Derrien: "Il n'y a pas d'écran"

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Propos recueillis par Thomas SINIECKI , modifié à
Consultant pour Sports.fr, Bruno Derrien revient sur l'arbitrage de la 6e journée de Ligue 1. L'ancien homme en jaune évoque longuement la main de l'Ajaccien Johan Cavalli sur sa ligne, et l'imbroglio qui s'en est suivi au moment de retrouver le fautif, lors de la victoire de Nice face aux Corses (3-0). L'ex-arbitre indique notamment qu'il n'y a pas pu avoir de recours à la vidéo.

Consultant pour Sports.fr, Bruno Derrien revient sur l'arbitrage de la 6e journée de Ligue 1. L'ancien homme en jaune évoque longuement la main de l'Ajaccien Johan Cavalli sur sa ligne, et l'imbroglio qui s'en est suivi au moment de retrouver le fautif, lors de la victoire de Nice face aux Corses (3-0). L'ex-arbitre indique notamment qu'il n'y a pas pu avoir de recours à la vidéo. Bruno, le week-end a surtout été marqué par ce carton rouge à Nice envers l'Ajaccien Cavalli, qui n'avait pas été identifié dans un premier temps par M. Fautrel, qui avait simplement vu qu'une main avait été commise sur la ligne de but. Comment l'arbitre a pris sa décision ? Je peux d'autant mieux vous en parler qu'il m'est arrivé la même situation, en février 2002 lors du derby breton Guingamp-Rennes. Un corner côté gauche est tiré, Hakim Saci tient le poteau gauche et boxe le ballon de la main droite, sur une tête de Maoulida me semble-t-il. Je vois la main et je siffle penalty, mais quand je lève la tête, je vois une forêt de joueurs devant moi et j'étais incapable de me rappeler du joueur fautif. Je suis allé interroger mon assistant, il n'avait pas vu la main, l'autre non plus et pareil pour le quatrième arbitre. Donc je savais qu'il devait y avoir double peine, carton rouge et penalty, puisque la main a annihilé un but. Je dis au capitaine Claude Michel: "Ecoutez, on se connaît depuis longtemps... Il y a main, je le sais. Je ne changerai pas ma décision, il y aura penalty et je vais en mettre un dehors. Je vous mets face à vos responsabilités, vous devez me dire qui a fait la main." Il me répond que non, il n'y a pas main. J'expulse le capitaine, en me disant aussi que l'auteur véritable se dénoncerait, ce qui m'aurait permis d'annuler le carton rouge tant que le jeu n'avait pas repris. Après le match, Guy Lacombe était fou furieux, mais j'avais bien raison. Sauf que Saci, dès qu'il a fait la main, il dégage le ballon en touche et s'enfuit. Une circulaire est sortie, la "jurisprudence Derrien", afin de mettre le capitaine face à ses responsabilités. Le quatrième arbitre aurait signalé la faute, ne peut-on pas y voir un semblant d'arbitrage vidéo ? M. Fautrel n'a pas vu la main, Cavalli a mis sa main devant la tête et ça va très vite. L'arbitre a un doute, mais on a dû lui dire par l'oreillette qu'il y avait faute, par l'intermédiaire de ses assistants ou du quatrième arbitre. Il va consulter l'assistant et demande au quatrième arbitre de venir, avant de signaler le penalty. C'est très bien, on a trop souvent reproché aux assistants de fermer les yeux... La difficulté était ensuite d'identifier le joueur, M. Fautrel a été voir le capitaine et l'entraîneur d'Ajaccio, puis à l'intox, il a été voir Cavalli car il avait remarqué qu'il était souvent placé sur la ligne lors des corners. L'arbitre a fait son travail, puisqu'il y avait bien penalty et carton rouge. Il faut aussi souligner la réaction de Cavalli, un joueur plutôt sanguin, qui a confirmé qu'il y avait main. Quant à la vidéo, c'est impossible car il n'y a pas d'écran de contrôle sur le bord des terrains de Ligue 1, c'est interdit ! Il y en a uniquement en Coupe d'Europe. A priori, quelqu'un l'a vu, tout simplement, puisque la décision a été prise au bout de deux secondes. Le quatrième arbitre ne peut pas regarder d'écran, puisqu'il n'y en a pas ! M. Fautrel a également été voir l'entraîneur ajaccien, Olivier Pantaloni, qui n'a pas voulu non plus livrer de joueur en pâture. L'arbitre aurait-il pu l'exclure ? Non, puisque l'arbitre doit d'abord passer par le capitaine, qui est son interlocuteur sur le terrain. La règle ne dit pas que l'entraîneur doit dénoncer un de ses joueurs. Mais quand vous expulsez le capitaine et que vous êtes certain qu'il y a un joueur qui a fait main, vous pensez quand même en votre for intérieur que le fautif va dire qu'il y a bien penalty, que c'est lui. C'est pour ça qu'il faut souligner la réaction de Cavalli, comme celle de Birsa il y a deux ans contre l'OM. M. Malige avait cru déceler un coup de coude de Bakari Koné, alors qu'il n'y avait strictement rien. L'Auxerrois avait finalement dit que Koné ne l'avait pas touché, et l'arbitre avait intelligemment annulé le carton rouge. Et si on veut assainir le climat sur les terrains, il faut que les joueurs aient des attitudes responsables. Même si Cavalli ne s'est pas dénoncé tout de suite, son commentaire d'après-match est exemplaire, il est assez constructif. "Ce week-end a été globalement difficile" Mais Cavalli s'est dénoncé sans trop s'en rendre compte... Que se serait-il passé s'il avait vraiment été impossible de retrouver l'identité du joueur ? Le débat sur l'arbitrage vidéo aurait été largement relancé... Oui, d'autant plus que sur ce même but, à Nice en 2005 contre Sochaux, M. Lhermite avait cru déceler une main de Balmont sur la ligne de but alors que le joueur avait touché le ballon de la poitrine. Carton rouge puis penalty, c'était terrible, et l'assistant n'avait rien trouvé de mieux que de faire retirer le coup de pied de réparation alors que le Sochalien venait de voir son tir repoussé ! Sous prétexte que le gardien était trop avancé... Faisons un rapide tour d'horizon des autres matches de la journée. Gomis était-il hors-jeu sur le premier but contre Lyon ? Oui... Malheureusement, il est devant le dernier défenseur. Les images sont dures, parfois. Et l'année dernière, le premier but d'André Ayew avait aussi été injustement refusé, alors que le score était encore nul et vierge (ndlr, la rencontre s'était finalement terminé sur le score de 2-2). Le penalty du 2-1 pour Lille face à Sochaux est très litigieux, suite à une intervention d'Abdoul Camara devant Pedretti. Hazard venait de chercher le penalty quelques minutes plus tôt face à Sauget, et Rudi Garcia s'agitait beaucoup sur son banc. M. Cailleux n'a-t-il pas cherché la compensation, alors que Debuchy avait été expulsé 20 minutes avant ? Trois minutes avant, sur ce contact avec Hazard, selon moi il n'y a pas faute. Dans cette logique-là, l'arbitre s'est dit qu'une mini-faute plus une mini-faute donne une faute. Pourtant, M. Cailleux était bien placé, de face et à deux mètres. Je pense qu'il s'est fait abuser. Quant à l'expulsion de Debuchy, elle était justifiée. Heureusement que Sochaux égalise en fin de match... Ce week-end a été globalement difficile, ça avait commencé vendredi avec M. Piccirillo en Ligue 2, lors de Bastia-Monaco. Il y a eu un pic. Mais c'est vrai que ce match est toujours dur à arbitrer, comme les Bastia-Nice. Je me rappelle d'un Monaco-Bastia où j'avais sorti Deschamps du banc de touche. Et sur le dernier que j'ai fait, en 2005, j'avais expulsé Penneteau pour une sortie kung-fu. Là, Frédéric Hantz n'était pas du tout content de l'arbitrage, suite à un penalty et un carton rouge non sifflés pour les Bastiais, d'après lui... Enfin, sur le but de Pastore à Evian, l'Argentin aurait vraiment pu s'écrouler à l'entrée de la surface, mais a poursuivi son action pour aller marquer. On imagine que le travail des arbitres serait facilité si tous les joueurs se comportaient de cette façon... Je l'avais déjà remarqué, c'est quelqu'un qui reste debout. Je l'ai vu plusieurs fois dans des situations où il pourrait tomber, et où beaucoup tomberaient à sa place. Lui, tant qu'il a le ballon, il reste debout. Ça, c'est génial, parce qu'il y a une volonté du défenseur de commettre la faute. A mon avis, au fur et à mesure des matches, il y aura un marquage très serré sur lui, car les défenseurs vont comprendre qu'il n'a pas besoin de beaucoup d'espace et qu'il est très dangereux. Je pense qu'il va être victime de fautes et qu'il faudra le protéger. Mais c'est vrai que tant qu'il peut jouer, il joue. Si tout le monde faisait comme lui, ce serait beaucoup plus facile. Ce week-end, Braaten en est encore le contre-exemple, il est tombé un peu vite dans la surface contre Bordeaux, pour obtenir le penalty sur le premier but du TFC.