Estebanez, l'autre vie en bleu

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SYLVAIN LABBE , modifié à
Relais de Yannick Jauzion au poste de premier centre pour affronter les Fidji samedi, à Nantes, Fabrice Estebanez s'apprête à connaître à 28 ans sa première cape avec le XV de France. Mais pas sa première Marseillaise pour cet ancien plombier, international de rugby à XIII, qui, avant de révéler sa polyvalence à Brive et de rejoindre le groupe de Marc Lièvremont, emprunta une trajectoire pour le moins atypique.

Relais de Yannick Jauzion au poste de premier centre pour affronter les Fidji samedi, à Nantes, Fabrice Estebanez s'apprête à connaître à 28 ans sa première cape avec le XV de France. Mais pas sa première Marseillaise pour cet ancien plombier, international de rugby à XIII, qui, avant de révéler sa polyvalence à Brive et de rejoindre le groupe de Marc Lièvremont, emprunta une trajectoire pour le moins atypique. "Pour Fabrice, c'était le bal des occasions manquées lors du dernier Tournoi et avant la tournée de juin..." A entendre Marc Lièvremont justifier la première sélection avec le XV de France de Fabrice Estebanez au poste de premier centre, tout n'était affaire que de contretemps... Ses débuts internationaux, le Briviste aurait dû les faire lors de la dernière tournée d'été des Bleus en Afrique du Sud et en Argentine. Las, le refus de son club, le CABC, de le libérer pour rejoindre l'équipe de France à VII, lui coûta cette première cape. Comme le Montpelliérain Ouedraogo ou le Briviste Palisson, Estebanez fut l'otage du conflit entre les clubs et la fédération française (FFR). "Ce sont les aléas de la vie qu'on ne contrôle pas. Je ne me suis pas tapé la tête contre les murs. J'ai tourné la page et regardé devant", déclare l'intéressé, pas du genre à gamberger ou à ruminer sa déception. Bien lui en a pris puisque six mois plus tard, le voilà de nouveau à Marcoussis et cette fois prêt à débuter dans la carrière avec le XV de France en dépit d'un début de saison très compliqué avec son club de Brive. "C'était une énorme surprise, avoue-t-il en référence à son retour en bleu. Je m'étais fait à l'idée de ne pas y être. J'avais peut-être un peu loupé mon début de championnat. J'ai été baladé à gauche, à droite. Pour ma part, ça me desservait de ne pas avoir de poste fixe. C'est vraiment au centre où je me sens le mieux." Son sacrifice sous la forme de piges inégales à l'ouverture, Estebanez a bien failli le payer: "Je me suis toujours mis au service du collectif avec Brive. Il y a des postes plus faciles. En 10, il faut vraiment beaucoup d'expérience et de temps de jeu. On ne peut pas jouer 10 un week-end et passer deux semaines au centre. C'est compliqué de tenir la baraque." Mais de conclure, lucide: "A coté de ça, j'ai fait des matches catastrophiques." "Devenir international en trois ans": (à Laurent Seigne, lors de son arrivée à Brive) Marc Lièvremont est lui d'un tout autre avis: "Je le trouve en forme. Il a un potentiel. On a confiance dans ses qualités de puncheur." Le joueur a du tempérament, c'est une évidence, lui qui à son arrivée à Brive en 2007 n'hésite pas à annoncer auprès de son entraîneur Laurent Seigne son ambition de "devenir international en trois ans". Prémonitoire... Même si les premiers pas de sa carrière au plus haut niveau ne laissaient en rien présager cet accomplissement. Six ans plus tôt, en échec à Colomiers, où aucune proposition de prolongation ne s'offre à lui, sur un coup de tête, ou presque, il avait franchi le Rubicon pour passer à XIII. A cette époque, il cumule déjà un statut d'international (25 sélections) à Limoux puis au Toulouse Olympique et... un emploi de plombier. "C'était juste une parenthèse", confie ce Carcassonnais d'origine. "Au fond de moi, je suis quinziste. J'étais un peu revanchard. J'avais envie de me prouver que j'avais ma place, mais c'est une énorme fierté d'avoir porté le maillot de l'équipe de France à XIII. A quinze, ça l'est aussi." Un appel du quinze auquel il répond à nouveau lorsqu'après un transfert avorté à Hull en Superleague anglaise, il revient à ses premières amours à Gaillac en 2006 ; sa reprise marque les esprits avec à son actif pour son premier match trois essais au poste d'ailier droit. Mais pas question pour ce solide gabarit (1,86 m, 98 kg) de s'enfermer dans un seul poste, sa polyvalence lui ouvre l'ouverture, le centre, l'aile ou même l'arrière. Il sait même buter ! "C'est un joueur qui s'adapte assez facilement", constate l'entraîneur des arrières des Bleus Emile N'Tamack. "Il a une grande qualité technique au niveau de la main et du pied. Il est train de s'épanouir et de trouver ses marques. Il ne reste pas figé. Il aura un match pour se libérer, faire des choses bonnes, des moins bonnes. Beaucoup de choses." Bombardé au poste de premier centre, là où il défiera samedi le Fidjien Seru Rabeni avec lequel il a partagé une sélection sous le maillot des Barbarians britanniques en juin dernier, il prend aussi le relais d'un certain Yannick Jauzion, référence du poste laissé au repos en prévision, sans doute, des matches contre l'Argentine et l'Australie. Une succession qu'il assume avec conviction: "Yannick Jauzion est Yannick Jauzion". "Fabrice Estebanez est une autre personne. Yannick est une référence à ce poste. Je ne suis pas similaire à lui. J'ai mes qualités et mes défauts. Lui aussi."