils ont des résultats permanents. Nous, on ne les a pas. C'est quoi notre place dans la maison ? ». Est-ce un poids trop lourd à porter ? Il y a une pression mais elle est bien, elle est logique. Le résultat en Chine a beaucoup apporté, il a montré le bien-fondé de l'investissement sur ces filles, il a aussi montré à la Fédération qu'elle avait un vrai savoir-faire qui dépassait cette bande de garçons, donc cela a fait du bien à tout le monde. Les jeunes joueuses ont-elles apporté un vent nouveau ? Il y a eu des moments difficiles entre 2004 et 2008, parce qu'un certain nombre d'anciennes ont continué dans l'olympiade 2004-2008, il y avait de la lassitude, il y a eu des déceptions... Cela n'a pas été facile pour les jeunes de perdre en 2007-2008, mais vous imaginez celles qui avaient prolongé, qui étaient là uniquement pour faire des grands résultats, qui sont passées à côté de peu deux fois ? Aujourd'hui, c'est quand même plus simple, parce qu'il y a plus de jeunesse, d'enthousiasme, il y a moins de bobos aussi, parce que l'on sait malheureusement que les joueurs et les joueuses de sports collectifs, à part Isabelle Wendling, sont tous un peu cassés de partout (rires) ! "Ce tournoi est une vitrine du handball français, surtout du handball féminin" La World Cup au Danemark, où les Bleus se sont hissées jusqu'en demi-finales, est-elle un gage de satisfaction ? Vous savez, il y a trois évènements qui s'enchaînent en permanence dans les saisons: la World Cup, le Tournoi de Paris et l'Euro. Et il n'y a pas de vérité: des fois, on rate la World Cup et on est plutôt brillant sur la compétition officielle... C'est un résultat correct, ce n'est pas mal, l'équipe a montré qu'elle était capable de monter en charge dans un contexte international, cela veut dire stabiliser sur trois, quatre, cinq compétitions des résultats positifs, j'ai vu quelques joueuses bien à l'aise comme Allison Pineau. Après, le danger c'est effectivement le résultat, qui est dû à un bon ensemble mais aussi à une performance brillante d'Allison, notamment sur le dernier match puisqu'elle a fait quand même dix tirs, neufs buts, ce qui est exceptionnel pour un arrière. Bon, on reste les pieds sur terre, mais quand cela commence à jouer ensemble, il y a plus de taille, de vitesse, de bras, un peu plus d'expérience aujourd'hui. La World Cup leur a fait du bien, parce qu'elle les a confortées, d'abord sur le fait que quand elles ne sont pas là comme au début, elles passent complètement au travers, mais quand elles se remettent à développer les stratégies nécessaires et essentielles au plus haut niveau, elles recommencent à exister. Quel est l'objectif sur ce Tournoi de Paris Île-de-France ? Le but est double. Il y a un but évident et important de préparation. Ensuite, c'est vrai que le handball français essaye d'exister au niveau médiatique donc il est important pour nous de jouer à Paris, car en termes de presse c'est plus facile. Ce tournoi est une vitrine du handball français, surtout du handball féminin, c'est aussi l'avantage quand on joue à domicile d'éviter des fatigues par rapport aux déplacements. C'est tout bénéfice pour nous ! Que pensez-vous du fait de débuter l'Euro par la Norvège, triple tenante du titre ? Débuter par la Norvège, cela ne me pose pas de problème. Ce qui m'ennuie beaucoup, c'est la Norvège et, tout de suite le lendemain, la Hongrie. C'est un enchaînement qui est très dur, on aurait peut-être préféré l'inverse. En quarante-huit heures, on joue notre avenir sur cette compétition, c'est difficile d'autant plus que la Hongrie, qui est à mon avis le match le plus important de la poule, commencera par la Slovénie, qui est une rencontre théoriquement plus facile. Après, peut-être qu'il y a un intérêt à essayer d'attraper les Norvégiennes en entrée si elles ne sont pas totalement au point, si on joue bien et qu'elles commencent à stresser, à Lillehammer, dans la salle pleine... Il faut essayer de positiver, la poule est ce qu'elle est, l'ordre des matches est celui-là, il faut accepter mais ce n'est pas simple parce qu'il faut jeter presque toutes ses forces dans la bataille contre la Norvège et être en condition optimale le lendemain. Une bonne entame pourrait vous lancer sur quelque chose de très positif... Oui, mais c'est particulier, d'autant plus que le premier jour on joue tard, on joue plus tôt le lendemain, donc ce n'est même pas vingt-quatre heures entre les deux matches. On a aussi construit un effectif avec des rotations possibles donc à moi de jouer à fond contre la Norvège mais en pensant aussi que le lendemain, c'est encore plus important. Quels sont vos favoris ? Norvège, Russie, Roumanie, ce sont des groupes qui, potentiellement, sont a priori au-dessus. C'est eux qui sont les mieux armés, cela ne veut pas dire qu'ils gagneront. Après, derrière, il y a cinq-six équipes comme la France, l'Espagne, l'Allemagne, la Hongrie et le Monténégro qui peuvent prétendre à des médailles. Et puis il y a trois-quatre équipes qui devraient être un petit peu derrière: la Hollande, la Slovénie et l'Islande qui auront du mal à se qualifier, à mon avis. "Je ne suis pas près d'arrêter" Vous entraînez l'équipe de France depuis 1998, êtes-vous reparti pour un tour avec la nouvelle génération ? Notre avenir est énormément dépendant des autres. Prioritairement des joueuses, ensuite des dirigeants. Je trouve très sympa d'entraîner ces filles-là, je n'ai pas de lassitude, je sens qu'il y a de l'envie, du respect. Après, on verra les résultats... Il y a deux versants dans notre travail. Le premier: aider ces filles à gagner et surtout ne pas les faire perdre. En général, quand elles gagnent, c'est grâce à leurs compétences. Nous, on doit les mettre en ordre de bataille, on se bat pour ne pas faire d'erreurs. Il y a un deuxième versant: faire profiter à la Fédération et à l'ensemble du dispositif de son expérience pour faire avancer l'ensemble du système. Parce que cela, c'est la phase émergée de tout le dispositif mais vous avez tout ce qui est immergé qui est encore plus important, tout ce que l'on appelle les pôles, les sports études, l'ensemble de la filière, les entraîneurs... On voudrait transmettre quelque chose parce que l'on peut toujours améliorer un dispositif. Les victoires ne se gagnent pas qu'ici, elles se gagnent aussi dans les catégories en-dessous, dans les pôles, et là je pense que l'on peut encore beaucoup progresser. La fin n'est donc pas pour tout de suite... Pour l'instant, ma sensation est que je ne suis pas près d'arrêter mais, après, peut-être que l'on m'arrêtera... Au bout de douze ans, attaque-t-on toujours les compétitions de la même manière ? Pas tout à fait. Avec la même envie, oui, la même agressivité, oui, mais quand même avec moins de stress parce que ce qui a été fait a été fait, on ne peut pas le retirer. A partir de ce moment-là, on essaye aussi d'apporter de la stabilité et un peu de philosophie. On sait que l'on peut gagner et perdre de peu, cela fait partie du métier, que les choses continueront derrière, avec ou sans nous. Alors que très souvent, quand on est jeune, on a l'impression qu'un résultat négatif, c'est tomber dans un précipice. Pour moi, il n'y aura pas de précipice si le résultat est négatif parce que cela fait partie du chemin et qu'on comprend aussi que le résultat tient à très peu de choses. On essaye de regarder la qualité de ce que l'on a produit avec l'équipe aussi au-delà du résultat. Alors je sais que les médias, les élus, ils veulent absolument un résultat mais, nous, on est là pour que l'équipe joue juste. Des fois, cela suffit pour un tout petit but et des fois cela ne suffit pas pour un tout petit but. Est-ce que l'on est génial quand on gagne d'un but et est-ce que l'on est pitoyable quand on perd d'un but ? Si on veut survivre dans ce métier-là, on se dit que non. Bronzées en 2002, onzièmes en 2004, de nouveau bronzées en 2006, quatorzièmes en 2008 : les Bleues sont-elles en route pour un nouveau podium européen ? (Rires). Si vous croyez aux lois des séries... On a souvent eu du mal à rebondir derrière un grand résultat, peut-être parce que nous, on a fait des erreurs et qu'on les a mal préparées derrière. On se bat pour les maintenir dans un état d'alerte. Je ne sais pas si cette équipe fera un grand résultat mais je pense qu'elle va faire un bon résultat, c'est ma conviction aujourd'hui.